L'Enfer des zombies
Suite à la découverte d’un bateau à la dérive aux abords de New York, des policiers montent à bord, mais se font agresser par une créature sanguinaire qui résiste aux balles, avant de disparaître dans l’eau. Un journaliste et la fille du propriétaire du bateau, un scientifique célèbre, décident d’enquêter et suivent une piste qui les mène sur l’île tropicale de Matul Island. Ils y font la rencontre du docteur Menard et découvre un paradis terrestre infesté de morts-vivants.
FULCI CONNECTION
Qu’on le taxe d’opportuniste ou pas, le cinéma italien a toujours su évoluer avec son époque, tirant parti et inspiration des grands succès américains, pour le plus grand bonheur des amateurs de cinéma de quartier. Péplum, western, thriller, heroic fantasy, science fiction ou post-apo, tous sont passés à un moment ou un autre à la moulinette spaghetti. Mais les années 80 ont mis un terme à ces (saines) photocopies, l’industrie cinématographique italienne se retrouvant étouffée par le contexte socio-économique de l’époque et bien sûr dans l’impossibilité de concurrencer les incroyables avancés technologiques des blockbusters américains.
Un peu plus tôt, fin 70’s, la petite sphère du cinéma fantastique italien est complètement décomplexée par l’immense succès des films de Dario Argento, que ce soit en tant que réalisateur avec Les Frissons de l’angoisse et surtout le cauchemar pop Suspiria, ou bien producteur avec un remontage ultra-dynamique du Dawn of the Dead de George Romero retitré Zombie pour son exploitation européenne. Cependant cet engouement ne doit pas nous faire oublier que les intentions fondamentales de L’Enfer des zombies et de son producteur Fabrizio De Angelis sont purement et simplement mercantiles, voire malhonnêtes, l’idée étant de produire en toute illégitimité et au plus vite un Zombie 2 (titre original du film de Fulci), histoire de répondre au plus vite à la demande de spectateurs bien crédules et en manque de sensations fortes. Si le film a marqué son époque, notamment lors de sa diffusion au mythique festival fantastique du Rex où il fut projeté en version intégrale, c’est avant tout pour son incroyable jusqu’au-boutisme gore. Mais il ne fit toutefois pas partie des films bannis par la censure, tel Massacre à la tronçonneuse, Maniac, ou justement son modèle Zombie, car il fut exploité en salle dans une version ultra-coupée, ce qui ne fit qu’intensifier au fil des années son aura culte.
Ce qui marque aussi lorsque l’on s’intéresse à la confection du long métrage, c’est la fierté éprouvée par les divers intervenants d’avoir participé à ce projet, et la manière qu’ils ont tous, sport national en Italie, d’essayer de tirer un peu plus la couverture vers eux afin de s’attribuer la réussite du film. Et à ce jeu-là, les premiers décédés ont souvent tort... Une guerre des egos bien vaine tant c’est bien l’union de ces divers talents qui a permis à L’enfer des zombies de se hisser au rang de classique. Celui du scénariste Dardano Sacchetti et de sa compagne et collaboratrice Elisa Briganti, ayant eu la riche idée de revenir aux origines vaudou de la figure du mort-vivant, s’éloignant en cela dès le départ de la vision de Romero. Celui du chef opérateur Sergio Salvati, tirant le meilleur parti d’un tournage marathon et illégal à New-York dont l’évocation mériterait un film à elle seule. Celui du maquilleur Giannettto De Rossi, transcendant lui aussi les carences budgétaires en tournant le dos à l’approche américaine du genre en mettant cadavres et décompositions au premier plan. Des effets spéciaux magnifiés et dynamisés par le montage efficace de Vicenzo Tomassi, notamment lors d’une scène d’énucléation qui fera date, tout ça sur la formidablement simpliste partition musicale de Fabio Frizzi dont les notes s’accordent au rythme des marches mortuaires.
Alors bien sûr on pourrait s’arrêter sur le niveau du jeu d’acteur, quasi nul, Tissa (sœur de Mia) Farrow en tête, mais ce serait se mettre à dos l’intégralité du cinoche italien de l’époque et son système de cast international, débat sans fin... Argumentons juste que la meilleure performance du film est livrée par un requin lors d’une hallucinante scène aquatique ! Le principal instigateur de cette réussite reste toutefois Lucio Fulci qui a su canaliser ces énergies, passant avec ce film du statut d’artisan à celui d’auteur en laissant complètement exploser ses penchants excessifs déjà entrevus dans ses westerns malsains Le Temps du massacre et Les Quatre de l’apocalypse ou même le giallo Les Salopes vont en enfer, plus connu sous le titre Le Venin de la peur. Fulci a orchestré un incroyable alignement des astres ayant permis de réunir et motiver les compétences et la passion de chacun, pour aboutir à une œuvre qui transcende véritablement son statut de produit purement commercial et qui sera, ultime paradoxe, titrée Zombie pour son exploitation américaine ! Une dream team au service d’une vision lovecraftienne et poétique de l’horreur et qui se transcendera littéralement par la suite dans les excès du définitif triptyque Frayeurs / L’Au-delà / La Maison près du cimetière.
Clément Gerardo