La Servante

La Servante
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Servante (La)
Hanyo
Corée du Sud, 1960
Durée : 1h51
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Suite à un déménagement dans une maison plus grande, la femme d'un professeur de musique persuade celui-ci d'engager une domestique. Mais bientôt, la servante devient la maîtresse et la calme maison devient alors le lieu d'un dramatique huis clos.

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Il y a un rat dans la maison ! Cette découverte n'est que le début des frayeurs que va s'offrir une famille coréenne dans La Servante de Kim Ki-Young. Cinéaste adulé par les réalisateurs-phares du cinéma coréen contemporain, de Bong Joon-Ho à Park Chan-Wook, Kim Ki-Young signe avec La Servante une œuvre matrice du cinéma coréen dont on ressent l'influence encore aujourd'hui. Kim réalise un strike dans la famille bourgeoise et ses illusions. La mère ne s'offusque pas lorsque son époux lui parle de voler ou de tuer, mais mettre une femme enceinte semble être une affaire bien plus scandaleuse. Au bar du coin, l'époux entend pourtant que l'adultère est moins grave que de se prendre une contravention... Entre guerre et dictature, la Corée a alors de quoi refouler. La servante sert de révélateur dans ce récit, les pulsions se libèrent et ce qui ressemblait à un mélodrame classique tourne au film d'horreur expressionniste.

La famille de La Servante semble comme les autres. On voit en elle comme on voit au travers des murs de cette maison filmée comme un aquarium, dans laquelle on déambule par de rapides travellings, un lieu clos et claustro rempli de mille cloisons. Pourtant rien n'est ce qu'il semble, à l'image de ce verre dont l'eau transparente, fétichisé comme le verre de lait de Soupçons, pourrait bien contenir de la mort aux rats. Personne n'est épargné dans La Servante. Ni les parents, ni leurs gosses, ni surtout ladite servante, mi-fantôme mi-Barbara Steele, qui hante la maison telle Baby Jane (autre histoire aux rats spectaculaires). Kim Ki-Young partage avec Aldrich le goût du grotesque, ces excentricités inquiétantes qui s'expriment par l'accumulation de tabous qu'on envoie valdinguer dans les escaliers ou par la bande originale. Aux douces notes de piano jouées par le professeur de musique succèdent les mêmes mélodies, à la maison, devenues beaucoup plus ironiques, puis une musique dissonante, possédée, et enfin des orages de bruits et cuivres qui donnent l'impression d'atterrir dans La Nuit de tous les mystères.

La violence hallucinée, les changements de registres, la maîtrise de la mise en scène sont saisissants. Au point, à l'époque, de créer des réactions viscérales, Lee Eun-Shim, actrice de la servante, ayant été vilipendée, confondue avec son personnage. Personne n'est dupe de l'ironie du dénouement qui se veut rassurant après un tel jeu de massacre. Cinquante ans plus tard, Im Sang-Soo rend hommage au film avec une relecture contemporaine, The Housemaid. D'apparence plus simpliste (la servante n'est plus aussi vénéneuse, elle est une simple victime), il n'est que plus cruel et implacable: dans une famille richissime et cynique de la Corée d'aujourd'hui, la petite servante n'a plus le pouvoir de sa dévastatrice ainée.

par Nicolas Bardot

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