The Ghost Writer
États-Unis, 2010
De Roman Polanski
Scénario : Roman Polanski
Avec : Pierce Brosnan, Kim Cattrall, Ewan McGregor, Olivia Williams
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 2h08
Sortie : 03/03/2010
The Ghost, un " écrivain - nègre " à succès est engagé pour terminer les mémoires de l'ancien Premier ministre britannique, Adam Lang. Mais dès le début de cette collaboration, le projet semble périlleux : une ombre plane sur le décès accidentel du précédent rédacteur, ancien bras droit de Lang...
PARANOIAC ACTIVITY
Évidemment, il est tentant de jeter de jolis ponts entre le sort récent de Roman Polanski et celui de son personnage enfermé dans son bunker, rattrapé par son passé, lynchage médiatique aux basques. Comme il est tentant de voir dans son prix de la mise en scène attribué récemment au Festival de Berlin un positionnement bien à propos plutôt qu'une récompense véritable. Mais l'ironie tragique de l'art imitant la vie, ou l'inverse, n'est pas le seul argument, loin de là, jouant en faveur de ce Ghost Writer, tandis que l'Ours d'argent est, lui, on ne peut plus mérité. En cercles obsédants, Polanski a, le long de sa carrière, construit une grande œuvre de la paranoïa, du retranchement, où la vérité possède mille fous reflets, où l'aliénation peut surgir à tout moment - aliénation qui guette ici le personnage principal, sans nom, fantôme pourtant fait de chair mais pris dans un engrenage plus fort que lui. Les premier instants installent une étrangeté inhérente au cinéma de Polanski, ici muette: une voiture abandonnée sur un ferry, des vagues qui lèchent un cadavre. L'atmosphère insulaire, étouffante, rappelle La Jeune fille et la mort, autre film où la sobriété apparente, l'absence d'effet pour l'effet, participait à une tension à couper au couteau - pour le nègre (Ewan McGregor), tout peut basculer d'un instant à l'autre. Intelligence de l'écriture qui, lorsqu'elle enferme son personnage dans un motel isolé, ou l'oppose à un vieil intrigant chevronné (Tom Wilkinson), donne l'impression que tout peut arriver.
Dans sa maison de glace, Adam Lang (Pierce Brosnan, parfait), ancien Premier Ministre britannique en exil et sous le coup d'une condamnation pour crime contre l'humanité, voit "la meute" arriver, parlant des journalistes à sa porte, cible d'une mécanique où l'individu, quel qu'il soit, doit toujours se débattre face à plus grand spectre que lui. Idem pour le ghost writer, emporté par la même occasion dans un tourbillon hitchcockien, lui qui a d'ailleurs été embauché pour jouer avec les apparences (réécrire les mémoires de Lang, pavé hagiographique épais comme un Gaffiot). Les apparences et leurs secrets les plus pervers. Si Adam Lang ressemble à un double à peine déformé de l'ancien Premier Ministre Tony Blair, que l'écrivain et co-scénariste Robert Harris a connu, le film ne vaut pas que pour ses résonances brûlantes. The Ghost Writer se sert du thriller politique pour dérouler le ruban de la perversité, jusqu'au dernier plan, mariage de noirceur ironique et d'amoral triomphant, laissant les pages et leurs secrets s'envoler toutes seules.