L'ÉTRANGE FESTIVAL : compte-rendu des 12 et 13 septembre
La sélection 25 ans, 25 choix de l’Etrange Festival, permet à plusieurs artistes de présenter une œuvre de leur choix. Pour ce jeudi 12 septembre, Vincent Ravalec (réalisateur, scénariste, parolier, essayiste…) arrive avec Les Pommes d’Adam de Anders-Thomas Jensen (2005, Danemark/Allemagne). Ce n’est pas la première fois qu’un film de Jensen atterrit à l’Etrange Festival puisqu’on y avait déjà découvert, en 2015, Men and Chicken, également avec un bonne dose d’humour noir et Mads Mikkelsen. Dans Les Pommes d’Adam, ce dernier joue un pasteur aveuglé par sa foi, persuadé que Dieu est toujours à ses côtés et que personne ne peut lui vouloir du mal. C’est chez lui qu’arrive Adam, un néo-nazi dont la peine de prison touche à sa fin, et qui doit suivre un programme de réinsertion. Sous la comédie, on retrouve le processus d’une réflexion autour du bien, du mal, et de l’acceptation du malheur.
La photographe et réalisatrice Emilie Jouvet arrive ensuite avec Strange Days de Kathryn Bigelow (1995, USA). Au crépuscule de l’an 1999, un ancien flic reconverti dans le trafic d’une technologie-drogue permettant de voir et ressentir ce que quelqu’un d’autre a vécu. Un jour, il reçoit un disque enregistré par le tueur d’une de ses amies. Bide à sa sortie, le pourtant impressionnant Strange Days prédisait déjà notre ère de l’image instantanée. Le sous-texte social n’est pas sans rappeler le rôle qui jouent les réseaux sociaux dans les mobilisations sociales, la puissance de l’image, le cinéma en tant qu’art de masse et l’outil qu’ils représentent tous pour les contre-pouvoirs. Rattraper Strange Days aujourd’hui ne permet qu’apprécier encore plus le discours et les pistes du film - qui se révèle aussi être un excellent divertissement.
Le vendredi 13 était, lui, marqué par une grève des transports parisiens qui a altéré la fréquentation du Forum des images mais Come to daddy affichait néanmoins un certain nombre de spectateurs. Un jeune homme rend visite à son père qui l’a abandonné lorsqu’il avait cinq ans. Bien qu’il soit venu sur sa demande, il n’a pas l’impression d’être le bienvenu dans sa maison reculée. Comédie qui vire un peu au thriller, ou thriller comique, Come to daddy ne propose que quelques blagues à se mettre sous la dent, pour peu qu’on apprécie l’humour basé sur du caca et du sperme. Le film affiche ses faiblesses scénaristiques et, à part une bonne interprétation d’Elijah Wood, il n’y a pas grand-chose à sauver de cette retrouvaille entre père et fils.
Entre 1978 et 1993, à Londres, le Scala Cinema projetait des films difficiles à voir ailleurs. L’Etrange Festival lui consacre un petit focus, présenté par Jane Giles, historienne et journaliste active dans le cinéma marginal, qui fut également responsable de la programmation au Scala. On la retrouve donc sur la scène, accompagnée d’Alejandro Jodorowsky. Lorsque l’on demande à Alejandro Jodorowsky, de faire un faire « avec un tueur de femmes », il réalise en 1989 Santa Sangre (co-production Mexique/Italie) qui demeure aujourd’hui encore une référence majeure. A mi-chemin entre ses inspirations et les films qu’ils inspirera dans le futur, Santa Sangre narre l’histoire d’un homme « devenu fou », d’abord à travers son enfance, dans un cirque. On y retrouve un peu de surréalisme, la dose de giallo réclamée par Claudio Argento, du symbolisme et cette douce poésie au-delà de la violence, qui caractérise parfois le cinéma de Jodorowsky.
Le retour à la compétition Nouveau Genre s’effectue avec Lillian de l’autrichien Andreas Horvath, un road-movie inspiré d’une histoire vraie et présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes. Une jeune femme russe, ne trouvant pas de travail à New-York et dont le visa a expiré, décide de rejoindre son pays natal à pieds. Lillian est la version radicale d’Into The Wild, dans laquelle les jolies phrases issues de la volonté de philosophie d’un jeune homme sont remplacées par les simples paysages des zones péri-urbaines puis rurales des Etats-Unis. Le réalisateur vient du documentaire, un genre dans il lequel il puise aisément et dans lequel on pourrait presque se croire si on ne suivait pas une actrice. Ainsi, on n’est pas dans un documentaire mais on ne se sent jamais totalement dans une fiction tant il n’y a ni fil scénaristique ni dialogues, ce sont les paysages presque à eux seuls qui narrent l’histoire. Au fur et à mesure, Lillian tisse le gigantesque panel que représentent les USA, un pays qui ne semble jamais avoir été conquis par l’homme blanc. La présence de ce dernier s’efface progressivement et, les rares rencontres qu’effectuent Lillian finissent par être remplacées par un ours. Portrait d’humains perdus dans une immensité, Lillian, aussi radical soit-il, n’est peut-être pas un des films les plus étranges mais certainement un des meilleurs de ce festival.
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