Demonlover

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Demonlover
France, 2002
De Olivier Assayas
Scénario : Olivier Assayas
Avec : Charles Berling, Gina Gershon, Connie Nielsen, Chloë Sevigny
Photo : Denis Lenoir
Musique : Sonic youth
Durée : 2h09
Sortie : 06/11/2002
Note FilmDeCulte : *****-
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Deux sociétés concurrentes, Mangatronics et Demonvoler, tentent de racheter les droits de diffusion des hentaï, films d’animation pornographiques produits par TokyoAnime. Employée du groupe Henri-Pierre Volf, nouvel acquéreur de TokyoAnime, Diane défend secrètement les intérêts de Mangatronics pour nuire à ceux de Demonlover.

Copieusement sifflé à Cannes, Demonlover n’en demeure pas moins un ovni filmique beau et trouble, dont l’impact visuel prend vite le pas sur le récit d’espionnage. L’accroche rusée appartient aux nombreux trompe-l’œil du film; Demonlover s’inspire du cinéma de genre pour mieux le désosser et faire tourner la tête à ses détracteurs. Résolument moderne, la dernière œuvre d’Olivier Assayas se désolidarise de ses aînés. Après Les Destinées sentimentales et son immersion inattendue dans la fresque en costumes, le cinéaste s’empare de nouveaux thèmes dans l’air du temps: l’angoisse high-tech et la violence sourde des milieux d’affaire, relevés par un soupçon d’érotisme virtuel. Entrepreneurs véreux, espionnes et secrétaires hypnotisent leurs proies dans un monde clinquant, bavard et obscène. Partout, les mêmes signes extérieurs de richesse: première classe, limousines, hôtels de luxe, casting tiré à quatre épingles. L’appât du gain et la fièvre consommatrice installent un sentiment d’urgence. Comme ses personnages, Demonlover revendique sa superficialité et déploie avec désinvolture ses stratégies de séduction. Le film s’ouvre à la manière d’un thriller classique avant de saborder sa propre narration. Les masques se décomposent, tandis que Diane perd pied avec la réalité et entre dans une fiction tortueuse et souterraine.

Que voit-on dans Demonlover? Des opérations financières, des conflits de bureau stériles, balayés par un kaléidoscope d’images hétéroclites –explosions, hentaï, défilés de mode-. Qu’elles soient gratuites ou vulgaires, Assayas ne les juge pas, ne les hiérarchise pas. Omniprésents, ces réseaux inextricables contaminent l’espace et l’imaginaire de Diane jusqu’à exister indépendamment du récit. Demonlover annule les distances par le biais des écrans; les pays traversés ne sont jamais plus que des surfaces interchangeables. Cloîtrée dans une chambre d’hôtel au Japon, la jeune femme sélectionne sur son poste de télévision une chaîne pornographique. Profitant d’une visite dans les ateliers de TokyoAnime, Diane et Hervé regardent sur un moniteur des nymphettes éplorées offertes à des tentacules géantes. Assayas élargit peu à peu son champ d’expérimentation et interroge la fascination -ou la répulsion- que ces images exercent sur son spectateur, la manière dont elles l’interpellent, le flattent, affectent sa sexualité ou influent sur son comportement. L’erreur serait d’assimiler le film à un brûlot contre les méfaits d’Internet. Sur un sujet proche du visionnaire Videodrome de David Cronenberg, Demonlover ne cherche pas à démontrer. Seule la fin prêtera à confusion.

En réponse à l’éclatement de l’histoire, Demonlover revêt une esthétique protéiforme, dense et sophistiquée. Assayas gratte et distord la pellicule, accélère et dilate le temps, confond panoramiques et gros plans, Scope et caméra DV. Sonic Youth travaille en étroite collaboration avec le cinéaste et livre un impressionnant magma sonore de guitares saturées. Envahi d'ordinateurs, de portables, de baies vitrées reflétant des visages désincarnés, l’univers de Demonlover façonne une héroïne à son image. Chasseresse infaillible et redoutée, Diane s'exprime machinalement. L’exactitude de ses gestes et la perfection de ses traits en font une héroïne presque irréelle. La photogénie des actrices n’est pas fortuite. Mais le mystère de Diane reste entier. Absorbée par un environnement qui la dépasse, l’espionne paraît toujours absente, déracinée, déconnectée. A la césure du film, Diane redevient un être de chair capable de sentiments. L’inversion des rapports de force et les éclaboussures de sang la confrontent à une réalité brutale, progressivement gangrenée par le virtuel. A mesure que son personnage gagne en humanité, Demonlover dérive un peu plus vers l’abstraction et ouvre les portes du Hell Fire Club, qui achève de transformer Diane en pur objet de fantasme.

Les fausses pistes et les faux-semblants engendrent un décor hallucinatoire, où réel et virtuel se bousculent sans le moindre intermédiaire. Après une heure d’exposition et de chassés-croisés confus, Demonlover va jusqu’au bout de son exploration sensorielle et de ses excès. L’audace formelle et les étonnantes recherches plastiques provoquent parfois des maladresses et des longueurs, mais le film fascine au-delà du simple discours didactique auquel on tend à le réduire. Assayas projette sa vision d’un monde matérialiste et fluctuant, adouci par le teint diaphane de Connie Nielsen.

par Danielle Chou

En savoir plus

Connie Nielsen

Impériale aux côtés de Russell Crowe dans Gladiator (Ridley Scott, 2000), Connie Nielsen débute sa carrière dans l’inénarrable Par où t'es rentré? On t'a pas vu sortir de Philippe Clair (1984), aux côtés de Jerry Lewis et Jackie Sardou. Globe-trotteuse née au Danemark et parlant sept langues, elle s’installe aux Etats-Unis sur les conseils de Lawrence Kasdan, et se fait remarquer à l’écran dans L’Avocat du diable de Taylor Hackford (1997), Rushmore de Wes Anderson (1998) et Mission to Mars de Brian de Palma (2000). Après Dark Summer de Gregory Marquette, elle est attendue dans deux projets musclés: The Hunted de William Friedkin, avec Tommy Lee Jones et Benicio Del Toro et Basic de John McTiernan, en compagnie de John Travolta et Samuel L. Jackson.

Charles Berling

Enchaînant les tournages avec une belle régularité depuis dix ans, Charles Berling fait une première percée au cinéma avec Petits Arrangements avec les morts de Pascale Ferran (1994) et un rôle furtif dans Nelly et Monsieur Arnaud de Claude Sautet (1995). Mais c’est Ridicule de Patrice Leconte (1996) qui le révèle au grand public et enclenche le starter. On l’a vu depuis dans deux films d’Anne Fontaine (Nettoyage à sec, 1997 et Comment j’ai tué mon père, 2001), deux films de Raoul Ruiz (La Comédie de l’innocence, 2000 et Les Ames fortes, 2001), deux succès critiques (Ceux qui m’aiment prendront le train de Patrice Chéreau et L’Ennui de Cédric Kahn, 1998) et une comédie estivale (15 août de Patrick Alessandrin, 2001). Cette année, il revient dans Cravate Club de Frédéric Jardin et Filles perdues, cheveux gras de Claude Duty.

Chloë Sevigny

Icône de la presse branchée anglo-saxonne, Chloë Sevigny est l’une des Kids du controversé Larry Clark et l’ex-muse du non moins déroutant Harmony Korine dans Gummo (1997) et Julien Donkey-Boy (1999). Cantonnée aux petits rôles (Une Carte du monde de Scott Elliott (1999) et American Psycho de Mary Harron (2000), elle gagne l’estime de ses pairs avec Les Derniers Jours du disco de Whit Stillman (1998), mais surtout Boys don’t cry de Kimberly Peirce (1999), qui lui vaut une moisson de récompenses. 2003 s’annonce festif: elle sera à l’affiche de Dogville, le nouveau film de Lars Von Trier avec Nicole Kidman, et The Assumption de Sydney Pollack et Walter Salles, aux côtés de Juliette Binoche et Vanessa Redgrave.

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