Nine
États-Unis, 2009
De Rob Marshall
Scénario : Anthony Minghella, Michael Tolkin
Avec : Marion Cotillard, Penélope Cruz, Daniel Day-Lewis, Judi Dench, Stacy Ferguson, Kate Hudson, Nicole Kidman, Sophia Loren
Photo : Dion Beebe
Musique : Andrea Guerra
Durée : 1h58
Sortie : 03/03/2010
A l’aube de la cinquantaine, le célèbre réalisateur italien Guido Contini est en pleine crise créative. Alors qu’il essaye d’écrire le script de son nouveau film, Italia, dont la date du tournage approche à grand pas, son imaginaire se trouve confronter aux différentes femmes qui ont une influence sur sa vie, sa carrière: sa mère, sa femme, sa maîtresse, son actrice principale, sa confidente et costumière, la prostitué de son village, une journaliste de mode.
"BE ON YOUR OWN"
On l’attendait avec impatience cette nouvelle comédie musicale signée Rob Marshall, adaptée du célèbre show de Broadway Nine - récompensé de cinq Tony Awards en 1982 puis deux autres en 2003 lors de son revival – lui-même inspiré du film de Federico Fellini 8 ½. Bardée d’un casting cinq étoiles comme l’avait été Chicago, elle s’était placée dès l’annonce du projet comme LE concurrent incontournable des Oscars 2010. Pourtant le film n’écope que de quatre nominations pour la plupart techniques. Si la photo est superbe, si les acteurs sont à la hauteur - particulièrement Daniel Day-Lewis, Marion Cotillard et Penélope Cruz, qui méritent amplement leurs nominations aux Golden Globes -, si les chansons sont plutôt sympathiques, quelque chose cloche. Pris indépendamment, chacun des éléments fonctionne, certains instants sont même remarquables (Be Italian par Fergie, Take it all par Marion Cotillard ou encore la présentation du personnage de Guido) et valent à eux seuls le détour, mais quand on combine le tout, il y a comme un arrière-goût de ratage. Comme si Rob Marshall avait eu de (très) bonnes idées mais n’avait pas su comment les agencer.
WHY, OH WHY?
Pourquoi avoir transporté toutes les scènes musicales des femmes de la vie de Guido dans un décor de plateau de cinéma alors que la plupart d’entre elles auraient pu fonctionner, voire même être bien plus intéressantes, dans leur lieu initial (notamment la scène de la plage avec Fergie et celle de la fontaine avec Nicole Kidman) ? Ce concept, typique de Bob Fosse (Nine rappelle d’ailleurs à plusieurs reprises la deuxième moitié de Que le spectacle commence), se justifiait parfaitement dans Chicago puisque la représentation scénique, la poudre aux yeux et l’envie constante de Roxie de devenir star de cabaret, étaient le sujet même du film. Ici Rob Marshall donne l’impression d’avoir simplement copié le principe sans se demander pourquoi et surtout comment l’appliquer à Nine. On peut arguer qu’à la manière de Roxie, Guido imagine sa vie comme une œuvre cinématographique, mais alors pourquoi avoir choisi un décor statique qui évoque plus la représentation scénique que le septième art ? Si l’on repense à Chantons sous la pluie, qui s’amuse également avec l’image du plateau de cinéma, l’utilisation qui en est faite fonctionnait car beaucoup plus cinétique, laissant le décor s’animer. Il y a chez Donen et Kelly une idée du mouvement dans l’image même qui se perd chez Marshall, faisant tomber l’idée à plat.
Il en va de même si l’on rentre dans les détails. Incompréhension totale devant la vulgarité crasse de la scène musicale du personnage de Penélope Cruz, A Call from the Vatican. Elle nous est certes montrée à travers l’imaginaire de Guido, qui ne considère sa maîtresse que comme un objet sexuel, mais il y a des façons plus heureuses de faire passer l’idée que de montrer en gros plan dans une lumière crue des jambes qui s’écartent et une bouche beuglante. Incompréhension également devant le vocabulaire chorégraphique utilisé pour la séquence de Kate Hudson, Cinema Italiano. Si la scène en elle-même est très sympathique grâce à son énergie, sa structure et l’interprétation des danseurs, bon nombre de mouvements sont eux complètement anachroniques, et clashent avec l’esthétique 60’s véhiculée par les costumes. Incompréhension enfin devant ce final qui prend de l’ampleur, se construit en beauté vers un climax qui n’arrive jamais, nous privant d’une scène qui s’annonçait être parmi les plus jubilatoires du film. Un final riche, bourré d’idées qui, à l’instar du film, retombe comme un soufflet.