Gérard Lanvin

Gérard Lanvin
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Acteur

A presque 55 ans, il a une place définitivement à part dans le cinéma français, alternant films de commande et œuvres plus marginales ou plus exigeantes. Il est de loin le meilleur acteur français de sa génération et est en train de réussir ce que Depardieu n’a pas su faire: devenir une star, une vraie, un acteur discret que l’on aime à retrouver d’un film à l’autre, qui se trouve toujours là où on ne l’attend pas mais avec qui il faut dorénavant compter. Son parcours n’est pas exempt d’erreurs, mais sa personnalité et son jeu remportent largement l’adhésion. Retour sur la carrière d’un acteur impérial.

INDISCIPLINE ET LOIN D’ETRE BETE

Dès ses débuts, Lanvin choisit une filière différente. Pas de cours d’art dramatique, mais l’école de la rue, des petits boulots sordides, puis celle des cafés-théâtres, là où toute une génération d’acteurs a commencé. C’est l’époque du Splendid et du Café de la Gare, de Coluche et Dewaere, de Miou-Miou et Balasko. C’est sur les planches de ces théâtres volontairement à part qu’il commence, dans des pièces telles que La Revanche de Louis XI ou Amours, coquillages et crustacés (remplaçant Thierry Lhermitte dans le rôle de Popeye). Il joue également dans Elle voit des nains partout, ou encore Fromage ou dessert, puis fonde son propre café-théâtre avec l’aide de Martin Lamotte: La Veuve Pichard. Sa tronche de jeune rebelle fait fureur, son jeu s’affine, Coluche se prend d’affection pour lui et lui propose un rôle dans le cultissime (ou lamentable, c’est selon) Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine. Il interprète le Chevalier Blanc, saute sur son cheval, fait des mouvements impossibles dans une armure ridicule, et revoit le film aujourd’hui avec le sourire. On le charrie là-dessus, il accepte le jeu. Le film est un grave échec, surtout pour Coluche, qui le réalise, mais reste aujourd’hui l’un des premiers étendards de cette génération prête à tout pour se faire remarquer. Une époque, un souffle nouveau, des acteurs qui écrivent leurs propres rôles à défaut de s’en voir proposer. Les rôles, ces jeunes turcs les enchaînent. Pour Lanvin, ce sera Bête mais discipliné, Tapage nocturne, Les Héros n’ont pas froid aux oreilles et, surtout, Extérieur nuit (de Jacques Bral) et Une semaine de vacances (de Bertrand Tavernier). Deux films présentés au Festival de Cannes 1980, dans lesquels l’acteur fait sensation et éclate enfin aux yeux du public. L’année suivante, il obtient le prix Jean Gabin pour Une étrange affaire, ainsi qu’une nomination aux Césars et un joli succès public pour Tir groupé. La période des vaches maigres et terminée, celle du café-théâtre aussi, Lanvin accède au vedettariat et entre dans les petits papiers de distributeurs jusqu’alors réticents.

GARÇON COIFFEUR

La décennie des années 80 semble partie pour être la sienne. Son physique peut l’imposer aussi bien dans le registre action en digne successeur de Belmondo ou Delon, alors sur le déclin, ou dans celui du cinéma d’auteur français. Il joue d’un côté chez Boisset (l’incroyable mais daté Prix du danger), Corneau (Le Choix des armes), ou Granier-Deferre (Une étrange affaire). Et de l’autre, rameute onze millions de spectateurs en deux films: Marche à l’ombre (de Michel Blanc) et surtout Les Spécialistes, le buddy-movie à la française de Patrice Leconte, seule tentative du genre. C’est surtout sur ce dernier qu’il faut s’attarder, sans pour autant nier les qualités évidentes de la comédie de Michel Blanc. Les Spécialistes, ses scènes d’action spectaculaires, ses dialogues vulgaires à souhait, son duo qui fonctionne à merveille, c’est l’assurance d’un renouveau français du cinéma de genre, la relève attendue aux films de Verneuil, un concurrent direct pour les films en provenance d’Hollywood. Certes le film a bien vieilli et n’est pas exempt de défauts. Mais il fait l’effet d’une bombe dans le cinéma français de l’époque. Au même titre que Rue barbare ou Les Longs Manteaux, deux films violents et sombres avec l’autre star potentielle du cinéma d’action, Bernard Giraudeau. Les deux acteurs gardent un souvenir amer de cette époque, expliquant aujourd’hui que les ex-gloires des années 70 (Belmondo et Delon, pour ne pas les nommer), les avaient traités comme "des garçons coiffeurs", au lieu de les accueillir et de leur passer le relais, citant les exemples américains de Paul Newman (La Couleur de l’argent) ou Dustin Hoffman (Rain Man) avec Tom Cruise. De cet "échec" suivit une carrière en dents de scie, durant laquelle Lanvin cachetonne pendant quelques années dans des films d’Hervé Palud (Les Frères Pétard) ou d’Ariel Zeitoun (Saxo). Dans le lot, on peut surtout retenir sa jolie prestation dans l’agréable Mes meilleurs copains, sans doute le film le plus attachant de la génération Splendid, écrit par Clavier et réalisé par Poiré. C’est durant le tournage qu’il fait la connaissance de Jean-Pierre Bacri, acteur au parcours finalement similaire. Entre temps, il aura écrit Moi vouloir toi, petit échec durant le tournage duquel il rencontre sa future femme.

LES ANNEES FASTES

Alors vint Claude Lelouch. Finalement, on l’oublie un peu trop vite, mais ce cinéaste reste l’artisan du début de carrière de nombreux acteurs. Luchini lui doit beaucoup, Lanvin aussi, même s’il reste amer sur sa participation dans le rôle du Christ à La Belle Histoire, plus gros échec du cinéaste: "il m’a fait faire deux films pour même pas le prix d’un. (…) Donc je fais La Belle Histoire, je vois le film et je me dis que ça suffit, que la plaisanterie a assez duré". Il y a des jours et des lunes en revanche, est salué par Les Cahiers du cinéma dans un sublime entretien avec le cinéaste. La carrière "auteur" de Lanvin peut repartir de plus belle. C’est à partir de là que la troisième étape commence, alternance de films d’auteurs réussis et de films populaires à succès, qui font de lui aujourd’hui l’un des acteurs les mieux payés en France. Détenteur du César du meilleur acteur pour Le Fils préféré, de celui du meilleur acteur dans un second rôle pour Le Goût des autres, il tourne pour Eric Rochant (Anna Oz), Bertrand Blier (Mon homme), Pierre Jolivet (En plein cœur), Bruno Nuytten (Passionnément), Antoine de Caunes (Les Morsures de l’aube), Sam Karman (A la petite semaine), Christian Vincent (Les Enfants), autant de films exigeants, pas toujours réussis, mais où son talent est invariablement salué. Les ratés San Antonio, Le Boulet et 3 Zéros n’entachent en rien sa réputation, et assoient au contraire sa prédominance dans l’esprit du public: les films se plantent, ou ne remportent pas le succès escompté, mais Lanvin en sort indemne, sans que l’échec ne lui soit à aucun moment imputé. Sa modestie est proverbiale, sa discrétion aussi, son corps approche celui d’un Stallone (tour de biceps impressionnant), il touche plusieurs millions par film, mais semble avoir gardé la simplicité qui était celle de ses débuts. Comme s’il ne se rendait pas compte qu’il avait rejoint depuis quelques années déjà le panthéon des plus grands acteurs français du siècle.

par Anthony Sitruk

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2004 Les Parrains 2004 Les Enfants 2003 San Antonio 2002 A la petite semaine 2001 3 Zéros 2001 Le Boulet 2000 Les Morsures de l’aube 1999 Passionnément 1999 Le Goût des autres 1998 En plein cœur 1997 La Femme du cosmonaute 1996 Anna Oz 1995 Mon homme 1994 Le Fils préféré 1993 Les Marmottes 1992 La Belle histoire 1989 Il y a des jours... et des lunes 1998 Mes meilleurs copains 1987 Saxo 1986 Les Frères Pétard 1985 Moi vouloir toi 1984 Les Spécialistes 1984 Marche à l’ombre 1983 Ronde de nuit 1982 Le Prix du danger 1982 Tir groupé 1981 Une étrange affaire 1981 Le Choix des armes 1981 Est-ce bien raisonnable ? 1980 Une semaine de vacances 1980 Extérieur nuit 1979 Bête mais discipliné 1977 Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine

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