Couleur du mensonge (La)
The Human Stain
États-Unis, 2003
De Robert Benton
Scénario : Nicholas Meyer
Avec : Ed Harris, Anthony Hopkins, Nicole Kidman, Wentworth Miller, Gary Sinise
Durée : 1h46
Sortie : 29/10/2003
Accusé d'avoir tenu des propos racistes à l'égard de deux de ses étudiants, le professeur Coleman Silk démissionne de son université. Peu après avoir approché un écrivain qui pourrait raconter son histoire, il fait la rencontre de Faunia, une jeune femme à la dérive qui s'offre à lui.
LA TACHE
Il naît parfois de ces vénérables adaptations littéraires quelques rejetons écrasés dans un ciment trop épais pour leurs frêles chevilles. Acclamé à sa sortie, La Tâche, de Philip Roth, devenait un candidat logique à la mutation pages noircies/toile blanche, las. Perdu sur les mauvais tapis roulants de la confection cinématographique, La Couleur du mensonge n'est que le pauvre résultat d'un presse-agrumes dévastateur, grande machine à boulons dont ressort un drame tiède et vide. Tiède tout d'abord parce que sa chair est triste: à partir d'une affiche grand luxe (deux des plus grandes têtes d'affiche pour deux des meilleurs seconds couteaux), les beaux restes se font rares. La faute à une caractérisation à une face ne permettant que le respectable et entier homme de lettres, l'épave dépressive, l'observateur effacé, l'enfant détraqué du Vietnam, et rideau. Il suffit ainsi de retourner une fois les personnages pour voir qu'il n'y a pas foule derrière. La preuve la plus cruelle réside dans les scènes partagées par Hopkins et Kidman, moments qui parviennent à devenir des monuments de creux tant leur relation paraît fausse et insipide.
RIEN SUR COLEMAN
Engoncé dans ses beaux désirs, Robert Benton ne s'en sort pas. Retiré à la pince mécanique de ses crépusculaires et dernières réalisations en bon souvenir de ses glorieuses années (Kramer contre Kramer, 1979), il y a ici comme une impression de difficile réveil après un coma prolongé. D'une amorphe mollesse, Benton voit ses douces volontés s'écraser une à une sur le pavé glacial. Une conversation purement littéraire avec un sombre volatile, une nostalgie bon enfant d'un "cheek to cheek" dansant, un ancrage dans l'Amérique revenue à ses fantasmes de vertu, chaque ambition aboutit dans un mur de lamentations. L'ombre du sujet (naissance des mensonges et des dilemmes qui donnent sa couleur à la chair, apparition des fantômes qui hantent les esprits) est confinée aux flash-back d'une ronflante platitude. Le reste est un récit indigent pompé de ses nerfs et de son sang, constat qui s'impose même en mettant de côté la sempiternelle comparaison livre/film. Les premiers instants mettent pourtant en garde: une solide voiture, dans un paysage glacial, sort du chemin sinueux et s'écrase la tête la première dans le décor réfrigéré. Au bout de quelques minutes, on est déjà prévenu de la déroute.