La Cabane dans les bois
Cabin in the Woods (The)
États-Unis, 2011
De Drew Goddard
Scénario : Drew Goddard, Joss Whedon
Avec : Chris Hemsworth, Richard Jenkins, Bradley Whitford
Photo : Peter Deming
Musique : David Julyan
Durée : 1h35
Sortie : 02/05/2012
inq amis partent passer le week-end dans une cabane perdue au fond des bois. Ils n’ont aucune idée du cauchemar qui les y attend, ni de ce que cache vraiment la cabane dans les bois…
HISTOIRE(S) DU CINEMA
Tourné en 2009 et resté coincé dans les cartons de la MGM à cause des interminables galères du célèbre studio qui songeait d'ailleurs le convertir - inutilement - en 3D, repoussant la sortie ad nauseam, La Cabane dans les bois en a profité pour se construire une excellente réputation, depuis les premiers échos sur le scénario jusqu'à sa sortie américaine récente. Une renommée que le film doit principalement à l'intelligence de son concept que l'on rechigne à révéler ici. Le film ne joue pas tant sur des retournements de situation et autres final twists mais l'on préfère vous laisser la surprise qu'est cette petite bombe. Parce qu'on avait pas vu un tel coup de pied au cul dans le genre depuis 15 ans. En effet, La Cabane dans les bois, c'est un peu le nouveau Scream. Tout en étant l'anti-Scream. Là où le film de Wes Craven et Kevin Williamson dénonçait les clichés du genre, celui de Drew Goddard et Joss Whedon tend à les justifier. Et malgré tout ce que le scénario contient de métafilmique, le récit demeure traité avec une certaine frontalité. On ne peut pas vraiment parler de "premier degré" ou de "sérieux", mais jamais l'ouvrage ne donne dans la farce. On n'est pas dans une simili-parodie de film d'horreur. C'est en ça aussi que le film se rapproche de Scream : on a beau s'adresser à un public qui connaît les codes et être très conscient de soi à chaque instant, le "spectacle" reste crédible, authentique. Du coup, à l'instar de son prédécesseur sus-mentionné, La Cabane dans les bois fonctionne aussi sur son niveau de lecture le plus primaire : un ride horrifique - davantage qu'un film d'horreur flippant - diablement efficace. Pour tout aficionado du genre - et peut-être même encore plus pour ceux qui n'en sont pas forcément fanatiques et sont agacés par certains de ses codes - le second niveau de lecture sera évidemment d'autant plus jouissif. Parce que l'écriture déborde d'idées. Là où Williamson jouait avec trois ou quatre règles, où une blague comme Tucker & Dale fightent le mal se cantonnait à exploiter UNE idée pendant 90 minutes, La Cabane dans les bois enquille mille et une choses très bien vues, revisitant le genre, et même LES genres, ou sous-genres de l'horreur, brassant les références, d'Evil Dead à...Scooby Doo! Une influence qui n'est absolument pas étonnante quand on connaît le passif des deux scénaristes, Joss Whedon et Drew Goddard.
Ce dernier réalise ici son premier long métrage après avoir écrit Cloverfield et Robopocalypse (le prochain Spielberg). Mais avant tout, Goddard était l'un des scénaristes de Buffy contre les vampires (et son spin-off Angel), série(s) créée(s) par Whedon, où la joyeuse équipe de chasseurs de monstres en tous genres est surnommée le "Scooby Gang" et rivalise de vannes. Et si Buffy était déjà aussi conscient de soi, La Cabane dans les bois l'est encore plus mais cette fois, les stéréotypes et archétypes sont diégétisés, justifiés donc, comme évoqué plus haut. Et il faut voir comment le scénario amène ces justifications, de façon sans cesse incroyablement ludique. Cependant, le truc, et l'on se doit d'y revenir parce que c'est la clé, c'est que jamais le film ne se moque. On a beau avoir une blonde à la libido débordante ou une vierge ou un toxico ou un beau gosse musclé, le film ne se limite pas à réutiliser le cliché tout en le pointant du doigt (comme le faisait Scream). En fait, tout le long, c'est comme si le récit cherchait à trouver une excuse, une justification, à tous les clichés, à tous les "Séparons-nous!", à tous les "Allons voir dans cette cave!", à tous les zombies, et les bouseux chelous, et autres croque-mitaines, par le biais de son pitch génial. Si Scream était une déconstruction du genre, La Cabane dans les bois pourrait presque en être une reconstruction. Tout comme Goddard alliait avec Cloverfield deux sous-genres du film fantastique/d'horreur - le kaiju (film de monstre japonais) et le found footage - lançant une vague de films suivant ce procédé de mise en scène, il témoigne ici de la même connaissance experte du catalogue. Les Godzilla peuvent paraître ridicules mais Goddard les aime, ça se voit. La Cabane dans les bois est une lettre d'amour. Une lettre d'amour au film d'horreur qui témoigne du besoin, de l'envie qu'on a tous de se faire peur, une ode à l'origine de nos cauchemars, où les bourreaux sont, plus encore que dans tout autre film d'horreur, des démiurges, des réalisateurs prêt à sacrifier ces pantins pour des spectateurs avides de sang. On peut reprocher au film quelques longueurs dans le dernier acte, notamment des explications superflues, mais ce climax est tellement généreux et jubilatoire, tellement sincère dans son envie de tout donner, aussi malin et marrant que le reste, que tout est pardonné.