Wim Wenders

Wim Wenders
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Réalisateur, Scénario
Allemagne

Wim Wenders est un enfant de l’Amérique. Il est tombé dans ses bandes dessinées quand il était petit et plus tard s’est laissé emporter par les élans de son rock'n'roll. Cette fascination se lit dans ses films tout comme son amour des couleurs, lui qui se dit "peintre raté". Entre commandes et films personnels, il a tracé un itinéraire exigeant et fidèle, s’entourant régulièrement des mêmes visages et autres thèmes récurrents. Après les glorieuses années 80, il a connu une période plus inégale pour finalement retoucher au somptueux avec sa nouvelle production.

"ALORS QUE L’ENFANT ETAIT ENFANT"

Wim Wenders est né à l’approche de la fin de la Seconde Guerre Mondiale à Düsseldorf en Allemagne. Après avoir commencé des études de médecine puis de philosophie, il part un an à Paris pour s’essayer à la peinture et à la gravure. A sa chambre de bonne glacée, il préfère les fauteuils de la cinémathèque, où il verra plus de mille films et se familiarisera ainsi avec l’histoire du cinéma. A son retour en terre natale, il fera un stage de trois mois chez United Artists dont il ressortira frustré par rapport à l’industrie du cinéma. Il intégrera toutefois l’école du film de Munich tout en écrivant des critiques pour la page cinéma de plusieurs journaux. Depuis son plus jeune âge, Wim Wenders est fasciné par la culture pop américaine, que ce soit d’abord celle des bandes dessinées, puis celle des romans, avant que le rock'n'roll ne fasse son entrée par la grande porte dans sa vie. Cette fascination tracera une sorte de fil rouge dans sa filmographie, tout comme son penchant pour la peinture et la gravure, les couleurs et les paysages pouvant parfois être qualifiés de personnages principaux dans les films du réalisateur. Ainsi ses premiers courts métrages, Locations en 1967 et Silver City en 1968, sont des plans fixes dans lesquels il ne se passe rien ou presque. Cette prédilection pour les longs plans le suivra, tout comme sa tendance à donner des noms anglais à ses films, rock'n'roll attitude oblige. Pendant ses études à Munich, il tournera également un film pour la télévision bavaroise, Poliziefilm (Film policier en français), qui ne fut jamais diffusé à grande échelle. Son premier long métrage fut curieusement son projet de fin d’étude, Summer in the city. L’histoire d’un homme seul qui sort de prison et va essayer plutôt mal que bien de reprendre contact avec la société. En effet, avec l’argent alloué à son projet, il a découvert que s’il tournait en 16mm, en noir et blanc et avec un minimum de prises, il pouvait financer un long métrage, et préfère cela à un court en couleur. La seule chose qu’il n’a pas comptabilisé dans son budget étant la bande originale. Il a juste choisi Bob Dylan, Jimi Hendrix ou les Rolling Stones pour son film, dont le titre n’est autre qu’un titre du groupe Lovin’Spoonful, à qui est par ailleurs dédié le film.

BORN TO BE ON THE ROAD

C’est en salle de montage qu’il rencontrera Peter Przygodda, qui lui suggère de lui laisser les commandes pour réduire les trois heures obtenues après le premier montage. Ce sera le début d’une longue collaboration. Wenders tournera ensuite une adaptation du livre de Peter Handke The Goalkeeper’s Fear of the Penalty dont Handke, par amitié, lui cède les droits quasi gratuitement. La chaîne WDR, co-productrice du projet, est tellement enthousiasmée par le talent de Wim Wenders qu’elle lui propose une nouvelle adaptation, celle de La Lettre écarlate. Le tournage au Portugal en 1972 ne fut pas une expérience mémorable et une fois le film en boîte il déclare ne plus jamais vouloir faire de film dans lequel il n’y aurait "ni voiture, ni station service, ni télévision ou jukebox". L’année suivante il signe Alice dans les villes, un film qui lui ressemble. C’est occupé au montage d’une scène de La Lettre écarlate, avec pour fond sonore la chanson Memphis de Chuck Berry, qu’il a eu l’idée de ce film. De nouveau il fait appel au format 16mm et au noir et blanc pour l’histoire de ce journaliste qui sillonne l’Amérique à la recherche de l’inspiration, et qui se retrouve coincé en compagnie d’une jeune fille de cinq ans qu’il va devoir ramener à sa grand-mère en Allemagne. Ce sera le premier film d’une trilogie sur l’errance. Le second est une nouvelle collaboration avec Handke et Rüdiger Vogler qui, après La Lettre écarlate, tient de nouveau le rôle principal, avec à ses côtés une jeune actrice de 13 ans nommée Nastassja Kinski. Faux Mouvement ou de nouveau l’histoire d’un homme un peu paumé à la recherche de la source créatrice qui fera de lui un écrivain, son chemin étant pavé de mauvaises décisions. Le cycle se termine avec Au fil du temps, avec de nouveau Rüdiger Vogler, une ambiance noir et blanc et le 35mm qui vient se doubler au 16mm. Egalement la première expérience en tant que producteur avec sa société, la bien nommée Road Movies. Wim Wenders et son caméraman Robby Müller ont choisi une ambiance américaine pour décrire le film dont l’action se situe pourtant en Europe. Tout comme dans Alice dans les villes, le rock'n'roll joue un rôle important et Wim Wenders jette un regard critique sur cette Amérique donc chaque image du film est le reflet.

LES ANNEES SOMBRES

Le film suivant est une nouvelle adaptation, celle de Ripley s’amuse, de Patricia Highsmith, qui deviendra L’Ami Américain. Un thriller avec Bruno Ganz et Dennis Hopper qui, après quelques jours de tournage, en sont venus aux mains, avant de devenir les meilleurs amis du monde, propageant à l’écran la chimie qui les unissait hors caméra, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire au film. Une intrique européenne une nouvelle fois mâtinée d’images d'outre-Atlantique, comme pour accentuer la confusion de l’intrigue. Avec, pour la première fois, l’ombre du peintre Hopper qui fait son apparition, juste retour des choses quand on sait que celui-ci allait puiser son inspiration au cinéma quand le syndrome de la toile blanche le frappait. Bien que d’un genre plus conventionnel, le film possède toutefois la patte wendersienne: utilisation du rock'n'roll, héros sur la route et regard critique sur l’Amérique. C’est à Cannes que Francis Ford Coppola vit le film et invita Wim Wenders à venir tourner Hammet aux Etats-Unis. Un projet difficile qui va s’étaler de 1978 à 1982 et dont seulement 30% du matériel filmé par Wenders sera représenté dans la version finale, refilmée par Coppola. Wenders profitera de ce tournage chaotique pour tourner quatre films plus proches de son cinéma, qui ne s’est jamais trop accommodé des commandes. Lightning over Water en 1980, un portrait du et en collaboration avec le réalisateur Nicholas Gray, entre documentaire et fiction. Deux courts métrages pour la télévision française: Reverse Angle, sur le montage du film Hammett, et Chambre 666, tourné dans la chambre 666 de l’hôtel Martinez à Cannes pendant le festival. La quatrième œuvre est un long métrage qui n’était pas prévu. En effet, Wenders était au Portugal sur le tournage de The Territory de Raoul Ruiz, à qui il a emprunté son équipe et son casting pour enchaîner un autre film. Ce fut L’Etat des choses, qui marque le retour de son style plus spontané, peut-être lié à la nature même du film, qui traite des difficultés rencontrées lors de son travail aux Etats-Unis. C’est le caméraman Henri Alekan (La Belle et la Bête de Jean Cocteau) qui l’accompagnera dans cet énième retour au noir et blanc.

"WHAT’S WRONG WITH THE COLOUR?"

Pendant le tournage de Hammett, Wim Wenders va rencontrer Sam Shephard, tournant dans le studio juste à côté, qui va lui donner un manuscrit de ses poèmes et autre nouvelles. Après plusieurs réécritures et autant de nouveaux titres, le scénario de Paris, Texas voit le jour. Le plus célèbre road movie de Wim Wenders, récompensé par la Palme d’or à Cannes en 1984. Un film qui, aux dires de Wenders lui-même, marque la fin de sa "phase américaine", mais qui commence pourtant sur les images de Travis errant dans le somptueux désert américain, tel un cow-boy solitaire. L’influence d’Hopper est indéniable dans les tableaux vivants crées par Robby Müller, notamment la scène de la fin sur le parking, nimbée de lumière verte, dans laquelle Travis attend à côté de sa voiture. Paris, Texas est un film visuel dans lequel les couleurs jouent un rôle à part entière. Au rock'n'roll habituel, Wim Wenders préfère les somptueuses litanies de Ry Cooder, qui accompagne la quête de Travis vers un bonheur qu’il sacrifiera par amour. Le film suivant a en effet peu à voir avec l’Amérique car il se situe au Japon, Tokyo-Ga étant une quête des traces du vieux Japon décrit dans les films du cinéaste Yasujiro Ozu, mort vingt ans auparavant. Une pause nippone avant le retour en Allemagne et Les Ailes du désir, pour lequel il retrouve Bruno Ganz et Peter Handke, qui participe à l’écriture du scénario. Il recrutera également sa monteuse de Tokyo-Ga, Solveig Dommartin, pour le rôle féminin principal. Les Ailes du désir s’arrête sur la destinée de deux anges parmi les hommes, dont un, Damiel, tombe amoureux d’une artiste de cirque et décide de devenir humain afin de pouvoir l’aimer. Le film sera en noir et blanc tant que Damiel sera ange, pour mieux montrer la distance qui le sépare de son humanité, puis avec la vie terrestre viendra la couleur, le goût, l’éveil aux sens. Les anges de Wenders portent de longs manteaux noirs car les essais avec les armures et les ailes n’ont pas été concluants, l’armure faisant toutefois un cameo remarqué. C’est au court du tournage que l’assistante à la réalisation de Wenders, Claires Denis (déjà présente sur Paris, Texas), eut l’idée de l’ex-ange joué par Peter Falk. Un passeur de témoin qui était à l’origine pensé politicien, Willy Brandt ayant été approché pour le rôle! Peter Falk a tout de suite donné son accord et ce malgré l’absence de scénario; ses dialogues ont alors été écrits chaque nuit mais il improvisa la plupart du temps. Une fois de plus, Wim Wenders s’est servi de la musique comme d’un instrument clé, avec Nick Cave and the Bad Seeds et leur Her to Eternity, qui scelle les trouvailles terrestres de Marion et Damiel. La poésie de Wenders et la virtuose caméra de Henri Alekan, comme en flottement entre toutes les âmes humaines, furent couronnées par le prix de la mise en scène à Cannes en 1987.

PERTE DE CAP

Sur une commande de Pompidou, il retourne au Japon cette même année pour tourner Notebook on Clothes and Cities, un documentaire sur la création, les villes, l’âge digital, à travers des conversations avec le créateur de mode Yohji Yamamoto. Il retrouvera ensuite Solveig Dommartin, entourée d’un casting de stars impressionnant, pour Until the End of the World, en 1991. Robby Müller et Rüdiger Vogler étant de nouveau de la partie. L’intrigue de ce film, située dans un futur proche, mélange un appareil photo qui permet aux aveugles de voir, un triangle amoureux, des braqueurs de banques, la CIA et des truands, tout ce petit monde se poursuivant à travers le monde alors qu’un satellite nucléaire indien menace la terre. Il remplit son contrat mais, mécontent du résultat, travaillera encore un an sur le montage pour sortir un director’s cut, "le vrai film". En 1992 il écrira et réalisera pour les enfants un court de trente minutes intitulé Arisha, The Bear and the Stone Ring, un conte de Noël, Rüdiger Vogler étant sous le costume de l’ours et Wim Wenders celui du Père Noël! In Far Away so Close, il répond à la promesse faite à Otto Sander à la fin des Ailes du désir. En effet, celui-ci avait envie que son personnage, Cassiel, devienne également humain. L'une des fins prévues à l’époque était que le film se termine sur un plan des deux hommes enfin en apesanteur, or le manque d’argent avait forcé Wim Wenders à y renoncer, à la grande déception de Otto Sander, à qui il avait alors promis qu’il y aurait une suite, sans toutefois être sûr que cela soit possible. Ceci expliquant le "A suivre" à la fin des Ailes du désir. Ce sera cette fois-ci Lou Reed qui y donnera de la voix et sauvera Cassiel de sa sombre destinée d’humain. L’incontournable Rüdiger Vogler y reprendra son rôle de détective privé de Until the End of the World, Peter Falk aura un petit rôle ainsi que Nastassja Kinski, alors que Willem Dafoe incarnera le diable. C’est Jürgen Jürges (Arisha) qui sera derrière la caméra, alors que Michail Gorbatschev fera une apparition. En échange, Wenders devra tourner un film publicitaire pour Toyota. Avec Lisbon Story en 1994, Wenders retrouve le Portugal et le road movie: Philipp Winter (Rüdiger Volger) part de Berlin pour Lisbonne à la demande de Friedrich Munro, en panne créatrice sur le tournage de son film muet. La guest-star du film étant cette fois le réalisateur portugais Manoel de Oliveira. Il co-réalisera ensuite le film de Michelangelo Antonioni, Au-delà des nuages, un ensemble de courts métrages sur les relations hommes-femmes.

RETOUR AUX SOURCES

Il retrouvera l’Amérique et Los Angeles pour The End of Violence en 1997, sur un scénario co-écrit avec Nicholas Klein. Son premier film en cinémascope. Ry Cooder est convié pour la musique alors que Robby Müller est remplacé par Pascal Rabaud. Un film qui se veut avant tout un essai sur la violence, thème central sur lequel ont été greffés les personnages. Son film suivant sera aux antipodes de la violence. Lors du tournage de The End of Violence, Ry Cooder avait du mal à se concentrer pour créer la musique, disant à Wender qu’il était "encore à Cuba", où il servit de producteur à des musiciens locaux. Il fait alors écouter un enregistrement du Buena Vista Social Club à Wenders, qui est aussitôt séduit par la musique et plus encore par l’âge des musiciens. Ainsi naîtra l’idée du magnifique film Buena Vista Social Club, qui connaîtra un parcours mondial et, avec lui, la musique cubaine. La musique sera également à l’origine de Million Dollar Hotel. En effet, c’est sur le toit de ce même hôtel que le groupe U2 tournera la vidéo de leur tube Where the streets have no name. L’idée originale du film vient de Bono, qui s’est alors intéressé à l’histoire de cet hôtel. Wenders et Nicholas Klein ont ensuite écrit le scénario du film, co-produit par Mel Gibson à travers sa société Icon. Celui-ci jouera aussi l’étrange détective chargé d’élucider la mort de l’un des locataires de l’hôtel. En 2005, Wim Wenders renoue avec ce qui a fait l’étoffe de ses plus beaux films grâce à Don’t Come Knocking. Un "road movie familial" qui n’est pas sans rappeler Paris, Texas - également écrit par Sam Shephard – que ce soit dans le fond ou dans la forme. L’ombre de Hopper plane sur les somptueux cadres du film, qui commence aussi dans le mythique désert américain avec un personnage à la recherche de lui-même. Le cow-boy solitaire de l’Amérique si cher à Wenders, qu’il sait comme personne mettre en scène. A cela s’ajoute une dose de bonne musique pour faire passer des sentiments trop difficiles à exprimer par la parole et des acteurs au sommet de leur art. Après une baisse de régime dans les années 90, il semble que Wim Wenders ait retrouvé cet état de grâce qui touche presque au sublime. Merci.

par Carine Filloux

En savoir plus

2005 Don’t Come Knocking 2004 Land of Plenty 2000 Million Dollar Hotel 1998 Buena Vista Social Club 1997 The End of violence 1996 A Trick of the Light 1995 Au-delà des nuages 1994 Lisbon Story 1993 Far Away, So Close 1991 Until the End of the World 1987 Les Ailes du désir 1985 Tokyo-Ga 1984 Paris, Texas 1982 Hammett 1982 L’Etat des choses 1977 L’Ami Américain 1976 Au fil du temps 1975 Faux Mouvement 1973 Alice dans les villes 1972 La Lettre écarlate 1971 The Goalkeeper’s Fear of the Penalty 1970 Summer in the City

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