Joss Whedon

Avec déjà plusieurs créations à son actif, dont la série Buffy contre les vampires, mais également des participations dans nombre d’autres médias, Joss Whedon est le prototype de l’auteur moderne. Touche-à-tout, qu’il s’agisse des formats ou des genres, influencé par la sous-culture et en passe de devenir un futur nom à suivre, Whedon fait ses débuts en tant que réalisateur avec un passif impressionnant.

WHEDONC ORNICAR ?

Son père était scénariste. Son grand-père était scénariste. Tous deux ont œuvré pour des sitcoms cultes outre-Atlantique (Leave it to Beaver, The Dick Van Dyke Show, Captain Kangaroo, Les Craquantes) et c’est tout d’abord en suivant leurs pas que le jeune Joss Whedon entame sa carrière en écrivant notamment pour Roseanne. Cette expérience dans la comédie, le scénariste va s’en servir pour insuffler un second degré à son premier script de long métrage, Buffy, tueuse de vampires (1992), l’histoire d’une adolescente superficielle tout ce qu’il y a de plus commun aux Etats-Unis (interprétée par une pseudo-égérie des 80's, Kristy Swanson), qui se retrouve désignée combattante du Mal de sa génération. Le film est réalisé par Fran Rubel Kuzui, autrement dit personne, et sera sévèrement retouché pour adopter un ton plus léger. Insatisfait par cette expérience, Whedon créera un spin-off télévisé de son scénario original, qui durera sept saisons. Après trois saisons hésitantes, le show atteindra sa vitesse de croisière pour la suite, exploitant plus avant les principales influences du créateur, notamment les comics. Désireux de créer une "icône féministe alternative", Whedon déclare avoir eu l’idée du personnage en regardant tous ces films d’horreur où une jeune fille blonde innocente est toujours la première à mourir. Plus tard, il révèlera sa principale source d’inspiration comme étant Kitty Pryde, célèbre protagoniste des X-Men, créée par le scénariste Chris Claremont et le dessinateur John Byrne pour le numéro 129, en janvier 1980, durant une période reconnue comme étant la meilleure de la série. Le personnage, une jeune adolescente qui découvre ses pouvoirs, se retrouve fortement chez Buffy, avec qui elle partage cette image de femme forte, récurrence thématique de l’œuvre de Whedon. L’équipe qui entoure Buffy (entre autres un bibliothécaire mentor, une apprentie sorcière et, par intermittence, un loup-garou, un démon ou encore un vampire) et l’humour dans lequel baignent leurs aventures finissent de conférer un esprit résolument comic book à la série.

TALES OF JOSS WHEDON

Whedon signera d’ailleurs plusieurs produits dérivés de Buffy, faisant notamment ses premiers pas dans la bande-dessinée avec Fray (qui suit les aventures d’une autre tueuse, 200 ans dans le futur) et plusieurs histoires axées autour de Buffy et sa team (surnommée le "Scooby Gang", en référence aux héros du dessin animé Scooby Doo, autre inspiration évidente) dans Tales of The Vampires. Ces quelques escapades dans le monde des illustrés le prépareront à son plus gros projet dans ce milieu-là, Astonishing X-Men, qui paraît depuis juillet 2004 et dont le scénario (excellent) servirait apparemment de pitch à X-Men 3. La série permet également à Whedon d’écrire pour son modèle, Kitty Pryde. Le principal projet engendré par Buffy fut évidemment Angel, une série concentrée cette fois sur le personnage de l’amant vampire de l’héroïne qui, une fois émigré à Los Angeles, formera sa propre équipe chargée d’élucider des affaires fantastiques. Proche des saisons suivantes de Buffy, Angel adopte un ton visiblement plus sombre et plus adulte. L'une des qualités de Whedon aura été d’avoir su évoluer avec l’âge de son public et de garder la continuité vitale à la survie d’un feuilleton. Après avoir connu lui aussi une mini-série de comic books, le show sera annulé au bout de cinq saisons, alors qu’il n’avait jamais eu autant d’audience. Il ne s’agit pas là de la première expérience de la sorte pour Joss Whedon. Son premier long métrage, Serenity, est l’adaptation/suite de sa dernière création télévisuelle, Firefly. Située 500 ans dans le futur, la série est un western dans l’espace, explorant les codes des deux genres afin de créer un univers assez original. La série fut notamment la première à montrer (et ce de manière quasi-exclusive) des plans en images de synthèse visant à imiter un aspect "caméra portée". Annulée après seulement une saison, Firefly fuit suivie par un culte si important qu'Universal acheta les droits à la Fox afin d’en faire un film, écrit et réalisé par Joss Whedon.

SCI-FI (LIS)

Il ne s'agit évidemment pas de la première incursion cinématographique de l’auteur. En 1995, il participe à l’écriture de Toy Story, le premier long métrage d’animation en synthèse. En 1997, il rédige seul le manuscrit qui ressuscitera la saga Alien, malgré la mort du personnage principal dans le troisième épisode. En dépit de la qualité indéniable du film de Jean-Pierre Jeunet, Alien: Resurrection sera un échec au box-office américain. On y retrouve pourtant nombre de thèmes chers à Whedon, notamment ces deux protagonistes féminins privilégiés et l’équipe de mercenaires très BD. Par ailleurs, la science-fiction aura tant séduit Whedon qu’il co-écrira les dessins animés Titan A.E. (avec cinq autres personnes) et Atlantide (dont il signe juste un traitement), pour la Fox et Disney. Le premier, culte pour certains, coulera le département animation du studio. Le second, hommage sous-estimé à Jules Verne, fera partie d’une série de films (Dinosaure, La Planète au trésor, Frère des ours, La Ferme se rebelle) qui mèneront Disney à faire une croix sur l’animation traditionnelle. L’annulation de Firefly vient couronner cette succession d’échecs. Il va sans dire que Serenity est plutôt mal parti. Mais heureusement, l’auteur a déjà signé pour son deuxième long métrage. Suivant leurs bonnes décisions d’engager Christopher Nolan et Bryan Singer pour raviver respectivement les franchises Batman et Superman, DC Comics a choisi Joss Whedon pour écrire et réaliser l’adaptation de Wonder Woman, la plus célèbre des super-héroïnes, prévue pour 2007. La femme (forte) est donc l’avenir de Whedon.

par Robert Hospyan