Cosmopolis
États-Unis, 2011
De David Cronenberg
Scénario : David Cronenberg
Avec : Mathieu Amalric, Jay Baruchel, Juliette Binoche, Paul Giamatti, Samantha Morton, Robert Pattinson
Photo : Peter Suschitzky
Musique : Howard Shore
Sortie : 25/05/2012
Dans un New York en ébullition, l'ère du capitalisme touche à sa fin. Eric Packer, golden boy de la haute finance, s’engouffre dans sa limousine blanche. Alors que la visite du Président des Etats-Unis paralyse Manhattan, Eric Packer n’a qu’une seule obsession : une coupe de cheveux chez son coiffeur à l’autre bout de la ville. Au fur et à mesure de la journée, le chaos s’installe, et il assiste, impuissant, à l’effondrement de son empire. Il est aussi certain qu’on va l’assassiner. Quand ? Où ? Il s’apprête à vivre les 24 heures les plus importantes de sa vie.
IN THE DEATH CAR
Il y a trois ans, le Lion d’Or allait au film israélien Lebanon, où la violence de la société était montrée depuis l’intérieur d’un tank. La Palme d’or 2012 pourrait bien aller au nouveau long métrage de David Cronenberg, qui dépeint une société déliquescente depuis l’intérieur d’une limousine. Mais là où le premier surlignait lourdement ce symbole sans parvenir à le dépasser, l’écriture de Cronenberg et de Don Delillo est au contraire plus que suffisamment forte pour proposer autre chose, pour ne pas se contenter d’en faire le seul support de son discours. Cosmopolis dépasse en effet largement le cadre du film à thèse. Ride halluciné à travers un enfer urbain et pourtant quasi surnaturel, peuplé de fous et de violence, c’est l’occasion pour le réalisateur canadien d’un enthousiasmant retour à ses films chocs des années 90. Visuellement fascinant (l’avancée au ralenti donne parfois l'impression que la voiture « coule » vers l’enfer), le film détonne avec ses réalisations moins strictement personnelles de ces dernières années. Les contraintes sont sévères (unité de lieu, unité de temps ou presque, nombre restreint de personnages), et cette apparente sévérité a dérouté plus d’un spectateur. Or ces deux heures claustrophobes prouvent surtout que Cosmopolis est tout simplement le Cronenberg plus original et risqué depuis douze ans : imprévisible, et percutant comme rarement.
Plusieurs films à Cannes ont partagé le principe narratif suivant : utiliser de longues plages de dialogues tout en montrant bien que les enjeux de la scène étaient ailleurs, entre les lignes. De manière ironique chez Kiarostami ou plus solennelle chez Loznitsa ou Reygadas, cela finissait surtout par donner des discussions pas très passionnantes à suivre. Cronenberg est haut la main celui qui s’en tire le mieux à cet exercice. Grâce notamment à une interprétation en creux mais très convaincante de Robert Pattinson, dont la légitimité d’acteur ne fait plus aucun doute. Il est dommage que dans son dénouement Cosmopolis retombe dans les travers bavards des derniers films de son auteur, et empèse son long métrage. On ne quitte pas Cosmopolis sous son jour le plus fantastique mais juge-t-on un film sur sa fin ? Projeté hier, In the Fog bénéficiait d’une scène de fin magnifique qui a pu faire oublier à certains l’ennui poli qui l’avait longtemps précédé. C’est ici l’inverse : ce qu’on n’est pas prêt d’oublier, ce sont les visions dingues en angoissantes offertes par le film.