Snow Cake
, 2006
De Marc Evans
Scénario : Angela Pell
Avec : Jim Allodi, David Fox, Emily Hampshire, Carrie-Anne Moss, Alan Rickman, Sigourney Weaver
Durée : 1h52
Sortie : 31/01/2007
Alex Hughes est en route pour Winnipeg afin de tourner la page d’un passé douloureux. En chemin il prend en stop Vivienne, une exubérante jeune fille voulant devenir écrivain. Son rêve prendra fin quelques kilomètres plus tard alors qu’un trente tonnes percute la voiture de location d’Alex. Celui-ci, totalement sous le choc, décide de se rendre chez la maman de Vivienne pour lui expliquer comment les choses se sont passées. Seulement Linda n’est pas exactement une maman ordinaire.
UNIVERS BLANC
Vivienne a juste eu besoin de quelques secondes pour se rendre compte qu’Alex a un gros poids sur la conscience, qu’il a besoin de se libérer. Elle ne se doutait cependant pas qu’elle rajouterait un peu plus à la tristesse déjà ancrée dans le cœur de celui-ci, le forçant pour la seconde fois à pleurer une personne qu’il ne connaît pas. C’est cette fois de trop qui pousse Alex à vouloir rencontrer Linda, il a besoin de se délivrer de cette charge devenue beaucoup trop lourde. Seulement Linda est autiste. Froide et glacée comme la neige recouvrant son jardin. Les sentiments, elle ne connaît pas, mais elle sait que sa fille est morte. Le seul souci que cela soulève est de savoir qui va maintenant sortir les poubelles le mardi, tâche normalement réservée à Vivienne. Un pragmatisme difficile à accepter pour cet homme qui cherche à se libérer de son sentiment de culpabilité. Heureusement il y a la jolie Maggie, la voisine de Linda. Pas un ange, mais entre les deux le courant passe tout de suite et une liaison ne tarde pas à voir le jour. Alex trouve entre les bras de Maggie l’attention et la tendresse dont il a tant besoin et qui lui permettent d’affronter le monde de Linda qui, telle une enfant, ne songe qu’à faire des bonhommes de neige, sauter sur son trampoline ou encore découper des flocons de neige en papier, qu’elle fait inlassablement tomber en pluie autour d’elle.
La neige est son univers et se retrouve dans tous les coins de la maison, que ce soit dans sa collection de boules à neige à secouer, accrochées aux murs, aux fenêtres, ou encore dans la bouche même de Linda, qui lui trouve un goût orgasmique. Les face-à-face entres les deux personnages sont donc, au début, terriblement douloureux pour Alex, qui a le sentiment de se retrouver face à un mur et est blessé par l’indifférence de Linda devant le drame qui vient de se jouer, surtout parce qu'elle ne joue pas le rôle qu’il aurait besoin qu’elle tienne. Il lui faudra du temps pour la comprendre, pour pénétrer dans son monde et alors trouver un terrain de communication qui va, sans qu’il s’en rende compte, le faire réagir et l’aider à laisser sa personnalité se libérer. Il essayera de ce fait plusieurs fois de parler avec Linda à propos de son premier deuil, sans se rendre compte une fois de plus qu’elle n’est pas la bonne interlocutrice et que ce n’est pas à travers elle qu’il doit faire le chemin de l’acceptation mais bien tout seul. L’extrême maniaquerie de Linda et son goût prononcé pour l’ordre donneront également lieu à des scènes pleines d’humour et il sera finalement bien difficile pour Alex de quitter Wawa après l’enterrement pour reprendre sa vie en mains et rejoindre Winnipeg. Il ne saura pas que son séjour aura laissé plus de traces qu’il ne l’aurait soupçonné, mais aura toutefois compris Linda et lui laissera le seul cadeau capable de la toucher.
LEÇON DE VIE
Snow Cake c’est avant tout l’histoire d’Angela Pell, la scénariste du film, qui s’est inspirée de la vie avec son fils autiste pour écrire ce scénario. Il lui tenait à cœur d’expliquer à quel point le partage du quotidien d’une personne souffrant d’autisme peut être contraignant mais également une source de petits miracles. Ce film n’a cependant pas pour sujet principal l’autisme, il traite de Linda, une femme unique atteinte de cette maladie, de l’amitié qui va se développer entre elle et Alex, de l’acceptation de la mort et du chemin à parcourir pour se retrouver en paix avec soi-même et donc avec les autres. Le film est servi par un casting de tout premier choix. Sigourney Weaver a passé un an à faire diverses recherches pour ce rôle. Elle a rencontré des autistes afin de comprendre comment la maladie fonctionne pour pouvoir en reproduire les symptômes de la manière la plus juste possible. Elle est confondante de vérité, le regard vide, tourné vers son monde intérieur. Une âme d’enfant dans un corps d’adulte à qui échappe toute réalité. Angela Pell a écrit le scénario avec Alan Rickman en tête, qui a tout de suite été séduit par cette douloureuse histoire.
L’acteur britannique, après sa pâle prestation dans Le Parfum, retrouve un rôle à sa mesure, lui permettant de jouer sur toute la palette des émotions. Carrie Ann Moss prête quant à elle ses jolies épaules pour accueillir le personnage d’Alex dans un rôle tout en simplicité; il est d’ailleurs dommage que le réalisateur n’ait pas plus développé les scènes entre les deux. Marc Evans signe un film intimiste, se servant, comme beaucoup d’autres avant lui, d’un paysage enneigé et froid pour mieux mettre en exergue la chaleur des sentiments. Ce n’est pas un hasard si le personnage de Linda est entouré de symboles neigeux, son apparente froideur n’est que le reflet de sa maladie et c’est seulement avec du temps et de la patience que la couche superficielle de l’indifférence peut être dépassée. Un film simple, sans spectaculaire effet de caméra dont il n’a de toutes façons pas besoin car le scénario se suffit à lui-même. Un film humain qui parle de choses ordinaires, du respect de l’autre et de sa différence. Les seules conditions étant de prendre la peine de comprendre et de s’intéresser à ce qui nous échappe car cela peut, en fin de compte, aussi faire avancer.