Dobermann

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Le Dobermann et sa meute sont des pros de l’attaque de fourgons et de banques. Un flic corrompu en fait une affaire personnelle et décide de les prendre en chasse en utilisant les pires expédients. Les chiens sont lâchés. Bienvenue dans le chaos!

NOUVEAU WESTERN

Le vent souffle sur le quartier de la Défense. Un cow-boy dingue du flingue, "le Dobermann", opère sa ruée vers l’or. Le shérif veut sa peau et fera tout pour l’avoir. Avec ce film, nous sommes en présence d’une révision totale du western puisque, ici, il est urbain. Si les enjeux restent les mêmes - mêmes codes, mise en place de duels et de poursuites à chevaux - le bitume a remplacé le sable, les lance-roquettes ont remplacé les colts six coups et les voitures puissantes ont remplacé les diligences. Speedé par un montage aux amphétamines, destiné à faire monter l’adrénaline du spectateur, Jan Kounen assure que son film est "plus proche de la BD que du néoréalisme. En tant que tel, il peut se permettre tous les excès". À grand renfort de plans hallucinants et hallucinés, de roquettes, d’une réserve de cartouches illimitée, du tableau presque bucolique d’une route de campagne à une boîte de nuit zonarde, ça n’arrête jamais, ça n’épargne personne, le tout sur un rythme dément, avec très peu de temps morts. Pour ce faire, il alterne le comique (préparation des attaques de banques) au suspense (les différentes méthodes des flics), revient au comique (attaque des banques), pour finir sur l’action et le gore (duel des deux gangs). Ainsi, si certains vont crier au scandale, ne voyant que le vertige et le vide de cette forme poussée jusqu'à l’extrême, d’autres vont crier au génie devant tant d’éclat, tant d’invention visuelle chère à Kounen. Et, comme souvent, la vérité se trouve entre les deux, car dans Dobermann, s'il y a un souci de la forme, qu’il veut bien vivante, le scénario fait preuve de quelques faiblesses et certains de ses personnages ne sont pas développés à leur juste valeur.

FLIC OU VOYOU

En portant les personnages de Joël Houssin au grand écran, Kounen leur offre l’aspect visuel et les pétoires adéquates tout en ajoutant de l’excentricité. Nous avons donc Yann Lepentrec alias "le Dobermann": jeune insouciant, descendant direct des punks, mais à la sauce 90’s, sans autre morale que le respect et la loyauté au sein de sa bande. Vincent Cassel joue de son charisme et de son manteau en cuir pour s’imposer comme le chef de meute, celui qui prend les décisions et impose sa loi. Digne descendant d’une famille de truands des années 70, le fait d’avoir eu son premier revolver le jour de son baptême en a fait un leader né. Nat la gitane, campée par la magnifique Monica Bellucci, est la petite amie du Dobermann. Muette, elle n’hésite cependant pas à donner son avis et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle aime les costumes hauts en couleurs et excentriques, voire vulgaires, et a un goût prononcé pour les grosses armes hybrides. L’abbé, lui, est l’antithèse pure du clan. Habillé en curé, il se balade tout au long du film en nous balançant ses sermons à l’humour noir, tout en n’hésitant pas à flinguer du flic et à cacher une grenade dans sa bible. Impassible, Dominique Bettenfeld sort chacune de ses répliques comme une claque dans la gueule. Un régal. Moustique (Antoine Bassler) est l’excité de la bande, une petite bombe à retardement, un énervé de la vie qui ne tient pas en place, surtout quand sa femme passe son temps à le harceler au téléphone pour leur divorce. Dans cette bande se rajoute aussi Manu, frère de Nat, authentique obsédé qui se fout de tout, principalement de ses dents. Il y a aussi Léo, le manouche, et Sonia, le travesti qui a préféré porter une robe de cuir à celle de magistrat, et qui incarne la conscience du Dobermann. Et enfin Pitbull, spécialiste du poing américain, en fait une grosse montagne tendre.

Face au gang du "Dob", la bande des flics n’est pas en reste non plus. Tout d’abord, le commissaire Sauveur Christini. Il fait une affaire personnelle de l’arrestation du Dobermann et de sa bande. Aux vues de ses méthodes expéditives et peu conventionnelles pour arriver à ses fins, cet allumé va devoir aller au bout des limites et donc se frotter à aussi féroce que lui. Tcheky Karyo incarne ici un flic violent et sadique que rien ne retient, surtout pas la poudre qu’il sniffe. Il est épaulé par l’inspecteur Bauman qui, même s'il ne lui arrive pas à la cheville, emprunte le même parcours que lui. Dans des genres plus humains, le commissaire Clodarec cherche lui aussi à arrêter le Dobermann à tout prix, mais n’appréciant pas les méthodes de Christini, il cherche à l’évincer en respectant les règles de police, ce qui lui vaut de passer beaucoup de temps à recevoir des mandales en pleine figure et à appeler le préfet. Enfin, il est épaulé par la jeune recrue Lefevre qui, lui, croit en la police mais, dans un élan de fougue, ne se relèvera pas. Bref, tout ce petit monde n’est pas du genre à se retrouver le dimanche matin au premier rang de l’église. Et cela, Kounen nous le montre bien au travers des ses personnages tous plus illuminés les uns que les autres. C’est d’ailleurs ce qui a dérangé beaucoup de personnes à la sortie du film: voir les habituels "méchants" portés au rang de héros de fiction, alors que les "méchants" étaient justement les gentils de la vraie vie.

ATTENTION CHIEN MÉCHANT!

À cause d’une violence assez outrancière, à sa sortie, Dobermann fut interdit aux moins de 16 ans. Chose assez paradoxale du fait que le public adolescent est peut-être le plus à même de juger le film à sa juste valeur. En effet, ici, nous ne sommes pas dans Orange mécanique mais plutôt chez Bip Bip et Coyote. La violence est cartoonesque, même si plus réaliste. Les personnages sont tous plus caricaturaux les uns que les autres et ont chacun leur personnalité et leur caractérisation propre. Alors d’accord, ça flingue et dessoude à tout va sans aucun scrupule, mais on se trouve tellement dans l’anti-réalisme que tout devient exagérément fort et percutant. "Depuis l’invention du cinéma, le spectateur à reçu une certaine éducation qui lui permet, par exemple, d’accepter les ellipses. Par contre, on a beau être à l’aube du 3e millénaire, quand on aborde un problème moral, il faut être blanc ou noir. Je pense qu’il faut être subtil. Je ne mets pas en avant un discours moral, mais j’essaye d’appliquer mon éthique". Et son éthique, c’est de montrer la médaille aussi bien que son revers.

A la violence des actes et des propos, Kounen rajoute de l’humour noir ravageur et du comique épais, qui n’ont pas fini de déranger certaines têtes trop bien pensantes: "Tu voulais que je devienne un avocat? Bah c’est à moitié réussi, je suis déjà un enculé!". Dobermann fut aussi décrié comme étant une bouillie visuelle d’un réalisateur épileptique et ravagé. Mais c’est plutôt un énième coup de poing que nous assène Kounen, dans le sens où il veut nous faire ressentir les émotions de ses personnages. Ainsi ce coté "bouillie visuelle" n’est autre qu’une transposition directe du cartoon et de la bande dessinée underground (du type "Métal Hurlant") à l’image vivante. Et cette efficacité des cadres et le travail sur la bande son ne font que renforcer les sensations du spectateur. Le film nous secoue, nous retourne, nous fait grimper l’adrénaline jusqu'à la jouissance et ne nous laisse aucun moment de répit. Du générique de début en images de synthèse au final explosif d’une boîte de nuit transformée en Beyrouth sauce techno, Dobermann amène le spectateur dans des situations où il ne peut deviner ce qui va se dérouler à l’écran, à l’image de l’abbé descendant un flic d’un coup de fusil à pompe dans la tête, avant d’entamer un sermon. Mal élevé vous avez dit? Dobermann est un film de sale gosse qui saute dans la boue pour asperger tout le monde. C’est un film de génération. Un film qui explore un genre à fond, et qui donne au spectateur à réfléchir sur ses propres visions de la morale, du politiquement correct et surtout sur ce qu’il a envie de voir désormais.

par Christophe Chenallet

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