Punch-Drunk Love

Punch-Drunk Love
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Punch-Drunk Love
États-Unis, 2002
Avec : Adam Sandler, Philip Seymour Hoffman, Emily Watson
Durée : 1h31
Sortie : 22/01/2003
Note FilmDeCulte : *****-
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Barry Egan mène une vie sans surprise et refoule toute volonté d'y changer quoi que ce soit, jusqu'à ce qu'il découvre un mystérieux harmonium devant l'entrepôt où il travaille...

LENDEMAIN D'IVRESSE

Paul Thomas Anderson nous avait laissé dans une certaine ivresse, il y a trois ans, avec Magnolia. Film-fleuve et film choral, oeuvre d'une liberté absolue, opéra baroque exaltant, le troisième film du jeune réalisateur-scénariste tenait du chef-d'oeuvre bouillant, du film culte instantané. Anderson lui-même avouait à l'époque qu'il ne pensait pas faire "plus" que Magnolia dans le reste de sa carrière: plus intime, plus énorme, plus beau. La page se tourne donc avec Punch-Drunk Love, où la gueule de bois qui suit les lendemains de fête prend des allures de réveil enivré après les nectars dégustés la veille. Petite île entre les continents Boogie Nights et Magnolia, Punch-Drunk Love conte une simple histoire d'amour d'1h30, soit en apparence l'antithèse des démesurément ambitieux films de trois heures qui ont construit sa réputation de jeune prodige.

Néanmoins, la récréation de PTA conserve sa patte, véhiculée par la tribu qu'il s'est faite depuis Sydney. Philip Seymour Hoffman et Luis Guzman sont au rendez vous, même chef opérateur et même compositeur que pour ses précédents films. En outre, malgré un sujet plus minimaliste, la mise en scène du jeune réalisateur conserve son brillant, son aspect sophistiqué qui confère une véritable ampleur à sa supposée "petite" comédie romantique. "Supposée", car Punch-Drunk Love est un film en trompe l'oeil, une histoire de paradoxes. L'oeuvre d'un réveil à demi saoul où les contours des personnages se dessinent lentement, où le charme diffus se révèle peu à peu. Catalyseurs de cette formule magique: un harmonium, des boites de pudding, des peintures oniriques de Jeremy Blake et un costume bleu. Déroutant? Normal, Punch-Drunk Love, sous ses oripeaux clairs comme de l'eau de roche, est une énigme amoureuse dont les composantes sont plus farfelues les unes que les autres.

THE MAN WHO WASN'T THERE

Voici ce qui apparaît au réveil: le visage et la dégaine de Barry Egan (Adam Sandler), un homme comme les autres qui devient hors du commun sous le regard d'Anderson. Cette figure de proue est à l'image du film: l'apparence est simple mais la chair tourmentée. L'hommage à la comédie musicale des 40's tient dans l'esthétique technicolor lumineuse comme dans le costume coloré de Sandler qui en semble directement extrait, mais sous ce vernis, il y a un personnage engourdi, réveillé par l'irruption d'éléments hétérogènes dans son homogène existence. Parmi ceux-ci, l'irruption de la douce Lena (Emma Watson, sobre et charmante), parachutée telle une grenouille tombant du ciel dans la vie millimétrée de Barry. Barry et son appartement gris, Barry et ses soeurs harpies, Barry et ses accès de furie... La délicate mécanique d'Anderson tient du bruissement a priori anecdotique qui se répand sur une eau pas si limpide. L'histoire d'amour semble somme toute assez banale, mais elle permet à son personnage principal d'ouvrir les yeux sur sa propre existence, qu'il a subie jusque-là les yeux grands fermés. Le battement d'ailes du papillon Lena pousse l'homme-enfant Barry à un rituel de mue. On assiste ainsi à l'accomplissement d'un personnage esseulé et sans repère - car à la différence des trois précédents films d'Anderson, la figure paternelle est absente.

Bravo à Jon Brion, qui suit cette évolution en composant une une sublime orchestration, où les thèmes mélancoliques et essoufflés font place aux revigorantes percussions accompagnant le réveil de Barry. Bravo également à Anderson d'être parvenu à sortir quelque peu du formol un genre (la comédie romantique) qui s'y complait si souvent, en apportant notamment une touche de gris à son rose. Punch-Drunk Love transpire l'amour que Anderson porte à ses personnages, comme dans ses précédents films, ou comme son homonyme Wes dans son récent La Famille Tenenbaum: on y rencontre des personnages un peu en marge, qui sont dépeints avec une finesse et une profondeur telle que l'attachement est inévitable. En habitué des festivals, Paul Thomas Anderson a reçu le prix de la mise en scène (partagé avec le vétéran coréen Im Kwon-Taek pour Ivre de femmes et de peinture) pour un film mineur dans sa filmographie, soit. Mais à l'image d'un Soderbergh ou d'un Fincher, il parvient à faire de son film mineur une belle réussite... Probablement la marque des tout grands.

par Nicolas Bardot

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