Yolande Moreau

Fier et improbable buste de Marianne du clan Deschiens, Yolande Moreau a longtemps été cantonnée, sur la grande toile, aux commodités étriquées et à l'accessoire pittoresque. Mais d'une première réalisation césarisée à son rôle-titre dans Séraphine, l'actrice, par chemins détournés, est parvenue à affirmer sa place unique dans le paysage cinématographique français.

3615 CODE QUI N'EN VEUT

Née à Bruxelles, Yolande Moreau débute dans des spectacles de théâtre pour enfants. En 1982, elle écrit, sang sur les mains, son one woman show, Sale Affaire: du sexe et du crime, où elle interprète une femme qui vient d'assassiner son amant. Remarquée par Agnès Varda, Yolande apparaît pour la première fois à l'écran, dans Sans toit ni loi. C'est quelques années plus tard, à la fin des 80's, que Yolande Moreau rejoint la troupe de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff. Une rencontre qui, outre une large expérience théâtrale, signe l'acte de naissance des Deschiens, glorifiés sur Canal+ à coup de 3615 Code Qui n'en veut, d'ingurgitation de gibolin et de radio-crochet sur nappe à carreaux. Yolande y campe Madame Morel, bon sens populaire et un rien rustre de la fromagerie du coin... un rôle lunaire qui lui colle à la peau, au point d'en être un peu prisonnière. Mais après quelques seconds rôles oubliables, l'actrice trouve un peu de poésie dans le regard de Jeunet qui lui offre sa Madeleine Wallace du Fabuleux destin d'Amélie Poulain, inconsolable amoureuse dont les lettres envoyées par son amant sont les trésors.

En 2004, sa première réalisation, Quand la mer monte, est un nouveau départ comme un coup de rétroviseur attendri: son Irène flirte avec l'auto-portrait, et interprète notamment un one woman show intitulé... Sale Affaire: du sexe et du crime. Le film, en grand carnaval du Nord bien avant la vague Ch'ti, porté par un coeur gros comme ça, est un succès inattendu et récolte deux César: meilleure première oeuvre et meilleure actrice, au nez et à la barbe de Maggie Cheung, Audrey Tautou ou Emmanuelle Devos. Apparaissant chez Costa-Gavras (Le Couperet) ou chez Dupontel (Enfermé dehors), Yolande Moreau trouve, à ce jour, le rôle de sa vie avec Séraphine, où elle interprète Séraphine de Senlis, bonne à tout faire mais peintre visionnaire, dont les fleurs lui sont inspirées par le chuchotement des anges. Séraphine, portrait d'une géniale atypique, un rôle qui va comme un gant à une comédienne qui ne ressemble à aucune autre et trimballe, de film en film, de rôle en rôle, sa singularité, modèle unique que l'on retrouvera bientôt avec le duo Kervern/Delépine (Louise-Michel) ou encore chez Jeunet (Micmacs à tire-larigot).

par Nicolas Bardot