Adam Sandler

Alors que son nom est encore trop peu connu dans l’Hexagone, il est l'une des stars les plus plébiscitées de l’autre côté de l’Atlantique. Prince de la comédie, ses performances n’ont de cesse d’attirer les foules américaines dans les salles obscures et, alors que son nouveau film arrive sur nos écrans, il serait enfin temps que le public français lui fasse honneur. Car même s'il traîne avec lui l’image d’une Amérique gentille et proprette, il n’en est pas moins un acteur avec un vrai talent comique et une belle force d’identification.

YOUNG ADAM

C’est le 9 septembre 1966 dans le quartier de Brooklyn que naît le petit Adam. Alors qu'il est encore étudiant en art à l'Université de New York, il fait ses armes dans quelques stand up sur la scène des cafés-théâtres. Pendant sa dernière année, il obtient un petit rôle, cependant récurrent, dans quelques épisodes du Cosby show. Il se retrouve ensuite dans un premier long métrage en 1989: Going overboard, une petite comédie bien américaine qui est loin de faire l’unanimité. Sandler rempile alors dans les stand up et c'est dans un petit club de Los Angeles qu'il se fait remarquer, au début des années 90, par le comique Dennis Miller, l'une des stars du Saturday Night Live. Celui-ci lui laisse sa chance dans cette émission culte et, rès vite, Sandler s’impose comme l'une des valeurs sûres du show, ne tardant pas à rejoindre la notoriété de ses comparses, Mike Myers et Chris Rock. Sandler se lance alors pleinement dans le septième art et décroche d'abord des seconds rôles, dans Airheads ou Mixed Nuts, puis s’impose en tant que scénariste (Billy Madison, Termina Golf) et producteur. En 1998, The Wedding Singer (Demain on se marie) devient instantanément culte et révèle Adam Sandler au grand public. Fort de ce succès, il enchaîne comédie sur comédie avec Waterboy, Big Daddy et Little Nicky. Il s'impose définitivement comme l'un des comiques les plus populaires outre-Atlantique, sa notoriété n’a de cesse de grandir et il devient même un acteur "bankable".

En 2003,il est à l'affiche de Punch-Drunk Love de Paul Thomas Anderson, dans lequel il dévoile une facette qu’on ne lui connaissait pas encore: la sensibilité. Même si la rumeur le donnait en bonne position pour le prix d’interprétation à Cannes en 2002, ce rôle l’emmèna vers une nomination au Golden Globe du meilleur acteur. C’est alors que Michael Mann s’intéresse à lui pour partager l’affiche avec Tom Cruise de Collateral. A l’annonce de cette nouvelle, les fans de Sandler sont en émoi, car il va pouvoir étendre encore une fois son talent grâce à l'un des meilleurs directeurs d'acteurs en activité. Mais c'est Jamie Foxx décroche finalement le rôle à sa place. Puis il revient dans Amour et amnésie, avec Drew Barrymore (avec qui il avait partagé son plus gros succès à la fois critique et public, The Wedding Singer). Encore une fois le succès est au rendez-vous et son numéro de charme tout au long du film continue de régaler les fans transis de son personnage d’éternel "adulescent" prêt à tout pour les yeux de sa douce. Aujourd’hui la donne à un peu changé. Son rôle dans Spanglish lui a sûrement donné l’envie d’incarner des personnages plus humains et moins enfantins qu’a l’accoutumée. Et c’est avec une très belle interprétation qu’il arrive à faire exister ce personnage de père de famille en pleine remise en question, partagé entre son éternel amour pour sa femme et la fraîche folie romantique d’une aventure avec la nouvelle nounou de ses enfants. Avec Mi-temps au mitard et aujourd'hui avec Click, il revient à ses premières amours de comédie pure et dure, sans pour autant céder au personnage facile et stupide qu’il a parfois trop interprété. Non, ici, son rôle de Michael Newman est plus à classer aux côtés de ceux de The Wedding Singer ou Amour et amnésie car, même s'il continue de faire le pitre, certains sentiments incroyablement humains (comprendre bien américains et sirupeux) prennent le dessus.

DOUX, DUR ET DINGUE

Au regard de sa filmographie, les histoires dans lesquelles ses différents personnages évoluent peuvent facilement se rapprocher du conte. Le genre de conte où le héros n’est pas forcément celui qu’il paraît être mais qui apprend à le devenir, soit pour une dulcinée, soit pour et par une sorte d’apprentissage. Et s’il est un conte qui pourrait à lui seul servir de dénominateur commun à l’ensemble de sa carrière, c’est bien celui des frères Grimm: Blanche-Neige et les sept nains. Car Sandler a construit son interprétation et les traits de caractère de ses personnages presque en fonction des caractéristiques de ces nains. Tour à tour simplet, timide, grincheux, dormeur ou joyeux, chacun de ses personnages en utilise les traits. Même les rôles de Prof ou d’Atchoum y sont utilisés. Par exemple, Bobby Boucher, le porteur d’eau de Waterboy, est à lui seul trois incarnations de ces nains puisqu’il emprunte à Simplet le côté crétin du personnage, à Grincheux ses excès d’humeur qui en feront une star du football américain et à Timide un côté enfant castré par sa mère qui n’ose parler à l’élue de son cœur.

Nicky, le héros de Little Nicky, empruntera les mêmes caractéristiques. Timide (qui est le nain le plus utilisé) est aussi couplé à Joyeux dans The Wedding Singer et Amour et amnésie, où les personnages de Robbie Hart et Henry Roth mènent une existence paisible sans excès ni fioriture, mais qui va être chamboulée par l’arrivée de l’inaccessible Drew Barrymore. Dans Big Daddy, alors que Timide et Joyeux refont leur apparition, on note l’arrivée de Dormeur, pour le côté lunatique du personnage, qui aime à se complaire dans son existence simpliste sans vouloir lever le petit doigt, et d'Atchoum, pour son coté assisté qui ne sait jamais où il a mal. Enfin, Grincheux revient sur le devant de la scène pour Self Control et Termina Golf, ce dernier passant aussi par la case Dormeur, et Timide repassant aussi par Punch-Drunk Love. Pour ce qui est de Prof, certes il n’a jamais vraiment été incarné à travers l’un de ces personnages, mais les scénarios possèdent toujours un petit côté moraliste (tout comme les contes), où chacun peut y voir une leçon de vie. Il arrive même parfois que ces "nains" soient interprétés par certains de ses fidèles collaborateurs, véritables seconds rôles ou simple caméos. Il y a en effet toujours une place pour ses amis Steve Buscemi et Rob Schneider, ou les éternels présents Allen Covert, Peter Dante, Jonathan Loughran et désormais Sean Astin qui obtiennent un rôle dans chacun des films d'Adam Sandler.

ADAM ET EVE

Un autre point commun à la filmographie de Sandler est l’Amour. Que ce soit une quête, une reconquête ou une découverte, Adam met un point d’honneur à développer ses relations avec la gent féminine et se pose souvent en bourreau des cœurs malgré lui. C’est même parfois le thème principal de ses films, comme The Wedding singer ou Punch-Drunk love, où l’homme s’évertue à séduire Drew Barrymore ou Emily Watson. Si, au cours de sa carrière, il a aussi croisé les regards de Winona Ryder, Marisa Tomei, Patricia Arquette, Joey Lauren Adams ou encore Bridgette Wilson, il sort toujours vainqueur de ses histoires en ayant repoussé ses limites, ses préjugés ou son ego, et en dévoilant véritablement ses sentiments à la personne désirée. C’est en rejetant définitivement son indécise d’ex et en avouant ses sentiments qu’il épousera la belle Drew Barrymore dans The Wedding singer. C’est en se montrant sous son vrai jour qu’il arrivera à faire définitivement craquer Patricia Arquette dans Little Nicky. C’est en apprenant à gérer ses excès d’humeur qu’il retrouvera la mutine Marisa Tomei dans Self Control.

Même dans son rôle le plus sérieux, c’est son côté enfantin et naïf mais fou qui séduira Emily Watson dans Punch-Drunk Love. Et s’il vit ces relations avec passion et s’évertue à les faire chanter avec élan et fougue, cela ne dépasse jamais le stade de la relation guillerette mais sincère, l’amour sous sa simple addition d’un homme plus une femme, sans jamais penser au lendemain. L'an passé, Spanglish et Mi-temps au mitard auront par contre changé quelque peu la donne par rapport à ses conquêtes précédentes. Dans ce second film, la toujours ravissante Courteney Cox apparaît plutôt comme un moyen pour Sandler de jouer aux côtés de l’une des plus belles actrices de la planète. En effet, la comédienne incarne simplement sa compagne du moment, qu’il va quitter en quelques minutes pour affronter ensuite l’univers carcéral, bien sûr complètement masculin. Heureusement que dans Click, Kate Beckinsale possède un personnage un poil plus développé. Mais dans le film de James L. Brooks, Sandler aura eu du mal à choisir entre l'américaine typique, la blonde Tea Leoni, et la superbe bomba latina Paz Vega. Un choix dithyrambique qui sera d’ailleurs l'un des éléments clés de l’histoire. Comme quoi l'on ne se défait jamais d’un cœur d’artichaut.

par Christophe Chenallet