Seigneur des anneaux : Les Deux Tours (Le)
The Two Towers
États-Unis, 2002
De Peter Jackson
Scénario : Philippa Boyens, Peter Jackson, Fran Walsh
Avec : Sean Astin, Orlando Bloom, Billy Boyd, Ian McKellen, Viggo Mortensen, John Rhys-Davies, Andy Serkis, Elijah Wood
Durée : 2h59
Sortie : 18/12/2002
Une nouvelle guerre pour l’Anneau Unique couve. Et elle concerne la Terre du Milieu tout entière. Les deux tours, Orthanc et Barad-dûr, ainsi que leurs maîtres respectifs s’unissent afin que leurs Ombres s’étendent sur le monde des Hommes. Au croisement de tout ceci, la Communauté, dissoute et éclatée, ses membres disséminés, morts ou disparus. Chacun se doit de suivre son destin afin que les destins s’accomplissent. Chemin faisant, ils rencontreront différentes personnes, dont l’ancien porteur de l’Anneau; la Créature Gollum.
Une fois de plus et avec brio, Peter Jackson relève le défi. Certes, considérant que les trois films ont été tournés en même temps, leurs qualités ne devaient pas souffrir d’une pause entre chaque tournage. La cohérence artistique du tout ne pouvait non plus être rompue. Seulement un doute persistait. Ce volume étant considéré par les fans du roman comme le meilleur, agrémenté de batailles épiques où le son des armes s’entrechoquant pouvait être perçu à chaque page, comment allait-il être adapté ? Peter Jackson et ses scénaristes livrent en conséquence une adaptation une nouvelle fois absolument parfaite. Sachant extraire du livre sa moelle essentielle, tissant une trame finement adaptée pour le cinéma, le film fait la part belle aux combats sans pour autant oublier les personnages qui deviennent ici plus nombreux. Les Deux Tours se séparent en deux parties, une première permettant de suivre les protagonistes de la Communauté évoluant chacun de leur côté, puis une seconde, représentant le véritable climax du film, avec deux immenses batailles: le Gouffre de Helm, puis l’attaque d’Isengard par les Ents. Et pourtant, même au beau milieu des effets spéciaux, des plans larges et d’une réalisation virtuose, aucun personnage ne cesse de vivre, d’exister, de souffrir et d’espérer au centre de cette histoire qui les dépasse.
Les Deux Tours est basé sur la dualité, l’opposition, les rapports entre les grands et les petits. Tout ici, tant dans les techniques utilisées pour faire le film que dans les thèmes qui sous-tendent l’histoire, est un rapport entre deux choses, souvent extrêmes. Chaque personnage est lié à des événements dont ils ne peuvent saisir toutes les issues. Qui le pourrait quand le monde dans lequel ils vivent semble sur le point de se disloquer? Comme s’ils allaient se faire écraser par une immense roue les surplombant. Une roue du destin. De plus chaque personnage semble développer une relation particulière avec un autre personnage. Ainsi on voit Grima lié à Theoden. Grima lié à Saroumane. Gimli et Legolas devenir amis. Aragorn et Eowyn. Et surtout Frodon et Gollum entretenir une relation étrange centrée autour de l’Anneau. Une intimité attraction-répulsion, car chacun sait ce que l’autre doit ressentir. Gollum lui-même est double, hanté par Smeagol, le souvenir du Hobbit qu’il était avant qu’il ne trouve l’anneau. Il est sans cesse torturé par ses passions, ses envies, ses fantasmes et sa propre folie, tous attachés à l’Anneau. Il devient ainsi peut-être le plus beau personnage du film, touchant, inspirant la compassion. Il livre aussi probablement la plus belle scène, où sa schizophrénie mise en avant, il se parle à lui-même, montrant ainsi sa lutte intérieure, dans une sublime leçon de cinéma. Sa représentation en images de synthèse est aussi un des plus beaux triomphes du film. Crédible et peut-être profondément aussi humain qu’on peut l’être, Gollum est merveilleusement servi et mis en avant.
L’esprit de Tolkien ne cesse d’attiser le plus beau des souffles épiques. Ne serait-il pas fier de la représentation de son œuvre sur grand écran? La ruine des peuples, la chute d’une époque, le chaos et le génocide sont au centre des Deux Tours où les luttes pour le pouvoir prennent des chemins qui font froid et qui rappellent d’autres sombres heures plus réelles. Rarement l’esprit de la guerre, la peur du combat, la souffrance et la confusion dans la bataille auront été mieux transmises à l’écran. Même les films les plus réalistes ne parvinrent pas à montrer tout cela. Il est même probable que le film va parfois plus loin que ce que Tolkien désirait montrer. L’auteur avouait qu’il ne souhaitait pas donner à son œuvre une quelconque ambition idéologique. Toutefois le film semble, à travers certaines séquences, certains dispositifs plus ou moins cachés, vouloir prôner l’entente et la paix entre les peuples variés qui vivent sur une même Terre. Simplement parce que le sort d’un peuple peut finir par affecter celui des autres. Cette idée de communion et de respect de la nature, des autres, en opposition à l’individualisme et l’industrialisation de Saroumane illustre parfaitement le propos du film.
La façon dont Peter Jackson raconte son histoire force une fois de plus le respect. Elaguant aux deux extrémités de l’histoire originale, l'aventure est centrée autour des événements principaux. Dès le premier plan, surprenant, l’introduction subtile, le film semble battit comme une entreprise aboutie avec la plus grande des rigueurs. L’histoire s’enfonce dans un climat de plus en plus sombre à mesure que des heures tragiques s’annoncent. Traversé par de pures fulgurances d’un absolu cinématographique, dirigé et monté de main de maître, le film devient parfait dans ses moments de bravoure. Contrairement à Harry Potter, le film n’est pas ici une transposition trop fidèle, c’est avant tout le regard d’un auteur, un vrai, qui domine la Terre du Milieu comme l’œil de Sauron. Peter Jackson, cinéaste génial, réussit à vaincre les innombrables obstacles que la production d’un seul film de ce genre aurait dressé sur sa route. Le montage permet de passer d’un personnage à un autre de façon naturelle, sans que le film paraisse construit en plusieurs blocs trop distincts. Ici tout s’enchaîne dans une fluidité impeccable, laissant la part belle à tous ces acteurs littéralement habités par leurs rôles.
Plus grand, plus ambitieux, plus beau, plus palpitant. Des camions de superlatifs ne suffiraient pas à définir l’excellence de ce film, bijou serti de diamants de cinéma, tant on touche là à la nature propre de la narration. Peter Jackson ne peut qu’être sanctifié pour être parvenu à rendre hommage de si belle façon à l’œuvre de Tolkien. Les Deux Tours, chef-d’œuvre de fin d’année ouvre les vannes de l’imaginaire et montre qu’il est possible de montrer sur grand écran tout ce qu’une personne aura jamais osé rêvé un jour. Il suffit d’y mettre les moyens, le temps et surtout le talent. De ce fait, on en sortira émerveillé et impatient de retourner vivre sur la Terre du Milieu. Pour cela, il faudra attendre décembre 2003 et la sortie du Retour du Roi. Toutefois une petite voix se réveillera aussi en nous, implorant: et après? De quoi rêverons-nous?
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Les hurlements des orcs lors de la bataille du gouffre de l’Helm ont été produits par 25000 fans de crickets dans un stade, dirigés par Peter Jackson lui-même. Des rumeurs persistantes firent état qu’après le 11 septembre, le film ne s’appellerait plus Les Deux Tours. Rumeurs démenties par Peter Jackson, arguant que s’ils faisaient cela, les fans le tueraient. Suite au succès de La Communauté de l’Anneau, New Line accepta de débloquer quelques crédits supplémentaires afin que Peter Jackson puisse tourner quelques séquences supplémentaires ou en améliorer d’autres pour les deux films suivants.