Justice League
États-Unis, 2017
De Zack Snyder
Scénario : Chris Terrio, Joss Whedon
Avec : Amy Adams, Ben Affleck, Henry Cavill, Amber Heard, Ciarán Hinds, Jeremy Irons, Ezra Miller, Jason Momoa, J.K. Simmons
Musique : Danny Elfman
Durée : 2h01
Sortie : 15/11/2017
Après avoir retrouvé foi en l'humanité, Bruce Wayne, inspiré par l'altruisme de Superman, sollicite l'aide de sa nouvelle alliée, Diana Prince, pour affronter un ennemi plus redoutable que jamais. Ensemble, Batman et Wonder Woman ne tardent pas à recruter une équipe de méta-humains pour faire face à cette menace inédite. Pourtant, malgré la force que représente cette ligue de héros sans précédent – Batman, Wonder Woman, Aquaman, Cyborg et The Flash –, il est peut-être déjà trop tard pour sauver la planète d'une attaque apocalyptique…
LA LIGUE DES JUSTE ASSEZ
À l’heure où les films Marvel semble fédérer public et critique, Warner Bros. et DC Comics sont à la peine avec des films qui cartonnent en salles mais se font cartonner par la presse et continuent de diviser les fans. Les plus aguerris jurent contre ceux qu’ils qualifient bien trop hâtivement de haters que ce troisième opus de l’univers partagé DC signé Zack Snyder viendrait clore avec sens et cohérence l’histoire que le cinéaste avait commencé à raconter il y a quatre ans avec Man of Steel. N’en déplaise aux aveugles, maintenant qu’on a vu le résultat, on peut le dire : ce n’est pas le cas. Là où son reboot initial était un film contenu et entier, sa suite, Batman v. Superman, témoignait déjà d’un parasitage par les exigences de l’univers partagé, insérées au chausse-pied dans un film qui avait la tête ailleurs. Au moins, ces deux films-là avaient la tête quelque part et cette tête était celle de Zack Snyder. Arrivant après maints remaniements, qui auront eu lieu avant sa mise en production et après son tournage initial, Justice League apparaît davantage comme une tentative de sauver les meubles par un comité qu’une oeuvre portant la patte d’un auteur unique.
Suite au suicide de sa fille, Snyder a laissé Joss Whedon, qui s’était chargé des deux premiers Avengers pour Marvel, de réécrire et de retourner des scènes du film, supposément convenues et story-boardées par Snyder et le producteur Charles Roven assure que le film ne comprend que 15 à 20% de reshoots signés Whedon. Au vu du résultat final, c’est difficile à croire. Tout simplement parce que cela se voit comme une non-moustache au milieu de la figure. Dès que la lumière paraît fade, que l'image paraît numérique, que les champs-contre-champs sont des plus fonctionnels, dès qu'une coupe de cheveux ou qu'un fond vert paraît un peu bizarre, c'est sans doute du reshoot par Whedon. Ses deux Avengers, même le second avec ses défauts, sont largement supérieurs à Justice League mais la différence dans la mise en scène est indéniable. Toutefois, la réelle raison qui justifierait de créditer Whedon non seulement au scénario (ce qu'il est, officiellement) mais également à la réalisation, c'est que Snyder semble réellement avoir été dépossédé du film. On pourrait arguer que s'il avait été en accord avec la nouvelle direction voulue par WB/DC, il n'aurait pas laissé un autre finir son film.
Les vannes rajoutées par Whedon, généralement faibles, sont évidentes, dans cet humour qui jure là où il se fondait dans Avengers, mais certaines étaient déjà là avant son intervention. Tout comme Batman v. Superman comprenait des éléments de réponse à la façon dont Man of Steel avait été reçu par le public, Justice League est une réaction à Batman v. Superman. Toutefois, même si l’on croit la parole du scénariste Chris Terrio assurant, avant même la sortie du précédent, qu’il était toujours prévu de virer vers quelque chose de plus léger, le souci vient davantage des changements qui créent des incohérences évidentes dans la continuité avec Batman v. Superman.
Premier constat : absolument TOUTES les scènes avec Henry Cavill sont des reshoots. On le voit à la patine numérique autour de sa bouche qui trahit l’effacement en post-production de la moustache qu'il avait laissé pousser et gardé pour le tournage de Mission : Impossible 6. C'est horriblement flagrant lors de l'introduction du film et c'est plus réussi par la suite mais tout de même visible. Par conséquent, impossible de savoir quel était le rôle initialement prévu pour Superman dans le film. Une chose est sûre : la manière dont il ressuscite ne colle pas avec le dernier plan du film précédent. Il y a aussi cette histoire de troisième Motherbox, un McGuffin particulièrement nul, dont les héros ignorent la localisation...alors qu'on la voit clairement sur la « vidéo YouTube » montrant la métamorphose de Victor Stone en Cyborg dans Batman v. Superman. À l'instar de Rogue One, plusieurs scènes présentes dans les bandes-annonces ont disparu du montage final et, contrairement à Watchmen et BvS, on ne verra sans doute jamais de véritable Director's Cut du film.
Cela dit, il n’est pas dit que le film initial avait davantage de choses à raconter que celui-ci. Tous les soupçons nées de la vision des bandes-annonces ont été confirmés : ce film est creux au possible. Même Avengers qui faisait office de conclusion commune n'apportant pas vraiment grand chose à la saga paraît moins superficiel. Entre cette absence de la moindre thématique - excepté peut-être cette vague esquisse de l'idée selon laquelle un messie est nécessaire, déjà explorée plus profondément dans le précédent film - et l'impression que les enjeux sont aussi faibles que le méchant anonyme en images de synthèse qui se téléporte comme un scénariste inclue des raccourcis dans le scénario, on a l'impression de regarder un épisode fonctionnel pris au hasard au milieu d'une saison de la série animée. C'est censé être la fin du monde...et le monde est absent du film, réduit à une famille-quota de russes fuyant en pick-up durant le climax visuellement indigeste.
Le plus réussi reste l'action, due sans aucun doute à Snyder, à part pour le combat final, même s'il n'y aucun morceau de bravoure renversant, et l'équipe, malgré tout. Batman et Wonder Woman sont dans la continuité du précédent donc plutôt bien définis et fidèles à eux-mêmes. Ezra Miller est excellent en Flash, un peu réduit à un sidekick comique mais sans doute le seul dont les blagues font mouche et le potentiel est vraiment là pour son spin-off. Par contre, Aquaman, en retrait, est absolument ridicule en simili-Wolverine du groupe qui s'apparente à une caricature de biker. Il a une scène à Atlantis où il est caractérisé un peu différemment et on espère que James Wan saura anoblir le personnage comme il se doit lors du film solo. Peut-être que Warner a réussi son pari après tout, implanter des personnages qui sauront convaincre les spectateurs de venir voir leurs futures aventures individuelles mais si l’équipe à l’écran fonctionne mieux que l’équipe derrière la caméra, ça fera pas un film.