Francois Ozon

Francois Ozon
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Réalisateur, Scénario
France

"Quand on est dans le noir, autant voir des choses excitantes sur un écran." "Mon premier court métrage, Victor, racontait l'histoire d'un jeune mec qui tuait son père et sa mère. Quand ils ont vu ça, mes parents m'ont dit qu'ils étaient rassurés, que maintenant que j'avais assouvi ça sur un écran, je ne le ferais pas dans la réalité." (François Ozon)

IL N’Y A PAS D’AMOUR HEUREUX

A la sortie de son septième film, 5x2, François Ozon ferait presque figure de vieux routard. Parce que chacune de ses nouvelles sorties est maintenant attendue et ne jouit plus de la surprise du débutant, parce que son œuvre mûrit et s’éloigne quelque peu de la jeunesse d’hier, sans pour autant en couper les racines. De Gouttes d’eau sur pierres brûlantes à 5x2, le couple, toujours un peu branlant, évolue, trouble juvénile contre usure de l’âge, mais au son de la même petite boite à musique qui reliait les gouttes entre elles – samba teutonne ou mélo rital. Ozon, toujours occupé à chercher ce qui se trame sous le sable de la rencontre entre Marion et Gilles, tranchant cinq bouts de vie comme il découpait hier ses femmes en huit ou sa Ludivine Sagnier en deux. Un éventail de possibilité pour un cinéaste joueur, comme l’a confirmé sa ludique et légère Swimming Pool, respiration d’été après l’imposante entreprise hivernale de 8 femmes. Deux larges succès qui lui ont d’ailleurs permis de bien figurer au box-office d’outre-Atlantique. Diplômé d'études cinématographiques et sorti de la FEMIS, François Ozon se voit ainsi confier en 2002, avec 8 femmes, la responsabilité du casting le plus prestigieux depuis des lustres à seulement trente-trois ans, étonnant pour un réalisateur vite catalogué subversif.

"Je me souviens qu'un intervenant de la FEMIS, dont l'habitude était de nous dire que nous faisions "des films d'aveugles", m'avait dit "Vous n'avez fait ce film que pour un seul plan, celui de la partouze.""

SEXE, MENSONGES ET VIDEO

Filmeur boulimique (une sortie annuelle depuis Sitcom), Ozon s'est approprié la caméra dès son plus jeune âge, influencé par les films de voyage en Inde de son paternel, montrant des hippopotames morts flottant sur le Gange, et poussé par son prof de fac dont le leitmotiv était de tourner, toujours et coûte que coûte. Enchaînant une trentaine de courts en super 8 avec des bouts de ficelle et des participations amicales de proches, il s'initie vite aux angoisses obsessionnelles de la réalisation. Oscillant à la FEMIS entre Pialat, Sirk, Ophuls et Minelli, références dont il va vite se démarquer pour se créer un style davantage digne de Fassbinder. Récompensé abondamment dans de nombreux festivals, ses courts se font rapidement une réputation cataclysmique très loin des prises de tête dans des cafés du sixième. Parmi eux, le bandant Une Robe d'été (deux hommes amoureux au bord de mer dont l'un va se laisser tenter par une aventure féminine sur une plage naturiste) rafle une vingtaine de prix, se fait nominer au César du meilleur court et transcende au passage quelques tabous, pour sortir ensuite en salles avec un moyen, Regarde la mer, jouant sur une relation hitchcockienne entre deux femmes, dont l'une est enceinte. Manipulant le spectateur en le poussant à imaginer des choses monstrueuses, le film est une vraie curiosité de suspense et d'horreur, qui voit vite Ozon taxé d'icône gay misogyne alors que la fascination/répulsion éprouvée pour le sexe féminin révèle Marina De Van, angoissante au possible.

"J'ai toujours pensé qu'il fallait exprimer les pires choses dans son art."

"Chez les acteurs, il y a un côté très exhibitionniste; je me sentais plus voyeur."

QUERELLES

Passage au long avec Sitcom, ovni de provoc watersienne où un rat plonge une famille bourgeoise dans le chaos. Transgressant toutes les conventions conservatrices, Sitcom récuse toute autocensure et exprime l'inavouable avec un plaisir sadique (tous les personnages assument leurs névroses inconscientes après s'être fait mordre par le rat, de l'inceste au sadomasochisme). Totalement décalé et excessif, se rapprochant d'un Théorème zoophile, le film, tourné en deux semaines, se taille une réputation critique et un gros succès public pour une sortie minimale sans aucune promo, lui permettant de ressortir un projet enterré faute de financement. Les Amants criminels raconte l'histoire d'Alice et Luc, deux lycéens - incarnés par les blonds et belges Natacha Régnier et Jérémie Rénier - tuant Saïd, incarnation du fantasme beur, s'enfuyant enterrer le cadavre dans la forêt, avant de se faire capturer par un ogre des bois. Relecture amorale de contes enfantins initiés à une sexualité bestiale, le film laisse trop vagabonder ses images en flashbacks bancals, et en rajoute trop dans le symbolisme ambivalent, se résumant quasiment à Gretel s'amusant à manipuler Hansel qui va tuer par dépit du refoulement avant de se débloquer par une sodomie salvatrice. Immature mais fascinant, le film est un bide et se verra même remonter par Ozon pour sa version DVD. Qu'importe, les acteurs sont d'un dévouement exemplaire, la photo sublime et la BO à tomber. Un semi-ratage ou une semi-réussite, selon les goûts et les humeurs, mais il ne laisse en tout cas pas indifférent.

"Un couple formé par un homme de cinquante ans et un jeune garçon de vingt ans... Je me fous de l'étiquette du cinéma pédé, même si ça me fatigue. Ce qui m'énerve, c'est d'entendre des gens me dire: "Ras le bol de ces sujets-là!", alors que bon, personne ne reproche à Claude Sautet de faire des films hétéros."

TANZE SAMBA MIT MIR

Surpassant son maître Fassbinder en adaptant l'une de ses pièces laissée à l'abandon, Gouttes d'eau sur pierres brûlantes plonge le spectateur dans la vision quotidienne d'un couple seventies, Frank et Leopold (Malik Zidi et Bernard Giraudeau, trente ans de différence) tout en réussissant à donner une vision universelle du couple. Sur le modèle du cinéaste allemand, Gouttes d'eau... est à la fois une comédie noire et un huis clos étouffant très folklo, avec Anna Thompson en transexuelle. Au final, un exercice de style insolent mais plus assagi et structuré, quelque part entre l'émotion radicale et le grotesque assumé. Et enfin, le film de la consécration, Sous le sable, où comment Charlotte Rampling bondit du fin fond du placard dans son interprétation d'une cinquantenaire hantée par la disparition de son mari. Enigmatique et fantastique, entre le deuil et la folie, une splendeur évidente qui n'est pas pour rien dans la confiance que porte aujourd'hui les producteurs et acteurs français à cette nouvelle valeur montante: grâce à ce portrait de femme déchirant et un art de la narration sensationnel acquis tout récemment, Ozon est devenu ni plus ni moins qu'un génie, notre exception culturelle.

par Nicolas Bardot

En savoir plus

2007 Angel 2005 Le Temps qui reste 2004 5x2 2003 Swimming Pool 2002 8 femmes 2000 Sous le sable 2000 Gouttes d'eau sur pierres brûlantes 1999 Les Amants criminels 1998 Sitcom

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