Valérie Lemercier

Valérie Lemercier
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Réalisatrice, Scénario, Actrice
France

Elevée au grand air, à Gonzeville en Normandie, avant de monter à Paris pour y faire son nid, Valérie Lemercier a directement troqué son ciré et ses bottes en caoutchouc contre un petit tailleur cintré et des mocassins en daim. Avant même de terminer sa mue, l’aspirante humoriste est cataloguée vieille peau. La série Palace fait d’elle l’incarnation de la bourgeoise revêche et castratrice. A 24 ans, elle en paraît 54. Mais de Palace à Palais royal!, où elle retrouve tout naturellement son rang de princesse, Valérie Lemercier ne s’est pas contentée de regarder passer les vaches.

LES PIEDS DANS LE PLAT

Partisane de la franche rigolade et d’une bonne tape sur la cuisse, Valérie Lemercier cultive l’humour gras. Mais distingué. Grande dame et fourmi zélée, garçon manqué et diva en jupon, elle est peut-être la seule actrice-scénariste-réalisatrice française capable de faire la brasse dans le mucus sans perdre contenance. Bourvil est l’une de ses idoles et à voir sa raideur d’automate puis sa souplesse de chat dans Palais royal!, le modèle n’a pas à rougir de son élève. Valérie Lemercier est roublarde, vilain canard revendiqué et cygne déplumé, d’une exquise maladresse et d’un culot monstre. Le Derrière, son deuxième long métrage, s’est d’abord intitulé Maman j’ai sucé Papa, Palais royal! a échappé de peu à Trop bonne ou La Reine des Belges. Avec Valérie Lemercier, le chameau, l’oie blanche et le cochon prennent une dimension lyrique. Sous le diadème et la patine chic, on imagine mal une famille de sang bleu débiter autant d’horreurs et de perles scato. Alter ego d'Alain Chabat, Valérie Lemercier ne fait ni dans la dentelle ni dans la demi-mesure. Son personnage d’Odeline Fion, candidate à L’Ecole des fans nourrie à l’huile (mémorable sketch du "Saturday Night Live" des Nuls) a laissé quelques séquelles. Avant de jouer à la princesse, la cheftaine a roulé sa bosse. Le théâtre la fait entrer dans le vif du sujet, le Conservatoire de Rouen l’aiguille au lycée. Fille d’agriculteurs, la dauphine en herbe a l’âme fugueuse et cherche encore sa place. Intimidée par le Cours Florent, elle s’éclipse.

MADAME EST SERVIE

A Paris, Valérie Lemercier se sent d’autant plus moribonde qu’elle peine à trouver chaussure à son pied. Postée devant une caisse des Galeries Lafayette ou derrière le micro du Piano Zinc, elle séduit son premier auditoire, mais saisit vite le nœud du problème. La télévision et le cinéma la condamnent à un rôle unique - la mégère pour changer -, alors que le théâtre lui autorise toutes les extravagances. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui la poussera à refuser l’enregistrement de ses spectacles. L’illusion et la connivence ne semblent possibles qu’avec la scène. Quand il fait appel à elle pour le tournage de Milou en mai, Louis Malle est persuadé d’avoir affaire à une quadragénaire. Palace, la série de Jean-Michel Ribes la révèle et la menotte pour un temps. Figurante bon marché, aussi choyée qu’un paillasson, Valérie Lemercier décroche contre toute-attente le rôle de Lady Palace et s’incruste dans le bottin mondain (Les Nuls, Le Splendid, Jean Carmet, Jacqueline Maillan, Gérard Lanvin, Roger Hanin… font tous un crochet par la série), mais plus personne ne voit au-delà du chignon et de la voix chuintante. L’Opération Corned-Beef, Sexes faibles! et surtout Les Visiteurs enfoncent le clou. Concentré de simagrées, Béatrice de Montmirail et Frénégonde de Pouille se révèlent pourtant moins cabotines que leurs prétendants masculins. Elle empoche le César du meilleur second rôle, décline une offre mirobolante pour la suite (ratée), cède le sceptre empoisonné à Muriel Robin et disparaît dans la nature.

CHANTONS SOUS LA PLUIE

Depuis, Valérie Lemercier a dégainé son couteau suisse et récupéré ses bottes en caoutchouc. L’écriture libère les frustrations et indique la ligne directe pour le Pays de cocagne. Le cinéma la snobe, elle écrit ses propres one-woman-shows (trois Molière, un succès babylonien et paradoxalement assez discret sans le relais de la télé). Le cinéma lui manque, elle réalise un remake de Quadrille de Sacha Guitry. L’adaptation, trop glacée, déçoit, mais elle lui donne l’occasion de mettre la main à la pâte. Sagement montés, Le Derrière et Palais royal! relèvent essentiellement du travail manuel. La maîtresse de maison quadrille l’espace; le choix du vêtement et la couleur de l’abat-jour ont la même importance que le jeu et l’intonation des acteurs. On lui reproche son mauvais goût, Valérie Lemercier raffole pourtant du style. Elle dessine elle-même ses affiches pour les Folies-Bergères, s’essaie à la publicité, créé un sac pour La Redoute, se passionne pour la photographie et les Arts déco. Son célèbre "Vous aimez? C’est moi qui l’ai fait!" était prémonitoire. Valérie Lemercier fait tout, même chanter. Bertrand Burgalat lui écrit un ravissant album en forme de sucre-d’orge, dont les singles Goûte mes frites et 95C ont appâté les ondes pendant quelque temps. Neil Hannon lui réinvente sa chanson Becoming More Like Alfie (Comme beaucoup de messieurs). Mais c'est une autre femme, Claire Denis, qui fait tomber son nez rouge et la convie à un Vendredi soir rêveur et embrumé.

par Danielle Chou

En savoir plus

Réalisatrice: 2005 Palais royal! 1999 Le Derrière 1997 Quadrille

Actrice: 2006 Fauteuils d’orchestre 2005 Palais royal! 2004 Narco 2004 RRRrrrr!!!! 2002 Vendredi soir 1999 Le Derrière 1997 Quadrille 1995 Sabrina 1994 Casque bleu 1994 La Cité de la peur 1993 Les Visiteurs 1992 Sexes faibles! 1992 Le Bal des casse-pieds 1991 L’Opération Corned-Beef 1990 Après-demain 1990 Milou en mai

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