L'ÉTRANGE FESTIVAL : compte-rendu des 10 et 11 septembre
L’Etrange Festival se poursuit et entame sa dernière ligne droite, offrant ses derniers moments pour découvrir encore un bon nombre de curiosités.
Le mardi 10 démarre avec un documentaire, El Duce Tapes (Rodney Ascher, David Lawrence, Ryan Sexton, USA). El Duce était le leader provocateur et contesté du groupe The Mentors. Tournés par un acteur de seconde zone fasciné par cette figure, et désireux de comprendre comment appréhender ses horribles paroles, les rushs d’El Duce Tapes ont été abandonnés des années dans un placard avant d’être sortis et assemblés. Il en résulte une quête à partir de laquelle on ne suit sans trop de difficultés le sujet mais parfois un peu redondante. Le film sera rediffusé le dimanche 15 septembre.
Retour ensuite à la compétition Nouveau Genre avec Knives and Skin de Jennifer Reeder (USA). Carolyn, une lycéenne disparaît. Pendant ce temps, dans sa petite ville, la vie essaie de continuer. Ce n’est pas par hasard ce bref résumé vous évoque une certaine Twin Peaks, et c’est sans doute ce qui pose le plus problème dans Knives and Skin qui semble perdre ses ambitions de vue à force de trop s’attarder sur ses références (souvent assumées). On se perd souvent dans cet œuvre néanmoins pas antipathique mais dont la réalisation doit gagner en confiance. Knives and Skin sera rediffusé vendredi 13 septembre à 15h15.
Jocelyn DeBoer et Dawn Luebbe es deux réalisatrices et actrices principales de Greener Grass (USA) viennent présenter leur film, toutes deux vêtues de longues robes à imprimé léopard, et visiblement très contentes d’être là, dans la sélection Nouveaux Talents. Leur présentation survoltée laisse place à un film qui l’est tout autant. La satire anxiogène de la banlieue pour middle class parisienne est accompagnée d’un humour régressif et absurde qui a le mérite de rester fidèle à lui-même et de ne pas répéter des gags déjà vus. Il faut dire que cet humour si particulier ne se retrouve pas vraiment au cinéma, ou du moins pas en France. On le rapprochera, dans l’hexagone, plutôt aux vidéos Youtube de Kemar ou Mister V. Ceux qui en sont adeptes ne pourront qu’adorer Greener Grass, les autres finiront peut-être par trouver le temps un peu long.
Mercredi 11 septembre Mati Diop vient présenter, dans le cadre de la rétrospective « 25 ans, 25 choix », Pique-nique à Hanging Rock de Peter Weir (1975). La réalisatrice d’Atlantique, sélectionné au dernier Festival de Cannes, explique avoir également voulu proposer Suicide Club de Sono Sion - un nom auquel l’Etrange Festival est habitué. Pique-nique à Hanging Rock démarre le 14 février 1900. Les élèves d’une école de jeunes filles se rendent à Hanging Rock, montagne sacrée et autrefois lieu de culte des aborigènes, pour pique-niquer sous le rocher. Plusieurs personnes ne reviennent jamais à l’école. On les recherche – en vain. Sous son ambiance si particulière, sa lumière douce qui semble sortir d’un tableau et les jupes blanches des personnages, Pique-nique à Hanging Rock narre la rencontre entre la culture des colons auxquelles ne rêvent plus les jeunes filles et la nature australienne encore intacte. L’amour, la haine, la solidarité et le pouvoir baignent la mélancolie qui se tisse progressivement, alors qu’Hanging Rock ne dévoile jamais complètement son secret. Des années plus tard, le film de Peter Weir (qui a beaucoup inspiré Sofia Coppola) demeure toujours aussi fascinant et pertinent.
Présenté dans la sélection Mondovision, Ni dieux ni maîtres (Eric Cherrière, France) puise son inspiration dans Le Pacte des loups, dont il récupère les mêmes codes du western et parfois du cinéma plus oriental mais dont il n’a néanmoins pas le budget. Ce problème, qui en soit n’est pas forcément la responsabilité du cinéaste, n’est malheureusement jamais contourné et Ni dieux ni maîtres finit par afficher un manque d’intentions en dehors d’un discours social qui manque de complexité.
Enfin, le mercredi se termine avec une soirée dédiée au frères Quay, pendant laquelle est projetée le court-métrage A Doll’s Breath et le long-métrage Institut Benjamenta. Le premier présente une sorte de cauchemar éveillé à l’aspect aussi effrayant que singulier, dont l’action est tellement rapide qu’on ne comprend pas tout (pour ne pas dire rien) mais dont on se retrouve à suivre hypnotiquement les images. Le second suit Jakob, un homme (Mark Rylance) qui s’inscrit à une école de domestiques au fonctionnement souvent (pour ne pas dire toujours) absurde. Il est rare de voir un long-métrage au surréalisme si radical, à l’esthétique aussi onirique et qui ne fait aucune concession de facilité – en cela Institut Benjamenta est admirable et se rapproche de Eraserhead, d’un certain David Lynch. Il demeure néanmoins difficile d’accès en fin de journée et le risque de décrocher lors du dernier tiers de l’œuvre finit par être présent…
L’Etrange Festival se poursuit jusqu’à dimanche 15 septembre (inclus) au Forum des images (Forum des Halles, 75001 Paris).
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