Sean Penn

Il est bien loin le temps où Sean Penn jouait la petite frappe du film de James Foley, Comme un chien enragé. Surdoué du jeu d'acteur, campant le fils d'un gangster, le jeune homme faisait face à un Christopher Walken impérial, et s'en sortait avec les honneurs. Avant ce film, on l'avait remarqué dans les oubliés Bad Boys et Taps, dans lesquels son talent éclatait déjà, sans toutefois laisser vraiment espérer une quelconque sensibilité inédite. Autant dire qu'on ne s'attendait sûrement pas à le voir réaliser quinze ans plus tard trois chefs d'oeuvre, ces trois merveilles d'émotion que sont The Indian runner, Crossing guard, et The Pledge.

Pour le moment, toutefois, Sean Penn était surtout connu du grand public pour avoir tabassé sa femme de l'époque, la déjà très connue Madonna. Ce qui ne les a pas empêchés de jouer ensemble, tels un couple modèle, dans l'inepte Shanghaï surprise, l'un des premiers bides de la carrière cinématographique de la chanteuse. Sean Penn n'est pas l'acteur le plus aimé du public. Sa petite gueule ingrate, ses rôles de durs, son regard perçant en font l'équivalent d'un Mickey Rourke. Pourtant, l'acteur sait comment faire évoluer sa carrière: en compensant les histoires de paparazzis, par des choix de films et de metteurs en scène audacieux. Il commence sa nouvelle carrière avec le rebelle Dennis Hopper. Premier véritable film de gangs se déroulant dans les ghettos noirs, Colors est un choc qui bouleverse l'Amérique bien pensante, pas du tout prête à se regarder ainsi dans un miroir. Aux côtés de Robert Duvall, Sean Penn progresse, en admettant que cela soit encore possible. Il fait par la suite la rencontre décisive de sa carrière, en acceptant le rôle du désespéré Outrages, de Brian De Palma (Carrie, Phantom of the Paradise, Femme fatale).

Le cinéaste l'emmène dans des contrées inconnues de l'acteur, qui se dépasse et vampirise le film, ne laissant que des miettes aux autres acteurs, pourtant excellents eux aussi. Sean Penn, quelques temps après, accepte de changer totalement d'allure pour un autre film de Brian De Palma, celui qui reste sans conteste le meilleur de sa carrière, L'Impasse, dans lequel il donne la réplique à Al Pacino. La carrière de l'acteur est alors au top. C'est à peu près à ce moment qu'il décide manifestement de changer de cap, et de tenter l'aventure commerciale. Il joue dans le médiocre She's So Lovely (Prix d'interprétation à Cannes), du pitoyable Nick Cassavetes (qui a réussi en trois films à entacher définitivement le nom de son illustre père), puis dans le mélo larmoyant La Dernière Marche, pour lequel il loupe l'oscar de peu. Heureusement, il a la bonne idée de se racheter aux yeux de ses fans en acceptant les rôles principaux de U-Turn, d'Oliver Stone, et de The Game, du jeune surdoué David Fincher, films dans lesquels il démontre l'étendue de son charme véritable.

Depuis, à l'exception de l'apparition dans La Ligne rouge et du plus récent (et magnifique) Mystic River, il semble surtout s'être consacré à la mise en scène, remboursant les budgets de ses films avec des rôles catastrophiques tels que celui de son dernier film, Sam, je suis Sam.

par Yannick Vély