Juliette Binoche

Juliette Binoche
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum
Actrice
France

Juliette Binoche a un rêve. "Ce doit être un rêve français" a-t-elle déclaré en recevant son Oscar du meilleur second rôle en 1997. Sa carrière ressemble à cette déclaration. De Jean-Luc Godard en passant par Leos Carax, André Téchiné ou encore Michael Haneke, l’actrice a tourné, tourne et tournera. Elle s’est au fil des années construit une famille de cinéma qu’elle retrouve régulièrement et ne manque pas d’agrandir. En costume d’époque ou tenue d’Eve, le cœur ravagé ou le sourire aux lèvres, elle est de tous les cinémas, s’investissant cœur et âme dans chacun de ses rôles. A en croire la liste de ses projets, ce n’est pas prêt de s’arrêter.

LA LIBERTE A TOUT PRIX

Juliette Binoche est née dans une famille d’artistes, entre un père metteur en scène et sculpteur et une mère comédienne et professeur de lettres. Même si ses parents divorcent alors qu’elle n’est alors qu’une enfant, le virus de l’art bat déjà dans ses artères. C’est sur les planches qu’elle parviendra le mieux à exprimer sa vitalité et qu’elle trouvera la liberté qu’elle chérit tant. D’abord dans les cours donnés par sa mère, avant de s’inscrire à divers ateliers, pour enfin intégrer le Conservatoire National d’Art Dramatique. Elle se fera les dents sur les vers de Luigi Pirandello, qu’elle déclame pour son Henri IV en 1981 avant, l’année suivante, d’enchaîner avec L’Argent de Dieu, de Michel Bodan, au théâtre du Point Virgule à Paris. Sept ans plus tard, elle refera un détour sur les planches pour La Mouette de Tchékov, se disant que l’adaptation du metteur en scène russe Andrei Konchalovsky ne pouvait qu’être intéressante et lui permettait en plus de croiser le verbe avec André Dussolier. Carrière internationale oblige, c’est en anglais et à Londres qu’elle retrouve l’auteur Pirandello pour sa pièce Naked, avant d’aller s’essayer à Broadway avec Trahisons de Harold Pinter en 2001. L’actrice venait alors de tourner quatre films en trois ans et voulait revenir au théâtre, qui est pour elle le lieu où l’acteur "peut vraiment évoluer et s’exprimer", au contraire du cinéma qui l’a rendue "'paresseuse". Ceci n’émouvra cependant pas les critiques, qui seront plutôt dures avec l’actrice, ce qui ne l’empêchera pas d’être nominée aux Tony Awards (équivalent de nos Molières). Qu’a cela ne tienne, ce sera pour elle une manière de se confronter à son jeu et de voir comment elle peut évoluer.

ENTRE ALEX ET OSCAR

Une rencontre va être décisive dans l’évolution de l’actrice, que ce soit au niveau personnel comme professionnel. En effet, comme ce sera plusieurs fois le cas dans la vie de Juliette Binoche, les deux plans vont se rejoindre pour se fondre. Elle vient de voir Boys Meet Girls au cinéma avec une amie, qui lui souffle qu’elle doit absolument tourner avec le réalisateur. Hasard ou destin, Leos Carax veut la rencontrer pour un rôle dans son prochain film Mauvais sang. Il exigera de Juliette un investissement hors norme pour ce film, travaillant et retravaillant chaque détail, chaque regard, chaque intonation de voix avec elle. Lui faisant comprendre à quel point la relation entre un réalisateur et son actrice est primordiale pour faire exister le personnage. Grâce à leur relation, elle va découvrir le cinéma, son plaisir et sa profondeur. C’est ensemble, avec Denis Lavant, déjà présent sur Mauvais sang également, et Jean-Yves Escoffier, qu’ils s’attaqueront au projet maudit Les Amants du Pont-Neuf. Plus de trois années de production, des interruptions, des reprises de tournage, des décors qui s’effondrent, Denis Lavant qui se blesse, des problèmes d’assurance, le producteur qui quitte le navire, et l’argent qui vient à manquer. Et pourtant les deux amants y croient, ils ne veulent pas abandonner et jettent toutes leurs forces dans la bataille pour que le film voit le jour. Juliette Binoche refusera même un film d’Elia Kazan et le Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau pour ne se consacrer qu’à ce film, auquel elle croit plus que tout. Elle choisira le titre du film, se bat pour que les deux héros survivent au clap final et livre avec Michèle l'une de ses plus belles interprétations à ce jour. Cette magnifique ode à l’amour sera pourtant boudée par un public sûrement lassé des péripéties du tournage. Il aura une chance de se rattraper car 2007 pourrait marquer les retrouvailles des anciens amants pour le projet Scars, un road movie en langue anglaise entre la Russie et les USA.

ANNE, ANNA et HANA

La carrière de Juliette Binoche est peuplée de retrouvailles. Que ce soit avec le prénom des personnages qu’elle a interprétés ou encore les réalisateurs qui leur ont donné vie. Jean-Luc Godard lui a offert ses premières scènes à défendre dans Je vous salue Marie et a de nouveau fait appel à sa voix pour son Eloge de l’amour. Mais tout a commencé avec André Téchiné, qui lui offre son premier vrai rôle dans Rendez-Vous, où son duo avec Lambert Wilson lui gagne les faveurs des critiques et du public. Elle retrouvera le réalisateur treize années plus tard pour se glisser dans la peau de l’Alice de Alice et Martin, une composition tout en naturel et en émotion pour sauver l’amour. Avec le premier Téchiné est apparu Anne. Juliette la retrouvera ensuite pour chacune de ses deux collaborations avec Michael Haneke. Code inconnu, pour une femme de caractère comme elle sait si bien les jouer, et Caché, où un mystérieux maître chanteur met à l’épreuve le couple qu’elle forme avec Daniel Auteuil. Anna provient elle de la fusion de Juliette avec Leos Carax pour Mauvais sang, une femme-enfant qui va se métamorphoser en Anna, la femme irrésistible et par qui le malheur arrive de Fatale, de Louis Malle, dans lequel Juliette va tourner à la tête à un père et son fils, ce qui ne sera pas sans conséquences… fatales. La troisième Anna va aussi être confrontée à la mort, celle liée aux génocides et à la réconciliation entre les perpétrateurs et leurs victimes dans le faible In My Country de John Boorman. Anna prend ensuite un H et perd un N pour lui offrir l’Oscar du meilleur second rôle dans Le Patient anglais d’Anthony Minghella. Un couronnement pour son rôle d’infirmière de Ralph Fiennes, ancien partenaire des Hauts de Hurlevent qui n’a plus le cœur à vivre.

TOUCHE A TOUT ET A TOUT LE MONDE

Qui pourrait blâmer les réalisateurs de vouloir de nouveau avoir l’actrice devant leur caméra. Elle qui endosse tous les rôles avec grâce et talent. Une grâce qu’elle mettra au service de films en costumes comme Le Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau, réputé inadaptable et qui a fait couler plus d’encre pour l’histoire d’amour entre la belle et son hussard que pour ses qualités cinématographiques. Le même destin va frapper le film de Diane Kurys, Les Enfants du siècle. Juliette Binoche y est Georges Sand et Benoît Magimel, Alfred de Musset. La passion incarnée à l’écran continue entre les prises et les deux auront une liaison qui donnera naissance à une petite… Hanna. C’est pour Patrice Leconte qu’elle enfilera ensuite les crinolines du XIXe siècle pour le magnifique La Veuve de Saint-Pierre, et sa première union de cinéma avec Daniel Auteuil. Le public a du mal à s’identifier et ne suit pas ce qui reste pourtant l’un des plus beaux films de Monsieur Leconte. Juliette Binoche est plus connue pour ses rôles dramatiques mais elle a également fait des excursions romantiques, que ce soit pour Chantal Ackerman et son Divan à New York, où elle échange son appartement avec William Hurt, ou encore Chocolat, dans lequel la belle fait tourner la tête à Johnny Depp et un village entier avec ses créations sucrées, prestation saluée par une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice, avant d’incarner l’hôtesse de l’air Rose, qui va quelque peu compliquer l’escale de Jean Réno dans Décalage horaire. Mais c’est dans des rôles forts comme celui de Tereza de L’Insoutenable Légèreté de l’être, ou encore Julie de Courcy, au terrible destin, dans Trois Couleurs: Bleu de Krzysztof Kieslowski, qu’elle peut donner la pleine mesure de son immense talent. Cette diversité lui permet cependant de s’essayer à d’autres répertoires, de satisfaire à d’autres rencontres et ainsi agrémenter sa palette de nuances supplémentaires.

QUAND LE DOUTE RENCONTRE LA FOI ET LE CORPS LE (SAINT) ESPRIT

La religion est au programme de l’actrice avec Mary d’Abel Ferrara, dans lequel elle incarne une actrice tellement habitée par son interpétation de Marie-Madeleine qu’elle se retrouve entre fiction et réalité à la fin du tournage. Un film sur le doute et la foi. Pour Juliette Binoche, il n’y a pas de foi sans doute et elle explique dans un sourire que le réalisateur avait beaucoup de doutes et elle beaucoup de foi. Elle a passé une semaine en Terre Sainte avant le début du tournage pour s’imprégner des lieux et surtout voir avec ses yeux ce que Marie avait alors vu. L’ombre de la religion plane également dans Quelques jours en septembre de Santiago Amigorena. Un thriller politique dans lequel l’actrice incarne un agent français voulant aider un ami, espion américain, à revoir sa fille, l’action se déroulant un certain septembre 2001. Juliette Binoche reste dans le cinéma international avec son rôle d’une Bosniaque d’origine musulmane pour ses retrouvailles avec Anthony Minghella dans Par Effraction, avec entre autres Jude Law et Robin Wright-Penn. Elle se confrontera ensuite à la religion juive dans My Italian Story de Barry Levinson, où elle joue la maman d’un jeune garçon juif à la recherche d’un rabbin dans l’Italie fasciste de la Seconde Guerre Mondiale. Ces choix artistiques ne sont pas dictés par l'argent, tout comme cela ne fut jamais le cas au cours de sa carrière. Jouer est pour elle un rêve, la joie de retrouver un monde imaginaire où l’idée du corps et de l’esprit ne font qu’un. L’actrice a atteint un cap où elle se sent portée vers les autres. Elle n’a nullement envie de donner des leçons mais au contraire de partager des points de vue, d’inviter les spectateurs à découvrir le monde sous un angle différent, de provoquer une réaction, une envie de faire bouger les choses. Une noble pensée que Marie-Madeleine n’aurait sûrement pas désavouée.

par Carine Filloux

En savoir plus

2007 Par Effraction 2006 Quelques jours en septembre 2005 Mary 2005 Caché 2004 In My Country 2002 Décalage horaire 2000 Chocolat 2000 Code inconnu 2000 La Veuve de Saint-Pierre 1999 Les Enfants du siècle 1998 Alice et Martin 1996 Le Patient anglais 1995 Un divan à New York 1994 Le Hussard sur le toit 1993 Trois couleurs: Bleu 1992 Les Hauts de Hurlevent 1992 Fatale 1991 Les Amants du Pont-Neuf 1988 Un tour de manège 1987 L’Insoutenable Légèreté de l’être 1986 Mauvais sang 1986 Mon beau-frère a tué ma sœur 1985 Rendez-vous 1984 Adieu blaireau 1984 Les Nanas 1984 La Vie de famille 1983 Je vous salue Marie

Commentaires

Partenaires