Frantz
France, 2016
De Francois Ozon
Scénario : Francois Ozon
Avec : Paula Beer, Pierre Niney
Photo : Pascal Marti
Musique : Philippe Rombi
Durée : 1h53
Sortie : 07/09/2016
Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.
SECRETS ET MENSONGES
On a eu le temps, en une quinzaine de films, d'identifier la patte Ozon - mais ça ne signifie pas que les longs métrages du prolifique réalisateur français sortent d'une usine empaquetés et calibrés selon une formule unique. Car de Sitcom à Dans la maison, de Potiche à Jeune et jolie, de 5x2 à Angel, il y a un éclectisme quasi-unique parmi les cinéastes de sa génération. Là encore, Frantz, film d'époque en noir & blanc, tourné en allemand, ne semble ressembler à rien d'identifié chez Ozon. Mais on n'a à vrai dire même pas le temps de relier Frantz à son cinéma qu'Ozon s'amuse déjà à brouiller les pistes : drame historique ? Romance ? Suspens ? Frantz est tout cela à la fois et ce mix de genres est la première qualité séduisante du long métrage.
"Je voulais faire un film sur le mensonge et les secrets". C'est ce qu'a confié le réalisateur à la Mostra de Venise où le film est présenté en compétition. Le jeu formel assez stimulant de Frantz (dont on ne dévoilera pas le principe ici) va dans ce sens. Il y a une lecture premier degré, un peu trop littérale, où le traitement plastique vient surligner l'émotion. Mais Ozon est malin et ce qui pourrait passer pour un gimmick sous-tend quelque chose de plus tordu, à l'image d'un film qui paraît d'abord assez lisse mais qui révèle davantage d'aspérités: c'est un film d'Histoire, mais c'est surtout un film de fictions, de mises en scène, et ces ruptures plastiques viennent nous faire un clin d’œil.
On évoquait plus haut la diversité de la filmographie d'Ozon, mais il y a aussi à l'intérieur même de ses longs métrages un côté poupées russes, un film invisible dans celui qu'on voit. C'était par exemple le cas d'un Jeune et jolie qui n'était pas un film sur la prostitution étudiante, davantage sur la sexualité adolescente et son expérimentation - et peut-être plus encore un reflet déformé de l'homosexualité et de son apprentissage, la clandestinité, la solitude et son rapport aux autres qui lui sont propres. Frantz reste ouvert aux interprétations, même celles qui se voient à peine à l'écran, même celles que les personnages contredisent, mais ce jeu sur les secrets et mensonges ouvre audacieusement la porte d'un autre film à peine esquissé.
Si l’ambiguïté a quelque chose de ludique et excitant, Frantz est aussi, parfois, un peu plus figé que certains films d'Ozon, avec un noir et blanc ici et là un peu plat qui corsète un peu l'ensemble. Mais dans ce récit d'après-guerre qui en annonce une autre, dans ce reflet de villes éventrées et de gueules cassées, il y a une respiration et une révélation: Paula Beer, d'une grâce à la fois fébrile et charismatique, et qui s'ajoute sur la liste de découvertes d'un cinéaste décidément surdoué en matière de direction d'acteurs.