Anthony Hopkins

Anthony Hopkins
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum
Acteur

En 1999, Anthony Hopkins déclarait à la presse, d’un ton affecté, qu’il avait gâché sa vie. Il précisait à l’époque: "Je quitte le métier d'acteur parce que c'est un métier fatigant, dérangeant et déplaisant. J'arrête. J'ai honte de la plupart des films que j'ai faits." L’acteur venait alors d’enchaîner les tournages de Rencontre avec Joe Black, Instinct et Le Masque de Zorro, ceci expliquant peut-être cela… Avec l’âge, un acteur se voit offrir de moins en moins de rôles intéressants, et se trouve souvent obligé de puiser dans le répertoire classique, celui de Shakespeare notamment, pour incarner un personnage aussi riche d’intérêt que de complexité. Oui mais voilà, ce répertoire shakespearien, Hopkins l’a passablement épuisé au cours de sa longue carrière. Que lui reste-t-il à jouer?

Né Philip Anthony Hopkins le 31 décembre 1937, à Port Talbot au Pays de Galles, il est le fils unique d’un boulanger. En grandissant dans l'atmosphère à la fois terrifiante et envoûtante de la Seconde Guerre Mondiale, il se forge un caractère de petit garçon rêveur et réservé. Ses difficultés à s’intégrer en classe le conduisent à s’intéresser à la lecture, puis très vite au théâtre. Il se découvre alors un don précieux, celui de comprendre un personnage et de savoir l’interpréter. Le début d’une vocation. Rattrapé par la vie, il effectue contre son gré son service militaire. Profondément bouleversé par cette nouvelle expérience, il se renferme au contact de ses camarades. Le jeune Anthony n’aime rien moins que faire partie d’un groupe, un cocon qui l’empêche de s’épanouir. Il continue de rêver de théâtre, mais sans penser au spectateur, et sans penser au metteur en scène. Son rêve, comme tous les rêves, est égoïste: il veut jouer, donner la réplique, et qu’on la lui donne. Il veut sa chance. Agé de 24 ans, il entre enfin dans la très prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art de Londres. Il en sort diplômé deux ans plus tard et devient membre du Phoenix Theather Company à Leicester. Ayant acquis de l'expérience et de l'assurance, il auditionne devant son idole Laurence Olivier pour entrer au Théâtre National. Sa prestation est très appréciée, et il sympathise même avec son mentor. C’est alors qu’un homme, considéré comme l’auteur par excellence, et disparu trois siècles plus tôt, se présente à lui.

De William Shakespeare, Hopkins lira tous les textes, les dévorant tour à tour, et en interprétera presque autant. Junon et le Paon, Hamlet, La danse de mort, chaque pièce le séduit et il séduit tout le monde. On lui fait les yeux doux. La télévision surtout. De séries en téléfilms, comme Victoire sur la nuit, Cas de conscience, Mussolini et moi, Les Dessous d'Hollywood ou Le Dixième homme, Hopkins s’affirme comme l’un des jeunes acteurs les plus doués de sa génération. Son goût pour la littérature classique étonne ses pairs et le différencie des comédiens de son âge. En témoignent ses deux Emmy Awards, pour son rôle de Bruno Hauptman dans Lindbergh Kinapping Case en 1976 puis pour son interprétation d'Hitler dans The Bunker en 1981. Mais plus que son talent, c’est son physique qui va orienter sa carrière. D’allure sévère et austère, et d’après l’imagerie populaire, Hopkins est taillé dans le bois des grands hommes de ce monde. C'est donc tout naturellement en Richard Cœur de Lion qu'il débute au cinéma, dans The Lion in Winter d’Anthony Harvey, au côté de Peter O'Toole et Katharine Hepburn. Il n’est pourtant âgé que de trente ans. Par la suite, il n’aura de cesse d’interpréter des personnages liés à l’Histoire, ou feignant de l’être, leur apportant cette incroyable densité du décisionnaire, de l’homme de pouvoir, du héros pourchassé par un destin implacable. Qu’il personnifie Othello, Picasso, Hitler ou Nixon, il est à chaque fois l’incarnation du dilemme, du colosse aux pieds d’argile. Pour le public, Hopkins porte en lui la crédibilité innée de l’homme de science, à l’esprit cartésien et scientifique, qui ne ressent ni ne souffre. Il endosse successivement les costumes du soldat et du médecin: docteur Treves dans Elephant Man, sergent McCleod dans Juggernaut, lieutenant colonel Frost dans Un pont trop loin, docteur Grant dans Dark Victory, lieutenant Bligh dans The Bounty, docteur Kellogg dans Aux bons soins du Dr Kellogg, professeur Van Helsing dans Dracula de Coppola, et enfin docteur Hannibal Lecter, dans Le Silence des agneaux de Jonathan Demme.

Curieusement, Demme est le premier metteur en scène de la formation Roger Corman (qui comprend Coppola, Cameron, Scorsese, Bogdanovich…) à s’intéresser à la carrière d’Anthony Hopkins. Pour les deux hommes, tourner un film hollywoodien s’avère être une expérience nouvelle et périlleuse. Ayant pour point commun le goût de la marginalité, Demme et Hopkins optent pour une mise en scène et une interprétation réalistes, loin du format californien. Ironie du sort, c’est pour ce travail alimentaire qu’ils obtiennent chacun un oscar. Le film, au demeurant excellent, explose au box-office, et le grand public découvre alors un nouvel acteur de cinquante-quatre ans. Hopkins ne manque pas de s’amuser de la situation, faisant remarquer à qui veut l’entendre qu’il exerce depuis déjà une trentaine d’années. Mais passé les récompenses, l’acteur s’inquiète du phénomène, se sentant pris en otage dans sa combinaison de psychopathe-gentleman. Il est devenu une icône horrifique que l’on n'oublie pas, au même titre que Linda Blair dans L’Exorciste, un croque-mitaine qui continue de fasciner les foules contre son gré. Du fait de son anonymat relatif et du choc imposé par le film, il n’est plus Anthony Hopkins, mais bel et bien Hannibal Lecter, aux yeux de tous.

C’est James Ivory qui le premier lui donne la chance de briser cette image. En incarnant successivement Henry Wilcox dans Retour à Howards End et le très stylé majordome James Stevens dans Les Vestiges du jour, Hopkins parvient à éviter le piège de l’étiquette. Tout en finesse, avec ce génie qui le caractérise, il redore son blason et récolte une nouvelle nomination aux Oscars. Puis une autre encore deux ans plus tard, pour Nixon, sous la direction d’Oliver Stone. A cette époque, répondant aux questions récurrentes des journalistes, il déclare solennellement qu’il en a terminé avec Lecter, et qu’il ne tournera pas dans une éventuelle suite. Hopkins sait qu’il n’a pas attendu un Oscar pour bien jouer la comédie, mais il sait aussi savourer son nouveau statut de star. Prétextant la lassitude et la fatigue, il se contente de rôles mineurs ou de petites apparitions ici et là. Dans Légendes d’automne d’Edward Zwick, il incarne le père de Brad Pitt, la star montante. Tout un symbole. Suivront A couteaux tirés, Amistad, Le Masque de Zorro, Rencontre avec Joe Black, Instinct, ou encore Mission Impossible II... Accumulant ainsi les projets les plus improbables, l’acteur ne s’était encore jamais autant éloigné de son répertoire. Mais pour le public, Hopkins reste un gage de qualité.

En 1996, comme pour témoigner de son profond ennui, il s’essaye même à la réalisation avec August, adapté d’une pièce de Chekhov, dans lequel il joue le rôle principal et compose la musique originale. L’échec du film, ajouté aux nombreuses productions formatées auxquelles il a participé, finit de lasser le comédien. "J’ai gâché ma vie" dit-il. En réalité, Hopkins supporte mal le sentiment d’être insidieusement écarté sur le bas côté, sous des applaudissements qu’il juge hypocrites. Aujourd’hui, Anthony Hopkins ne semble toujours pas être sorti de cette impasse, et ce, même s’il continue de tourner, contrairement à sa déclaration de 1999. Alors qu’il s’était juré de ne pas céder, il accepte, dix ans après Le Silence des agneaux, d’incarner le célèbre Lecter dans Hannibal de Ridley Scott, relançant ainsi la machine Dino De Laurentiis. Désormais, Hopkins se contente de cabotiner et d’encaisser son chèque. Le nouvel opus du producteur italien, Dragon rouge, ne fait qu’entériner le triste déclin de ce formidable acteur. Souhaitons-lui rapidement un grand rôle à sa mesure.

par Yannick Vély

En savoir plus

2002 Dragon Rouge 2002 Bad Compagy 2001 Cœurs perdus en Atlantide 2001 Hannibal 2000 Mission Impossible II 1999 Titus 1999 Instinct 1998 Rencontre avec Joe Black 1998 Le Masque de Zorro 1997 Amistad 1997 A couteaux tirés 1996 Surviving Picasso 1996 August 1995 Nixon 1994 Légendes d’automne 1994 Aux bons soins du Dr Kellogg 1993 Les Vestiges du jour 1992 Dracula 1992 Retour à Howards End 1991 Le Silence des agneaux 1984 The Bounty 1980 The Elephant man 1977 Un Pont trop loin

Quelques liens :

Commentaires

Partenaires