Toni Collette

Découverte il y a maintenant dix ans dans le costume boudiné d’une fan de Abba, Toni Collette est devenue un des seconds couteaux préférés de Hollywood. Une appellation rendue caduque par l’aisance et l’inspiration d’une comédienne de tout premier plan, des dentelles de Jane Austen aux dunes australiennes.

YOUNG & SWEET, ONLY 17

En 1994, une petite pépite des antipodes se taille une réputation culte aux quatre coins de la planète. Dans Muriel, l’héroïne éponyme n’a jamais eu de petit ami mais songe sans arrêt à son futur mariage, tout en se gavant des mélopées suédoises de "Dancing Queen" ou "Waterloo". Dans la peau de la jeune fille rêveuse se cache une nouvelle venue, Toni Collette. Malgré un engagement qui se remarque des ongles jusqu’au moindre bourrelet (elle prend plus de 20 kilos pour le rôle), Collette estime qu’elle n’était pas encore, à l’époque, réellement actrice: "Je n’envisageais même pas que des gens verraient le film au cinéma, c’était simplement très drôle à faire et ça a changé ma vie". Pourtant, le personnage correspond bien à la passion qu’elle nourrit depuis des années ("Il s’agit de quelqu’un qui prétend être quelqu’un d’autre") et marque le vrai début de sa carrière cinématographique, après un second rôle dans Spotswood, production australienne dans laquelle elle est déjà remarquée. Avec la jeune femme, tout semble aller vite. Première de sa classe, elle la quitte à 16 ans pour se lancer dans la comédie. Elle ne reste que 18 mois à l’Institut National d’Art Dramatique d’Australie pour tâter rapidement les planches et se faire à son nouveau métier. D’un costume à un autre, Toni se change en un éclair, faisant de l’art du caméléon sa spécialité.

ANTONIA ET SES FILLES

Pour Collette, plus que d’incarnation, on pourrait presque parler de disparition. Un visage pour un rôle et un univers différent à chaque arrêt de bus, voilà ce qui semble être le credo de l’actrice. Personnages en reflets disposés en diagonale, de la nonne de 8 Femmes ½ à la compagne de star du glam dans Velvet Goldmine, d’une mère à une autre entre Sixième sens et Pour un garçon. Difficiles à cerner, ces traits sans cesse bouleversés au fil des rôles, mais qui révèlent pourtant une constante appropriation physique et spirituelle. Toni fait partie de ces seconds couteaux voleurs de scènes, aussi bien chez Shyamalan (bouée de sauvetage crevée, jetée dans la mare aux fantômes) que chez les frères Weitz (mère suicidaire à chevelure douteuse et pull poilus). Ou encore chez Stephen Daldry, où elle semble employée dans ce strict emploi d’étincelle secondaire face à Julianne Moore lors d’une formidable scène de The Hours. Adoptée par les Etats-Unis, l’actrice est nommée aux Oscars pour son interprétation dans Sixième sens. Il reste pourtant en elle l’attrait du ping-pong, cette envie de "goûter les parfums de différents pays". Toni Collette, qui vit à Sidney, ne délaisse donc pas sa carrière australienne, comme en atteste sa participation à Japanese Story.

ENTRE VACARME ET SILENCE

Pour la comédienne, l’Australie est l’alternative aux dangers du conformisme hollywoodien. Les silences et l’aspect contemplatif de son nouveau film sont, selon elle, autant d’embûches pour monter un tel projet aux Etats-Unis. L’entreprise est donc 100% australienne et 100% féminine, de la mise en scène au scénario. Perdue dans le désert face à son interlocuteur japonais ("nous étions là pour 6 semaines mais c’était comme si cela durait 6 mois"), elle incarne le pilier frémissant d’un long-métrage qui a reçu une vague de prix et des critiques enjouées sur sa terre natale. Son film suivant, terminé fraîchement, prend au pied de la lettre son goût pour le travestissement. Connie & Carla, dont l’affiche est partagée par Nia Vardalos, raconte l’histoire de deux fans de comédies musicales ringardes qui s’envolent vers Los Angeles pour s’engager dans un spectacle de drag-queens… "Il y aura beaucoup de chansons, beaucoup de danse et beaucoup de strass", assure t-elle en ajoutant qu’il s’agit, dans une certaine mesure, d’un "Certains l’aiment chaud à l’envers". Surprise programmée ces prochains mois, probablement avant d’autres à venir.

par Nicolas Bardot