Judi Dench

D'abord femme de théâtre, Judi Dench ne semble plus vouloir quitter un grand écran où elle s’est multipliée ces dernières années. D’escargot lors de ses jeunes prestations théâtrales à première dame d’Angleterre au cinéma, portrait d’une actrice qui a su marier Jane Austen à Vin Diesel.

PRINCESSE MALGRE ELLE

Tout débute ici, en costume de gastéropode baveux, sur la scène de son école maternelle, pour celle qui sera élue, des décennies plus tard (en 2005 pour être précis), rien moins que plus grande actrice britannique de tous les temps d’après un sondage organisé par Sky TV. Judith Olivia Dench, née le même mois de la même année que sa comparse, fausse jumelle et tea time buddy, Maggie Smith ("Nous sommes amies depuis 1958"), débute ainsi sur scène et ne fait sa première apparition au cinéma qu’à 30 ans (The Third Secret). Un grand écran sur lequel elle reste assez rare (deux films dans les années 70, quatre dans les années 80), son véritable et délicieux amour se trouvant alors sur les planches. Judi Dench qui, petite, dessinait sur les murs de sa chambre et mettait des robes de poupées à ses chats, laisse éclater ses inspirations artistiques avec la Royal Shakespeare Company, au National Theatre, ainsi qu’au Old Vic Theatre. Ce qui n’était pas son désir originel: Judi se voyait d’abord décoratrice de théâtre, avant d’être découragée en voyant le faste d’une représentation du Roi Lear: "Je manquais d’imagination pour cette tâche". Judi Dench sera donc comédienne: Shakespeare, Ibsen, Tchekhov, Wilde, Shaw et bien d’autres passent ainsi par sa divine moulinette. Judi collectionne les hourras, et en profite pour emmener Shakespeare dans des représentations en Afrique ou au Japon.

REINE DE COEUR

A la fin des années 60, la jeune femme rencontre le comédien Michael Williams, qu’elle épousera et avec qui elle vivra jusqu’au décès de ce dernier, en 2001. Et si la comédienne continue à se faire rare au cinéma (malgré son rôle, face à Maggie Smith, dans le célébré Chambre avec vue de James Ivory), elle sera très présente à la télévision, des apparitions qui feront beaucoup pour sa popularité outre-Manche, des années 60 jusqu’au début des années 90. Une décennie qui sonne comme un tournant. Avec son rôle récurrent de M dans la saga James Bond, Judi Dench est présente sur les écrans du monde entier. L’actrice n’oublie pas ses racines et tourne dans le Hamlet de Branagh, interprétant Hecuba là où, des années auparavant, elle avait interprété Ophélie. Les Etats-Unis semblent redécouvrir ses grands talents, et s’empressent de lui offrir, à 63 ans, sa première nomination aux Oscar, pour La Dame de Windsor, où elle interprète magnifiquement la Reine Victoria. Au point de la récompenser pour n’importe quoi, à savoir ses huit minutes de présence dans Shakespeare in Love qui lui vaudront la récompense du meilleur second rôle. Judi a, depuis, avoué son embarras, mais elle était bel et bien ce qu’il y avait de plus marquant dans cette fantaisie assez terne. Nommée à nouveau pour Chocolat et Iris, toujours présente sur la scène londonienne, Judi acquiert ainsi son statut d’intouchable.

MADAME DENCH PRESENTE

"Judi est délicieusement espiègle. Aucune femme au monde n’est plus malicieuse". Le compliment vient du bourru Stephen Frears, au sujet de Madame Henderson présente, qui lui vaudra sa cinquième nomination aux Oscar. Une veuve d’apparence joyeuse, cachant son chagrin seule sur sa barque, adepte du show must go on et des remarques de vipère. Sans cabotinage, l’actrice brille à tout instant et dévore la pellicule, en mondaine cynique comme en nounours géant, en passant par un surprenant costume de geisha. La même année, elle figure dans une relecture de Jane Austen (Orgueil et préjugés) où elle donne bien du fil à retordre à Keira Knightley, en démon tous cheveux dehors. Enfin, Les Dames de Cornouailles scellent ses émouvantes retrouvailles avec Maggie Smith, dans une histoire d’amour contrariée entre une femme à l’automne de sa vie et un jeune prodige du violon. Mais il ne faut pas croire pour autant que Judi, promue Dame en 1988, ne se cantonne qu’aux robes à base de pintades ou renards morts façon L’Importance d’être constant; en atteste sa présence pour le moins surprenante au générique des Chroniques de Riddick, face à Vin Diesel (soit le couple le plus improbable de l’Histoire du cinéma). Pas forcément une réussite, comme sa participation au difficile chant du cygne de Disney, La Ferme se rebelle (dans le rôle d’une vache). Mais autant de marques de désir chez une actrice plus vivante que jamais: fantastique en professeur venimeux face à Cate Blanchett dans Chronique d'un scandale, costumière au numéro musical explosif et marraine de Daniel Day-Lewis dans Nine, Judi Dench reprendra son rôle de M dans un 23e James Bond à venir.

par Nicolas Bardot