Japanese Story
Australie, 2003
De Sue Brooks
Scénario : Alison Tilson
Avec : Toni Collette, Lynnette Curran, Matthew Dyktynski, Gotaro Tsunashima
Durée : 1h45
Sortie : 17/03/2004
Rencontre forcée et improbable d’une géologue australienne et d’un businessman japonais. La première est engagée comme guide par le second, dans un désert qui sera le décor d’un étrange voyage.
JE VOUDRAIS TE DESSINER DANS UN DESERT
Désert, haut lieu au chic le plus aiguisé. Dumont y largue ses amants maudits, Van Sant y perd ses Gerry, et à quelques milliers de kilomètres de là, Sue Brooks égare son improbable couple dans la canicule du Pilbara. Qu’a-t-elle de japonaise, cette histoire perdue au cœur de l’Australie? Ses pieds sont enfoncés dans le sable d’un désert que Brooks offre en plongée en ouverture de film, soulignant son immensité tout comme son étrange beauté, sa peau changeante et disparate de caméléon. Peut-être est-ce la simplicité d’un haïku, tenant à rien mais s’ouvrant vers l'infini. La vie et la mort, l’amour et la haine, la flamme d’un silex que peut créer une rencontre impromptue. En l’occurrence elle, Australienne active et exubérante, et lui, Japonais touriste et effacé. La confrontation paraît d’abord bien convenue, avec son cahier des charges de l’opposition culturelle en tant que refrain vieux comme le monde, et quelque peu usé. Mais la richesse fragile de Japanese Story, c’est justement de donner à voir un déjà-vu lassant pour en percevoir l’inédit. Juste avant que le film ne bascule dans le vide qu’il s’est échiné à créer.
L’ABSENCE
Le désert comme laboratoire aux révélations n’est pas une réelle nouveauté, et Sue Brooks n’y prétend pas. Son histoire est une simple et élégante traversée sur un fil branlant ou la mort est un spectre sourd, deus ex machina permanent donnant son prix au quotidien le plus anodin. Du trépas, on en parle autour d’une table de cuisine, avec cette fascination qu’a la mère de l’héroïne pour cette ombre intouchable qui semble sommeiller dans chaque grain de sable sans qu’on ne se soucie de sa présence. Passage surnaturel et naissance des fantômes, Brooks orchestre un désert dont on ne remarque la nudité que lorsque la mort y a fait son œuvre. Japanese Story tourne alors à la mélopée lyrique, formidablement mise en musique par Elizabeth Drake, et transcendée par le feu de Toni Collette. L’absence y est d’une rare amertume, muette et affligée. Les photos sont un cliché essentiel à la reconnaissance du vide, et le deuil accompagne longtemps après que les cercueils s’envolent au ciel. A l’image d’un titre simple et mystérieux, Japanese Story offre son regard avec humilité, son humanité à la barbante familiarité mais aux vibrations uniques.
En savoir plus
Le film a obtenu début novembre aux AFI (les Oscars australiens) 8 récompenses dont meilleur film, la meilleure réalisatrice (Sue Brooks), meilleure actrice (Toni Collette) et meilleur scénario (Alison Tilson). Il s’agit du second long-métrage de Brooks après Road to Nhill (1997), qui était sa première collaboration avec sa scénariste Alison Tilson et sa compositrice Elizabeth Drake.