Alan Rickman

Alan Rickman
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Acteur
Royaume-Uni

Alan Rickman est célèbre pour ne pas être suffisamment célèbre. L’homme qui a pourtant volé la vedette de Piège de cristal à Bruce Willis, Robin des Bois: prince des voleurs à Kevin Costner, qui a dominé le casting de Truly, Madly, Deeply d’Anthony Minghella, tout cela avec une autorité fascinante, quasi reptilienne – ce n’est pas son rôle dans les deux épisodes d’Harry Potter qui va prouver le contraire – devrait être aujourd’hui une star. Pourquoi ce n’est pas le cas et seulement une des pièces du puzzle composant cet attachant acteur? Peut-être est-ce parce qu’il fait toujours des choses différentes, ne se contentant pas d’un seul panier, les médias n’aiment pas la diversité. Ou peut-être parce qu’il est très discret sur sa vie privée et qu’il n’aime pas les interviews.

"La raison pour laquelle je n’aime pas parler à la plupart des journalistes est liée à leur désir de tout réduire à un article d’une page et à vous faire comparer les choses. Vous êtes forcés de répondre à des questions alors que ce que vous voulez vraiment dire est: Rien n’est similaire, je ne suis pas en train de penser à ce que j’ai pu faire avant, mais seulement au travail pour lequel je suis ici avec vous aujourd’hui."

ESSAYONS DE REMETTRE LES PIECES DU PUZZLE A LEUR PLACE

Alan Sydney Patrick Rickman est né le 21 février 1946 in Hammersmith, Londres, Angleterre. Après les beaux-arts il monte sa propre compagnie de graphisme, "Graphiti", au cœur même de Soho. Pendant trois ans, il va aussi bien créer des jaquettes de romans, des couvertures de 33 tours – fin des années soixante oblige – en passant par des livrets subversifs pour le socialisme. Quand on lui demande comment un beau jour il a jeté à la poubelle le graphisme pour entrer à l’Académie Royale d’Art Dramatique, il vous explique patiemment: "Vous prenez un papier et un stylo et vous écrivez, ‘Cher ARAD, s’il-vous-plaît accordez-moi une audition’. Et vous vous voyez mettre cette lettre sous enveloppe, la timbrer et la déposer dans une boîte. Et vous vous regardez faire ces choses car vous venez de mettre en route des événements qui vont changer votre vie."

A l’ARAD justement, il rafle tous les prix les uns après les autres. Puis il part à Bristol et ensuite rejoint la Royale Shakespeare Company. C’est lors de la saison 1985/86 que sa vie va basculer. Il interprétait alors le Vicomte de Valmont dans la pièce inspirée du livre de Choderlos de Laclos Les Liaisons dangereuses. Il y fut incroyable non pas à cause de son immoralité, mais parce qu’il y était irrésistible, et vous ne pouviez pas ne pas le vouloir. Lindsay Duncan, qui jouait la Marquise de Merteuil, de préciser au soir de la première: "Beaucoup de personnes ont quitté le théâtre ce soir le désir chevillé au corps, et la plupart de ces personnes aurait voulu assouvir ce désir avec Alan Rickman". Il a attendu vingt ans avant de goûter au triomphe. Il avait 42 ans en 1985 quand le succès frappa à sa porte. Cette gloire fut suivie d’une cruelle déception quand le rôle de Valmont lui fut volé par John Malkovich dans l’adaptation cinématographique de Stephen Frears. Une mise à pied qui changea le cours de sa carrière. La pièce fut un tel succès qu’elle fut exportée à Broadway et fut jouée pendant vingt semaines consécutives pour le plus grand bonheur des Américains, dont Joel Silver, qui cherchait alors un méchant charismatique pour Piège de cristal. Charismatique tant et si bien qu’il éclipsa Bruce Willis tout comme il éclipsa Kevin Costner quatre ans plus tard. L’étiquette du méchant lui colle à la peau, il aurait même été Hannibal Lecter si Anthony Hopkins s’était désisté! Mais M. Rickman n’aime pas les étiquettes et est un acteur aux multiples facettes comme il a pu le démontrer ensuite dans Truly, Madly, Deeply ou encore Raisons et sentiments d’Ang Lee.

Cependant, dans tous ces films, il est toujours second rôle, alors qu’au théâtre il explose littéralement et chacune des pièces dans laquelle il est se joue à guichets fermés; il est encensé aussi bien par la critique que par le public. En 1992, il est un Hamlet si remarquable qu’il donne l’impression de raconter une histoire inédite, il réinvente l’histoire du Prince du Danemark! "Le talent est un accident des gênes et une responsabilité. On vous le donne, tout le monde a du talent… Le mien fut de savoir jouer la comédie et cela crée une situation comme celle-ci (cf. l’interview). C’est une responsabilité étrange et puissante. La même chose n’est pas nécessairement vraie quand il y a une sensation que 750 personnes deviennent une unité et reçoivent une idée. Vous pouvez sentir que la roue tourne alors que cette idée est perçue, c’est le pouvoir du théâtre". Son premier rôle principal au cinéma est Mesmer, guérisseur visionnaire du 18e siècle, sur un scripte de Dennis Potter. Ce fut un tournage difficile et à la fin le film connut des problèmes de distribution car les gens de Mayfair n’ont pas aimé le film et déclarèrent que ce n’était absolument pas le film pour lequel ils avaient payé. Et Alan Rickman d’ajouter qu’il n'était "sûrement pas assez commercial pour eux et que malheureusement beaucoup de malentendus dans l’industrie du cinéma n’avaient rien à voir avec les films eux-mêmes, mais bien avec la taille du pénis de certaines personnes".

M. Rickman n’a pas la langue dans sa poche et une réputation d’acteur difficile sur les plateaux. Ainsi, Simon McBurney, qui a travaillé avec lui sur le tournage de Mesmer, dit que la collaboration ne fut pas une partie de plaisir, se plaignant du manque de communication et des frictions que cela a pu occasionner. Roger Spottiswoode, réalisateur de Mesmer, de rajouter qu’il n’est effectivement pas très enclin à essayer de nouvelles idées et qu’il va tout d’abord tester son réalisateur avant d’accepter. Mike Newell le trouve lui très charismatique et tout comme les plus grands un collaborateur. Il le dit neurotique, mais intense, terriblement concentré et autoritaire. Le principal intéressé estime que son côté difficile lui vient de son approche du métier d’acteur, et que ceci qui ne le dérange nullement. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est que les gens croient à ses personnages. Pour lui c’est le plus important, si les spectateurs ne sont pas convaincus, c’est un échec. "Bien souvent les gens veulent juste que vous répétiez les mêmes choses, c’est en cela que le métier d’acteur atteind ses limites, quand on vous demande de jouer la même chose encore et encore".

Alan Rickman a plusieurs fois été décrit comme trop intelligent pour être un acteur: "Je pense que la caméra vous aime si elle peut vous voir penser et encore plus important, vous voir écouter. Les acteurs sont une mixture d’instincts à moitié formés et de technique inadéquate; mixture entièrement dévouée au film, espérant que quelque chose d’identifiable va prendre forme, et espérant que cette chose va captiver les spectateurs. Je pense qu’il y a une connexion entre la discipline absolue et la liberté absolue. Quand on me demande de citer mes influences je m’incline bien bas devant Fred Astaire, car quand vous le regardez danser, vous ne regardez pas ses extrémités, n’est-ce pas? Vous le regardez lui. Vous ne voyez jamais les heures passées à travailler, vous voyez seulement cet esprit qui vous coupe le souffle et ce sentiment de liberté". Et la réalisation? Alan Rickman a fait ses débuts derrière la caméra à 51 ans avecL’Invitée de l’hiver. Une histoire qu’il a mise en scène sur les planches en 1995 et qu’il a initiée dix ans plus tôt quand il a présenté Lindsay Duncan à Sharman Macdonald. Lindsay lui racontait alors des histoires à propos de sa mère très malade. Ces histoires l’ont tellement touché qu’il a demandé à Sharman d’en faire une pièce, qui fut un grand succès. Il a conservé une partie du casting original pour le film, mais a du sacrifier l’actrice qui jouait le rôle de la fille pour la remplacer par un nom qui ferait plus sûrement d'entrées. Il a donc fait appel à son amie Emma Thomson. Ce qui fut une bonne chose car c’est la mère de l’actrice qui jouait initialement le rôle de la mère au théâtre. Cela ajoutait encore une dimension spéciale au film. Un bon signe qui fut confirmé par un tournage sans encombre qui a donné un film sans compromis, esthétiquement réussi – n’oublions pas le passé de graphiste de Rickman – et très maîtrisé pour une première.

"Diriger un film est une entreprise qui prend tellement de vous, vous devez être convaincu que c’est ce que vous voulez. Vous savez que vous allez plus ou moins être coupé du monde pendant un an. Cela dit c’est un privilège et ça peut-être une obligation. Vu ainsi, ce n’est pas si différent que ça du métier d’acteur. Vous lisez des mots auxquels vous avez envie de donner vie. Réalisateur, les images viennent à vous. Mais il ne s’agit pas seulement d’images, vous voulez raconter cette histoire".

Des histoires que l’acteur aime variées, du film policier, Judas Kiss, à la comédie, Galaxy Quest, en passant par le fantastique, Harry Potter, rien n’arrête Alan Rickman. Acteur de théâtre, de cinéma, réalisateur, producteur, il est sur tous les fronts. Il poursuit son gros bonhomme de chemin loin des sentiers battus de la gloire et de ces limousines qu’il déteste: "La première fois que je me suis assis dans une limousine, les vitres fumées sont montées et j’ai instantanément su ce que cela signifiait: me garder aussi loin que possible du monde extérieur – quel terrible concept! Le problème c’est que le succès est bien souvent mesuré en terme d’isolation. A Los Angeles, il est mesuré par la hauteur des murs autour de votre maison et par la taille même de cette maison. Ce n’est pas une vie pour moi. Le plus vous avez de succès, plus grande est la pression de vous retirer du monde réel". Peut-être que la relative notoriété d’Alan Rickman est liée à cette diversité qu’il a choisie, au monde du théâtre qui, contrairement à celui du cinéma, rapproche les acteurs du public. Ou peut-être qu’effectivement il est trop intelligent pour se laisser séduire par la poudre aux yeux du mirage de la gloire? Quoi qu’il en soit, well done M. Rickman, et une longue vie dans le monde réel!

par Carine Filloux

En savoir plus

2003 Love Actually 2002 Harry Potter et la chambre des secrets 2001 Harry Potter à l'école des sorciers 2000 Help! I’m a Fish 1999 Galaxy Quest 1998 Dogma 1998 Judas Kiss 1997 L’Invitée de l’hiver (réalisateur) 1996 Michael Collins 1996 Raisons et sentiments 1995 An Awful Big Adventure 1994 Mesmer 1992 Truy, Madly, Deeply 1992 Robin des Bois: prince des voleurs 1990 Bob Roberts 1988 Piège de cristal

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