L'ÉTRANGE FESTIVAL : compte-rendu des 6 et 7 septembre
L’Etrange Festival continue à battre de son plein au Forum des images, devenu antre du bizarre pour deux semaines, le temps de projet un bon nombre de films parfois horrifiques, parfois surprenants, des rétrospectives, cartes blanches et une sélection en compétition.
Il y avait, au programme de la journée du vendredi 6 septembre, une séance (très) spéciale avec Irréversible – inversion intégrale, présenté par Gaspar Noé, Philippe Nahon, Albert Dupontel, Monica Bellucci et Jo Prestia (Vincent Cassel étant, lui, en tournage). C’est sous une longue standing ovation qu’a été accueilli cette équipe souriante, toujours prête à rappeler que, malgré la violence de l’oeuvre, tous gardent un bon souvenir du tournage. Monica Bellucci a pris le micro pour préciser que la fameuse scène de viol était une chorégraphie qui avait été répétée avant et ainsi appréhendée avec beaucoup de recul pour les interprètes. Au fil des années, Irréversible s’est forgé une sacrée réputation. D’abord scandale cannois, il est devenu œuvre culte de certains, toujours détesté par d’autres, mais a rarement laissé indifférent. Il narre l’histoire, bien connue à présent, de Marcus (Cassel), Pierre (Dupontel) et Alex (Bellucci). Marcus et Pierre sont amis, Marcus sort avec Alex, qui fut, dans le passé, la petite-amie de Pierre. Le soir où Alex est victime d’un viol dans un tunnel, Marcus et Pierre se lancent dans la quête de l’agresseur et se livrent à des actes d’une violence inouïe. Dans la version originale, le premier montage, on découvre dans un premier temps la vengeance de Marcus et Pierre, le viol d’Alex et, enfin, la vie insouciante que menait les protagonistes avant le drame. L’adage du film, le temps détruit tout, prenait ainsi tout son sens. Gaspar Noé a retravaillé sur l’oeuvre pour proposer un montage alternatif qui remet les évènements dans l’ordre. Si l’exercice avait déjà été effectué sur les bonus d’une édition de DVD asiatique, il n’avait pas été supervisé par le réalisateur, qui soigne ici ce qui pouvait ressembler à une simple fantaisie. Mais, si le montage original, celui pour lequel l’œuvre a été pensé, reste inévitablement et heureusement le meilleur, cette « remise en ordre » des évènements n’est pas dépourvue d’intérêt puisqu’elle permet d’embrasser pleinement le point de vue d’Alex. Le viol apparaît comme étant la symbiose de « prouesses » virilistes et de comportements masculins toxiques. Il n’y a guère de finesse mais cet « Irréversible (expliqué) pour les nuls » offre une relecture du film dans l’ère du temps.
Cette vingt-cinquième édition de l’Etrange Festival c’est aussi la sélection « 25 ans, 25 choix », dans laquelle 25 personnalités choisissent une œuvre à présenter. Philippe Découflé, chorégraphe de danse contemporaine et réalisateur de clip, a tourné son choix vers Les Petites Marguerites de Vera Chytilova. Cette dernière, importante figure de la Nouvelle Vague tchécoslovaque avait fait l’effet d’une bombe avec ce film, rapidement censuré dans son pays à l’époque, sous prétexte de gaspillage alimentaire – pour ne pas dire que la contestation politique dérangeait fortement. S’il date de 1966, Les Petites Marguerites brille encore pour sa modernité et son esprit résolument punk, que ce soit dans son fond comme dans son forme. Refusant une narration classique, mêlant les expérimentations visuelles et proposant une esthétique qui ressemble davantage à un clip actuel qu’à une œuvre tournée il y a une cinquantaine d’années, Les Petites Marguerites a conservé toute sa verve.
Retour à la compétition le samedi 7 septembre avec Furie. Pendant leurs vacances, Paul et Chloé prêtent leur maison à Sabrina, la nounou de leur fils, et son mari. Mais lorsque les propriétaires rentrent, Sabrina et son époux refusent de rendre la maison. Impuissants et face à une justice qui tarde à agir, Paul commence à perdre pieds. Ce film français réalisé par Olivier Abbou commence plutôt bien, le home invasion attendu se révèle être un thriller social au scénario bien ficelé (un simple regret sur les dialogues, sur-écrits), qui utilise non plus les faits mais la psychologie de son personnage comme ressort. Au bout d’un bon moment de questionnements et d’une rage qui monte, Furie commence progressivement à se saboter, s’enorgueillissant dans une surenchère d’explications grotesques, que l’on n’avait pas rencontré dans sa première partie. Malgré cette rupture maladroite et son final qui se distingue par une certaine absence de finesse, le film conserve le mérite d’une mise en scène soignée qui se refuse aux sirènes des jumpscares faciles, et d’un excellent postulat. Furie sera rediffusé le dimanche 15 septembre à 16h45, toujours au Forum des images.
Enfin, il est temps de traverser l’Atlantique pour The Wretched (Brett Pierce & Drew T. Pierce, USA). Ben, un adolescent de 17 ans dont les parents sont en instance de divorce, rejoint son père pour l’été. Il observe des évènements étranges dans la maison d’à-côté, dont les locataires pourraient bien être les victimes d’une créature. The Wretched se déroule en été, à côté d’une marina, il laisse part au petit job saisonnier et amourettes de passage, disposant de ce goût si agréable de la belle saison. Et pourtant, entre le ciel gris, les forêts austères et les soirs un peu froids du Michigan, dans lequel se déroule l’intrigue, The Wretched présente également une ambiance automnale, celle des journées d’octobre, d’Halloween. Cette double casquette insuffle rapidement une identité au film, après un générique mélancolique qui posait déjà les bases avec une police d’écriture horrifico-folk et une musique pop rebondissante, qui sort du walkman d’une adolescente. Le film n’a rien de révolutionnaire, il en est conscient et propose, par l’utilisation des codes de son genre, ce qui ressemble à un humble hommage de passionnés, loin des références directes ou du cynisme. S’il souffre de ce qu’il semble être un manque de moyens à la photo, The Wretched compense par sa générosité envers son spectateur, on regrettera juste un ou deux effets de peur un peu faciles. Le film est rediffusé à l’Etrange Festival jeudi 12 septembre à 14h30.
Cette rencontre annuelle entre le septième art et l’étrange continue jusqu’au 15 septembre, toujours au Forum des images (Forum des Halles, métro Chatelet / Les Halles, 75001 Paris).
Cliquer ici pour le compte-rendu du jeudi 5 septembre