Olivier Assayas

Olivier Assayas
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Réalisateur, Scénario
France

Diplômé des Beaux-Arts, scénariste méticuleux, Olivier Assayas cultive l’image d’un metteur en scène discret, attentif aux acteurs et aux circonvolutions du temps. Un écrivain et un plasticien, s’aidant de la pellicule comme toile expérimentale. Ancien rédacteur des Cahiers du cinéma (1980-1985), il est lui-même victime des étiquettes distribuées à la hâte: cinéma parisianiste, nombriliste, frappé du syndrome un appartement-une lampe-deux chaises. Vision réductrice et faussée, l’affaire se perd vite dans un tiroir. Faux film de genre, mais vraie cure de jouvence, tournée aux quatre coins du monde, Demonlover bouscule les conventions et remet en question une certaine idée du cinéma d’auteur français, à l’instar de Trouble Every Day de Claire Denis, Irréversible de Gaspar Noé ou Sombre de Philippe Gandrieux.

L'AGE DES POSSIBLES

De Désordre à Demonlover, le parcours agité d’Olivier Assayas éclaire à la fois sur le peintre et le littéraire, deux versants complémentaires de son travail. Refusant le statut de cinéphile, Assayas conçoit la caméra comme une extension du pinceau, un outil capable de saisir les correspondances entre les sons, les couleurs, les lumières et les corps. Assayas avoue non pas un intérêt pour le cinéma en lui-même, son histoire ou sa connaissance encyclopédique, mais les enjeux plastiques qu’il inspire, les mutations qu’il traverse. Son idéal: un cinéma "cubiste" où toutes les facettes d’une même situation seraient montrées. Influencé par la lecture de Proust, Assayas questionne un réel mouvant, éclaté, et ouvre un champ infini de possibles. Dans Paris s’éveille, Louise, lassée d’une existence précaire, passe de bras en bras sans se soucier des conséquences de ses actes. Irma Vep décrit un tournage chaotique, où une actrice hong-kongaise perdue à Paris, tente de cerner les rivalités, les intrigues qui se trament autour d’elle. Tandis que les regards et les désirs convergent vers elle, Maggie Cheung observe ce remue-ménage d’un air espiègle. Fin août, début septembre suit les trajectoires simultanées de plusieurs personnages - amis, époux, amants -. La réalité filmée n’est jamais univoque, sa perception est toujours elliptique, brouillée par plusieurs points de vue.

LE GRAND SAUT

L’œuvre d’Olivier Assayas n’est pas seulement moderne, en prise avec son temps, elle se réinvente film après film, par réajustements légers ou grandes enjambées. Les Destinées sentimentales et Demonlover, ses deux paris les plus audacieux, empruntent chacun une direction opposée: le deuil, la mémoire, l’héritage pour le premier, la surface, l’éphémère et la vitesse pour le second. Situés dans deux époques distinctes, l’un et l’autre manifestent un intérêt pour la matière: la fabrication de la porcelaine ou le graphisme des jeux vidéo. Détails guère étonnants; les arts plastiques ont profondément marqué son adolescence. Le dessin de Joseph Beuys dans Fin août, début septembre et le tableau du Caravage dans L’Eau froide dépassent le simple accessoire pour servir de médiateurs. C’est pourtant l’écriture qui l’amène vers le cinéma. A vingt ans, Olivier Assayas assiste son père, alors co-scénariste de la série Maigret, et rédige lui-même trois scripts. Ses ambitions se heurtent aux méthodes périmées des équipes de tournage, produisant à la chaîne des histoires insipides. Ses premiers courts métrages lui donnent l’opportunité d’écrire pour Les Cahiers du cinéma dirigés par Serge Daney. Renonçant à entrer dans une école de cinéma, Assayas complète sa formation par une phase réflexive sur la création.

LE TEMPS RETR0UVE

En 1985, il collabore avec André Téchiné au scénario de Rendez-vous et le retrouve l’année suivante pour Le Lieu du crime. La rencontre est déterminante. Assayas fait l’apprentissage d’une écriture de l’épure, non plus asservie à une histoire, mais fondée sur des relations humaines, des interactions. L’interactivité trouve d’ailleurs son paroxysme dans Demonlover où les individus, bourreaux ou victimes, sont avalés par les écrans et soumis au règne des apparences. Noyés dans leurs contradictions, les personnages revendiquent leur part d’ombre. L’incident prime sur l’événement, les courbes et les détours sont préférés aux lignes droites. Dans Désordre, le meurtre initial est relégué à l’arrière-plan pour explorer des pistes secondaires. Les fondus au noir et les sauts temporels de Fin août, début septembre laissent plus d’autonomie aux personnages, confrontés à des choix professionnels et sentimentaux. Scénariste de ses propres films, Assayas rejette les structures figées et accorde une grande liberté à ses acteurs qui seuls décident des intonations, des poses et des déplacements nécessaires. Mélodieux, affûtés, les dialogues rythment le montage; la mise en scène se plie aux exigences du texte et des acteurs. Imprévisible et volatile, la caméra se promène d’un lieu et d’un visage à l’autre. L’Eau froide révèle Virginie Ledoyen, Fin août, début septembre offre un nouveau rebond à la carrière de François Cluzet.

SUR LE FIL

L’Enfant de l’hiver, Désordre, Fin août, début septembre, Une nouvelle vie… Les titres renvoient eux-mêmes à une période transitoire et instable. Couvrant trois décennies, Les Destinées sentimentales ressuscite un monde en plein bouleversement. Les premiers films d’Assayas dessinent une jeunesse tâtonnante, déracinée, résistant au conformisme et en rupture avec la société. Christine et Gilles bravent les interdictions et fuient l’autorité parentale (L’Eau froide). Adrien rend visite à un père alcoolique, avant d’être rattrapé par la justice (Paris s’éveille). Tina part à la recherche d’un père qu’elle n’a jamais connue et croise en chemin une demi-sœur (L’Enfant de l’hiver). Assayas accompagne des personnages en déséquilibre, dont la fragilité et le caractère versatile répondent aux mouvements alertes de la caméra. Fin août, début septembre marque la fin d’un cycle, l’entrée dans l’âge adulte et la vie active. Des trentenaires indécis s’interrogent sur leurs idéaux et leurs responsabilités. Un groupe d’amis gravite autour d’un écrivain malade. Découpé en six chapitres, le film entremêle les relations houleuses entre Gabriel et Anne et la passion insatisfaite d’Adrien pour Vera. Les générations se confondent, l’art, la vie, la mort interfèrent. La mise en scène imite les entrelacs du récit et ne trouve aucun point d’ancrage.

LA CONFUSION DES GENRES

Les références littéraires et musicales balisent toute l’œuvre d’Olivier Assayas. Fin août, début septembre s’intitule à l’origine Les Regrets en clin d’œil à Du Bellay. Le cinéaste avoue une parenté entre Anne et l’Albertine de Proust. Les Destinées sentimentales est l’adaptation du roman éponyme de Jacques Chardonne. Pendant qu’il participe aux Cahiers du cinéma, Assayas rédige un Eloge à Kenneth Anger, fait paraître une Conversation avec Bergman et un hors-série précieux sur l’industrie du cinéma à Hong-Kong en 1984. Le premier du genre. Lors de son escale, il découvre l’œuvre de Hou Hsiao-Hsien et signe, quatorze ans plus tard, un portrait du maître. Assayas ne cache pas sa curiosité pour l’Asie et lie amitié avec Edward Yang, le réalisateur de Yi Yi. C’est par son intermédiaire que Virginie Ledoyen jouera dans Mahjong (resté inédit en France). Libre variation sur les Vampires de Louis Feuillade, Irma Vep insère des extraits d’un film de Johnnie To, Heroic Trio, et invite la star hong-kongaise Maggie Cheung à y jouer son propre rôle. Alors que son frère Michka publie un dictionnaire du rock en 2000, Olivier Assayas engage Sonic Youth pour Demonlover et Hope Sandoval pour Clean. La musique qui parcourt ses films? John Cale, Janis Joplin, Bob Dylan, Nico, Ali Farka Touré, Goldfrapp, Silver Mount Zion, Death in Vegas... Olivier Assayas est décidément un homme de goût.

par Danielle Chou

En savoir plus

2007 Boarding Gate 2004 Clean

2002 Demonlover

2000 Les Destinées sentimentales

1998 Fin août, début septembre

1996 Irma Vep

1994 L’Eau froide

1993 Une nouvelle vie

1991 Paris s’éveille

1989 L’Enfant de l’hiver

1986 Désordre

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