Peter Jackson

Peter Jackson
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Réalisateur, Scénario, Acteur, Photo
Nouvelle-Zélande

Qui aurait pu penser? Qui aurait pu penser que le réalisateur d'un film gentiment minable et incroyablement gore soit à la tête du projet le plus attendu de la décennie? Qui aurait pu deviner que l'instigateur d'une comédie porno prenant place dans les coulisses du Muppet show réaliserait le plus gros film de ce début de siècle? Quels rapports peut il y avoir entre Brain dead, chef-d'oeuvre du gore du début des années 1990, et Le Seigneur des anneaux, trilogie censée révolutionner le cinéma? A priori aucun. Et pourtant...

Peter Jackson, lorsqu'il entreprend le tournage de son premier long-métrage, est un vieux routier du cinéma. Cela fait plus de dix ans qu'il enchaîne les courts-métrages en super 8, très exactement depuis que son père lui offre une caméra pour son huitième anniversaire. Lorsque sort Bad taste en 1987, on voit en lui l'une des dernières chances du cinéma gore de ne pas sombrer dans le marché de la vidéo et de perdurer sur le grand écran. Violent, drôle, gore, burlesque, cette invasion d'extraterrestres fait l'effet d'une bombe, même si le public et la critique s'accordent pour dire que le film ne retrouve à aucun moment la puissance des ses compères Evil dead ou La Nuit des morts-vivants. Pourtant, le cinéaste est reconnu pour son aptitude à sortir la tête haute d'un tournage amateur, marathon de trois ans, avec ce que cela comporte de système D et de problèmes de budget. Son premier pas dans le cinéma est posé: Peter Jackson sera le cinéaste de films qui paraissent le triple de leur coût réel.

Fort de ce premier succès, Peter Jackson entend aller plus loin dans le gore, la parodie et l'horreur. Déjà, il parle d'un film qui serait le sommet de l'horreur, le film somme du genre, Brain dead. Mais des problèmes d'argent l'empêchent de mener à bien son projet, et le cinéaste doit se tourner vers un scénario qu'il a commencé et qu'il propose alors à ses producteurs...ainsi qu'au plan de soutien du Ministère de la culture néo-zélandais ! Ce scénario nous plonge dans les coulisses d'un spectacle pas comme les autres puisqu'il s'agit de celui des Feebles, sorte de Muppet show de luxe. Peter Jackson montre l'envers du décor, ou " ce que font Kermit et Peggy lorsqu'ils sont en coulisse ". Bien que s'essoufflant dés la première demi-heure, Meet the Feebles attire de nouveau l'attention sur ce cinéaste définitivement différent, surtout dans un pays natal plus habitué aux succès de Jane Campion (la palmedorisée Leçon de piano). Et malgré le côté crade et ringue de l'ensemble, le film finit par rembourser largement son minuscule budget et reçoit un accueil enthousiaste de la presse mondiale, qui oublie le côté raté pour encenser le vulgaire, le scato, le gore etc. Un auteur est en passe de naître...

Fort de ses succès répétés, Peter Jackson peut enfin se consacrer à ce qui est devenu son premier chef d'oeuvre: l'hallucinant Brain dead. Utilisant 1500 litres de faux sang, le film pulvérise les records du mauvais goût. Zombies, mère possessive, massacre à la tondeuse à gazon, bébé mort-vivant, prêtre karatéka...Jackson se fout de tout et fait ce qu'il veut dans un pays qui lui accorde de plus en plus de crédit. Succès mondial, Brain dead reçoit en plus le grand prix du Festival d'Avoriaz en France. Le cinéaste devient célèbre et ses films sont classés cultes illico. On le compare à Sam Raimi, à George Romero, à Stuart Gordon...à tort. Car les ambitions de Jackson sont tout autres.

Ayant dépassé toutes les limites du gore et de l'horreur, Peter Jackson ne compte pas continuer dans le genre. Refusant les compromis, oubliant les recettes qui ont fait son succès, il décide de s'attaquer à un fait divers qui avait traumatisé la Nouvelle-Zélande dans les années 1950 et réalise son deuxième chef d'oeuvre. Créatures célestes est une oeuvre fragile, incroyablement poétique, unique, et d'une violence rare dans la retranscription des sentiments. Le film fait l'effet d'une bombe, reçoit le grand prix du Festival de Gérardmer, ainsi que l'un des prix les plus convoités du Festival de Venise. Au delà du succès et de la reconnaissance, Créatures célestes est surtout la preuve éclatante que le cinéaste n'est pas prisonnier d'un genre, et constitue ainsi la première marche vers ce qui sera la grande oeuvre de sa vie: Le Seigneur des anneaux. C'est un fait désormais reconnu par tous: Peter Jackson est capable de réaliser un chef d'oeuvre dramatique. En outre, les séquences oniriques, prenant place dans des châteaux de sable et mettant en scène les deux héroïnes au milieu de chevaliers en armure, préfigurent les images épiques de sa future adaptation de Tolkien. Artistiquement, Peter Jackson a fait ses preuves. Commercialement aussi, puisque ses films ont tous relativement bien marché jusqu'à présent. Réfléchissant déjà à la possibilité d'un film tiré de l'oeuvre de Tolkien, le cinéaste doit encore malgré tout prouver ce qu'il vaut à Hollywood, dont l'infrastructure lui sera nécessaire pour mener à bien son projet insensé.

Robert Zemeckis, fan de son oeuvre, sera celui qui lui ouvrira les portes d'Hollywood en acceptant de produire son nouveau projet, Fantômes contre fantômes. Il lui octroie le budget confortable de 33 millions de dollars et lui propose de venir travailler à Los Angeles...proposition que le réalisateur, à la surprise de tous, refuse, estimant que le budget alloué peut donner de meilleurs résultats sur son sol natal, où on lui fichera une paix royale. Il y a quelque chose de Kubrickien dans l'attitude de Peter Jackson. En travaillant chez lui, et en assurant ainsi aux investisseurs un coût beaucoup moins élevé, le cinéaste bénéficie d'une totale liberté technique et artistique, et de la possibilité de rentrer chez lui tous les soirs. Bien qu'ayant été extrêmement mal vendu, Fantômes contre fantômes parvient à faire quelques bénéfices et Jackson garde ainsi la confiance de ses producteurs, qui lui font par ailleurs de plus en plus les yeux doux, persuadés de voir en lui le renouvellement du blockbuster : grand spectacle pour petits budgets.

Le dernier pas vers le film qui le consacrera est un coup d'éclat d'une insolence rare. En réalisant un documentaire sur l'incroyable destin de Colin McKensie, cinéaste oublié du début du siècle, ayant absolument tout inventé dans le 7ème art (le cinéma parlant, la couleur etc.), Peter Jackson crée le scandale et met la Nouvelle-Zélande en émoi. La population sent son honneur perdu, sali, puisque les inventions de McKensie ont toutes été oubliées, reprises, volées. On frise la révolte...jusqu'à ce que Jackson révèle la supercherie et avoue que son documentaire n'était qu'un canular. Forgotten Silver devient ainsi la plus lumineuse idée du cinéaste qui prouve alors son incroyable capacité à transformer en or tout ce qu'il touche. Il y a du Orson Welles chez lui, période "Guerre des mondes"...et du Andy Kaufman.

Jackson est reconnu comme un génie. Du niveau des plus grands. Il peut dès lors tout se permettre.

Tout, y compris son rêve le plus fou: une adaptation en trois épisodes de la saga de Tolkien, Le Seigneur des anneaux.

La suite appartient désormais à l'Histoire.

par Anthony Sitruk

Filmographie sur FilmDeCulte

En savoir plus

2007 The Lovely Bones 2005 King Kong 2003 Le Retour du roi 2002 Les Deux tours 2001 La Communauté de l'anneau 1996 Fantômes contre fantômes 1995 Forgotten Silver 1994 Créatures Célestes 1992 Brain Dead 1989 Les Feebles 1990 Baby Blood

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