Muriel

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Petit canard boiteux d’une famille australienne, Muriel a pourtant des rêves plein la tête, qu’elle compte bien réaliser un jour. Et ce jour là pourrait venir plus vite qu’on ne le pense…

Anti-dépresseur surpuissant, Muriel devrait être prescrit par les médecins (et remboursé par la sécurité sociale) à tous les moches, les gros, les angoissés, les maladroits et les complexés - bref, le commun des mortels - désireux de changer de mentalité. Et le petit plus produit, c’est que le bel objet que voici fonctionne aussi bien les soirées entre amis que dans les pires moments de solitude. Avec partage ou égoïsme, peu importe la manière de consommer, le bonheur explose de toute façon. C’est une promesse. La fantaisie se fait ici libératrice, et pour une fois, salutaire. Dans le cinéma américain, la petite grosse aurait tenté le régime miracle, le cours bidon de yoga, ou bien le fantastique serait intervenu pour faire de la demoiselle une parfaite petite américaine typique. Elle serait devenue un bel objet sans âme, siliconé jusqu’aux oreilles, l’air un peu couillon, et elle aurait compris en bout de course, que la vraie beauté vient du cœur... Mais bon sang c’est bien sûr! Comme ici, leçons de morale, stupidités et autres banalités politiquement correctes ne sont pas de mises, de quoi s’agit-il exactement? On vous le rabâche pourtant assez, dans toutes les séries pour ados et autres niaiseries de TV réalité: "Reste comme tu es, ne change pas, t’es parfait, t’es quelqu’un de vrai, de sincère". Et oui, on est tous beaux à l’intérieur. A croire que nos boyaux, exposés à la lumière, nous pareraient aussi bien qu’un Chanel dernier cri. C’est faux, je vous rassure, ne tentez rien chez vous.

Muriel prend donc le contre-pied, avec une certaine délectation, de ce vieux cliché véhiculé par le cinéma. Alors "fuck the world, je suis grosse et peut-être laide, mais moi au moins, je ne passe pas mon temps à me moquer des autres, et je m’éclate. Mettez-moi du ABBA et je vous dirai qui je suis", prévient-elle. Et quand Muriel s’excite, il faut bien l’avouer, ça détonne. Née d’une mère modèle - des enfants, un mari, et des réunions Tupperware - et d’un père exemplaire – le portrait type du self made man qui n’en veut – la pauvre enfant n’avait donc aucun souci à se faire. Sauf qu’elle est un peu bête, et un peu moche, et un peu grosse, et qu’elle commence à en avoir ras le bol qu’on le lui fasse remarquer. Alors elle ouvre bien grand ses ailes mal dégrossies et s’envole, bien plus haut que n’importe quel membre de sa triste famille n’aurait eu l’audace de l’imaginer. Et le plus étonnant, c’est qu’elle y arrive. En alternant scènes bidonnantes et moments tendres, l’inspiré P.J. Hogan élève son pamphlet d’une Australie guindée (la course à la réussite, à la performance, à l’apparence), au rang de conte de fée adulte, où les zones d’ombre n’étouffent pas tout à fait les rires, et où les rires laissent parfois échapper des larmes. L’une après l’autre, Dancing Queen, Waterloo et Fernando raisonnent pour offrir une performance explosive de Toni Collette, véritable merveille de sincérité, aussi désopilante qu’agitée. Et le film de devenir culte en très peu de temps, insufflant de la vie à tous ceux qui en manquaient, et de l’air frais à tous ceux qui suffoquaient.