Roman Polanski

Roman Polanski
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Réalisateur, Scénario, Acteur, Musique
France

Rares sont les cinéastes qui, comme Polanski, peuvent se targuer d’une telle interaction entre vie personnelle et vie artistique. Entièrement marquée par les cauchemars d’une enfance passée dans le ghetto de Cracovie, durant laquelle le jeune Roman assiste à la mort de sa mère, l’œuvre du cinéaste sera intimement proche de sa vie, ses films ressassant les thèmes forts de l’aliénation mentale, de la paranoïa, dans un soucis constant de décrire des personnages grotesques combattant systématiquement la fatalité. Deux hommes et une armoire, court-métrage remarqué réalisé par Polanski, alors étudiant en cinéma à l’école polonaise de Lodz, témoigne d’un univers filmique dense et foisonnant, proche de l’absurde, et déjà affectée des restes d’un traumatisme évident survenu durant l’enfance

La carrière de Polanski sera ainsi, ballonnée entre ce trauma initial – qu’il n’évoquera jamais vraiment avant Le Pianiste, mis à part dans un court-métrage - et les aléas tragiques d’une vie proche de l’absurdité de ses films. Elle commence véritablement avec ce qui reste pour certains son meilleur film, le plus mémorable, le sordide Couteau dans l’eau, film écrit avec Jerry Skolimowski, qui transcende le genre du huis clos, et qui trouvera une résonance jusque dans le film récent de Denis Podalydès, Liberté Oléron. Intégralement tourné à bord d’un bateau, le film est une lutte incessante entre les hommes, les classes, dans laquelle le cinéaste libère ses obsessions les plus profondes, son angoisse, et sa peur de l’autre. Pièce matricielle de toute son œuvre, Le Couteau dans l’eau conditionne la suite d’une carrière en dents de scie.

Cette suite, Roman Polanski ne la souhaite pas en Pologne, et quitte donc son pays natal pour s’installer en France le temps d’un court-métrage, puis en Angleterre où, fort de sa nomination aux oscars pour son premier film, il peut enchaîner avec deux longs de facture tout aussi personnelle, Répulsion et Cul-de-sac, pour lesquels il collabore pour la première fois avec Gérard Brach. Deux films d’apparence mineure, mais à la thématique proche – surtout pour le premier - du futur Locataire, incroyable chef d’œuvre, point d’orgue de la carrière du cinéaste. Le Bal des vampires, subtile variation sur le thème du vampirisme, semblable au traitement infligé par Mel Brooks au mythe de Frankenstein dans Frankenstein junior, est un hommage incroyable aux films de la Hammer, en même temps qu’une parodie déjantée des Dracula de Terence Fisher. Et Rosemary’s baby est probablement l’un des meilleurs films d’épouvante jamais réalisés, aux côtés par exemple de L’Exorciste ou de Shining. Incroyable paranoïa imprimée sur pellicule, adaptation du roman d’Ira Levin, le film tend à remettre en question la notion même de famille, de mari, ainsi que le rôle de la mère. Si le film fait tant peur, c’est principalement parce qu’il pose la question la plus dramatique qui soit pour une femme: quelle est cette chose qui pousse dans mon ventre?

Le 9 août 1969 survient l’événement tragique qui va traumatiser toute la communauté hollywoodienne. Lors d'une soirée, l’épouse du cinéaste, Sharon Tate, enceinte de huit mois, est tuée de plusieurs coups de couteau par des adeptes de la secte de Charles Manson. On accuse Polanski d’avoir déchaîné les forces du mal avec son dernier film, on prédit la déchéance et la mort de tous les acteurs et cinéastes drogués, assoiffés de sexe et d’argent (soit la quasi-totalité d’une société en pleine mutation suite au succès de Easy rider). Maltraité par les journalistes qui lui reprochent le meurtre, déprimé au plus haut point, Polanski accepte une commande de Hugh Hefner, patron de Playboy, et réalise pour lui une adaptation de Macbeth de Shakespeare. Et enchaîne avec une autre commande qu’il fait sienne, la réalisation d’un scénario de Robert Towne que personne n’a compris, produit par Bob Evans, Chinatown, dans lequel ses obsessions reviennent, une à une, agrémentées d’un évident traumatisme plus récent.

Plus personnel est le projet du Locataire, probablement le plus beau film du cinéaste, son plus troublant, son plus glauque. Une œuvre incroyable dans laquelle Polanski révèle toutes ses peurs les plus intimes, les plus inavouables, les plus effrayantes, jusqu’à un final malsain dans lequel l’acteur-réalisateur se met véritablement en danger. Véritable thérapie pour le metteur en scène, Le Locataire marque en quelque sorte la fin d’une époque, celle du Polanski malade, troublé, à l’univers inquiétant. Le pseudo scandale sexuel pour lequel il est accusé du viol d’une mineure de treize ans en mars 1977 l’exclue à jamais du territoire américain, sur lequel il n’a pas le droit dorénavant de se poser. Mais malgré cela, la vie – et donc l’œuvre – du cinéaste a changé. Film à costumes (Tess), comédie (Pirates), polar (Frantic), aucun de ses films ne retrouvera le succès critique et public d’un Rosemary’s baby. Pirates se révèle même au final être un véritable gouffre financier. Et si le cinéaste relève quelque peu la tête avec Lune de fiel et surtout La Jeune fille et la mort, jamais il ne retrouve la puissance malsaine de ses œuvres des années 1970. Le Pianiste, pour lequel il a reçu la Palme d’or au Festival de Cannes 2002, aurait pu constituer le grand retour de Polanski. Il n’en est rien.

par Anthony Sitruk

En savoir plus

2002 Le Pianiste 1998 La neuvième porte 1995 La Jeune fille et la mort 1992 Lunes de fiel 1988 Frantic 1986 Pirates 1979 Tess 1976 Le Locataire 1974 Chinatown 1973 Quoi 1971 Macbeth 1968 Rosemary’s baby 1967 Le Bal des vampires 1966 Cul-de-sac 1965 Répulsion 1962 Le Couteau dans l’eau

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