Seigneur des anneaux : Le Retour du Roi (Le)
The Return of the King
États-Unis, 2003
De Peter Jackson
Scénario : Philippa Boyens, Peter Jackson, Fran Walsh
Avec : Sean Astin, Orlando Bloom, Billy Boyd, Ian McKellen, Viggo Mortensen, John Rhys-Davies, Andy Serkis, Elijah Wood
Durée : 3h20
Sortie : 17/12/2003
Alors que Frodon, Sam et Gollum s'approchent des terres empoisonnées du Mordor pour détruire l'Anneau, Aragorn tente de rallier les peuples des Hommes pour contrer Sauron. Le danger s'alimente de dissension et le temps presse avant que les armées du mal ne lancent l'assaut final sur Minas Tirith, la cité des Rois du Gondor.
HAIL TO THE VICTORIOUS DEADS
Le Roi est de retour. D'un regard, Aragorn surplombe le champ de bataille. D'une voix forte et claire, il enflamme les troupes qui ont eu la folie de le suivre. Il embrasse le chemin parcouru depuis les versants paisibles de la Comté jusqu'aux contreforts du Mordor où les fils des destins se démêlent. L'univers est sur le point d'être déchiré par une dernière grande guerre du bien contre le mal qui doit voir l'extinction d'un clan ou d'un autre. Le passage vers la lumière ou l'effondrement dans l'obscurantisme. De ce tissu dramaturgique simple, Peter Jackson est parvenu lors de La Communauté de l’Anneau et Les Deux Tours à décanter la substantifique moelle de la narration homérique. Une histoire claire d'où jaillissent les faisceaux d'une infinie – et parfois confuse – complexité. C'est carte des lieux en main que l'on comprend mieux cet univers si éloigné et pourtant si proche du nôtre. Pour le Retour du Roi le nouveau maître du cinéma s'est fixé l'honnête tâche de réussir le meilleur des trois films, une apothéose finale, la gloire de toutes les gloires. La justification des larmes et de la souffrance. C'est dans un long dénouement aux accents de chant du cygne, que la trilogie trouve ses moments les plus forts. Le réalisateur a su fixer les plans les plus majestueux sur pellicule. Théoricien du chaos, il organise le désordre pour en extraire un ouvrage tâché par la boue mais touché par la grâce.
SAURON STRIKES BACK
En dépit des inévitables petites longueurs, situées au début du film, qui incarnent l'attente et le doute avant la bataille, et de quelques effets spéciaux imparfaits, Peter Jackson empoigne son idéal de cinéma pour ne plus le lâcher. Nul doute que lui-même ne pouvait imaginer meilleure conclusion à son pari impossible. Nul doute également que l'incertitude a souvent dû l'étreindre au cours des sept années de production. Arrivé au terme de sa propre quête, il livre le meilleur des chapitres, équilibre idéal et rare entre des personnages nombreux et bien servis – pour la plupart, car certains sont malheureusement parfois en retrait – et des scènes de bravoure à la virtuosité visuelle démesurée. Pour cela, la séquence du Chemin des Morts est probablement l'une des plus singulières de la trilogie. Sûr de lui, Peter Jackson a su utiliser à bon escient des références intelligentes aux films de ses illustres prédécesseurs et modèles. De Star Wars à Evil Dead en passant par Indiana Jones, le spectacle est parsemé de moments évoquant ses pairs. Mieux encore, il crée lui-même des icônes visuelles qui iront rejoindre les canons du genre dans le panthéon du cinéma épique. L'art du montage alternant entre les très nombreux personnages parvient cette fois-ci à maturité – après les plâtres essuyés par le précédent volet. La tension et les enjeux de chacun sont clairs et finissent par se fondre en un seul et même but: la destruction de l'Anneau Unique ou sa préservation, selon le camp.
BLUE HARVESTER
Prolongeant sa volonté de dépoussiérer quelques thèmes de l'œuvre de Tolkien, Jackson établit ses propres codes et ses propres transgressions de l'ordre. Là où Tolkien était distant avec les personnages féminins, il offre aux rares prétendantes un tremplin qu'elles n'hésitent pas à emprunter. Tout particulièrement Eowyn, femme courage refusant l'oppression, qui hérite d'un des plus beaux moments du film lors de sa confrontation tant attendue avec le Roi-sorcier. Jackson appuie aussi un peu plus sur la cruauté et la brutalité de la guerre – motif qu'il avait déjà fortement esquissé lors des Deux Tours. La Terre du Milieu est, selon lui, tout aussi réelle que notre propre Terre et tous les événements y sont aussi douloureux et/ou joyeux. C'est ce premier degré, cette foi en la Création du démiurge Tolkien qui finit par passer la patine de l'authenticité. Le moindre élément a une finalité, une logique, un sens et une fonctionnalité, depuis un tatouage elfique jusqu'aux plaques d'armure d'un soldat orque ou humain. On a beaucoup comparé Peter Jackson à un Hobbit en raison de ses lignes rebondies. Rendons-lui alors justice: le rôle du mage Gandalf ou du Roi-guerrier Aragorn serait plus approprié. Durant sept années il a dirigé une armée d'artistes divers, les galvanisant pour qu'ils le suivent dans leurs derniers retranchements. Au-delà de la fatigue ou de la lassitude, des hommes et des femmes se sont battus pour faire revivre l'épopée de Tolkien. Une guerre en miniature certes, mais hantée par de longues batailles, des sacrifices et des choix difficiles pour remettre au public l'œuvre la plus gigantesque – prosaïquement parlant – jamais imaginée.
THE LORD OF THE RHYMES
A l'heure où les lumières du cinéma s'éteignent, le bilan s'impose. Après le cuisant échec Matrix, il est indéniable que Le Seigneur des Anneaux est l'œuvre d'une équipe modeste, intelligente, vaillante et forte (il serait abusif d'oublier Fran Walsh, la compagne de Peter Jackson, et leur collaboratrice Philippa Boyens). Trois films où suinte l'amour du cinéma, du travail bien fait, artisanal. Un labeur d'adaptation courageux à partir d'un matériau considérable, dense et réputé impénétrable. Accompagné par une direction d'acteurs admirable, Peter Jackson a su, si l'on omet quelques sporadiques et inévitables fautes de goût, tirer le meilleur de chacun pour inscrire inconsciemment une page du cinéma. Cherchant tant bien que mal à recréer la nostalgie d'une époque révolue, le réalisateur peut clore tranquillement son chapitre sur la Terre du Milieu. La force de sa vision n'a pas fléchi. La tristesse d'un exil forcé, loin de ce pays étrange et familier, perdurera. Notre rêve est désormais un bel orphelin repu.
En savoir plus
A l'instar des Deux Tours, le Retour du Roi s'est vu allouer un budget supplémentaire afin de tourner de nouvelles scènes ou en améliorer d'autres, proposant ainsi un spectacle de qualité supérieure.
Dans un souci de rééquilibrage de l'intrigue, la partie incluant Arachne s'est vue transférée de la fin des Deux Tours au début du Retour du Roi (Peter Jackson estimant qu'il n'arrivait que peu de choses à Frodon et Sam dans le troisième livre).