Le Bal des vampires

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La Transylvanie. Une terre désolée et hostile où se terre tout un peuple maudit. Le professeur Abronsius et son acolyte Alfred poursuivent les vampires dans une traque sans relâche qui les mène jusqu’à une auberge éloignée de tout. Sauf du château du comte Von Krolock…

TABLEAU DE MAITRE

Polanski déclare en 1966: "Toute peur qui n'est pas accompagnée d'un véritable danger doit vous faire rire une fois passée". C’est à partir de ce postulat qu’il met en chantier l’année suivante Le Bal des vampires, second volet de sa trilogie fantastique entamée avec Répulsion (1964) et qui s’achèvera avec Rosemary’s Baby (1968). Voulant s’inscrire dans la lignée des films de la Hammer, le réalisateur polonais dessine son projet entre la comédie parodique et le drame caractéristique du film de vampires. Pour ce faire, il introduit une galerie de personnages hauts en couleur, à commencer par le professeur Abronsius, caricature du vieux chercheur déluré, suivi de son sidekick Alfred – joué par Polanski lui-même - à la fois directif et maladroit. L’hirsute aubergiste Shagal, sa moitié gironde et vociférante, la voluptueuse Sarah, sans oublier la clique des vampires et l’immonde Koukol, tous provoquent à leur tour gags et enjeux dramatiques, ce qui maintient un équilibre sans faille dans la narration. Scénario prétexte, la chasse aux vampires est ici un moyen idéal de dérouler une imagerie populaire dans un environnement poussé à l’extrême sur le plan esthétique. Ainsi l’auberge dans laquelle se réfugient Abronsius et Alfred est spatialement presque inimaginable, avec une profusion de corridors, escaliers, pièces dérobées qui créent un charme mystérieux, à la fois cosy (la chaleur du bois versus le climat polaire de la Transylvanie) et angoissant; on ne sait jamais qui se cache derrière les portes. Le château de Von Krolock est lui aussi emblématique dans sa décoration (pour le coup ultra-hammerienne) et son agencement. C’est un dédale sans fin conçu pour perdre les vivants dans les rets des vampires qui y sont perpétuellement confinés. Ce soin absolu des décors, les prises de vues à la sauce victorienne et la partition hantée de Komeda achèvent de faire du film un régal des sens.

ROUGE BAISER

Pour autant, Le Bal des vampires respecte les codes thématiques et symboliques du genre. Prédation et séduction sont étroitement mêlées avec autant de victimes que de chasseurs. Ainsi on voit plusieurs couples se former tout au long de l’histoire, outre ceux définis d’emblée (Abronsius/Alfred, Shagal/sa femme). Apparaissent successivement les binômes accomplis ou fantasmatiques: Von Krolock/Sarah, Alfred/Herbert, Alfred/Sarah. L’auberge où les émois se dessinent dévoile les prémices du château où les impossibilités se révèlent finalement. Au bout du compte, d’ailleurs, nul n’y trouvera son content. La quête du sang aboutit en partie, celle du cœur reste irréalisable. Ces courses-poursuites perpétuelles prennent vite le pas sur l'enjeu initial: les vivants qui traquent les vampires se font très vite pourchasser à leur tour. La splendide scène du bal – qui donne son titre au film, dans un but précis – est le pivot explicite de l’intrigue, très subtilement filmée avec ses cadres serrés sur les couples pressentis: le sauvetage de Sarah, fille virginale puis maudite, se mue vite en échappée fofolle, quand les seuls éléments d’angoisse (le décorum, la musique et ses chants d’outre-tombe) ne parviennent à juguler les stigmates de ce qui se révèle être presque une comédie vaudevillesque. Au terme de l’épopée, quand tout redevient possible, soit un amour pur et moral, Polanski choisit de ramener la triste réalité au premier plan. Eprouvée par Von Krolock au début du film, la blanche Sarah sera paradoxalement celle qui répandra la désolation dans le monde ainsi que l’annonce la voix-off comme un Deus ex machina aux accents de Cassandre. Dépassant la dimension du film d’épouvante, qui doit en toute logique se terminer sur un anéantissement des ténèbres, le réalisateur choisit la voie anarchiste, presque nihiliste, celle où le chaos doit prédominer en dépit de tout effort. Et le conte noir devient une fable anti-sociale.

par Grégory Bringand-Dedrumel

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Le Bal des vampires ressort en salles aujourd'hui!

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