Mickey Rourke

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Acteur
États-Unis
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Comment passe-t-on du statut d’étoile montante du cinéma américain, d’espoir inattendu de l’Actor’s Studio, à celui de symbole même du gâchis, de has been à la gueule déjantée, en moins d’une décennie? Comment sabre-t-on une carrière commencée sous l’auréole divine de Cimino, Spielberg, Roeg, ou Coppola? Comment reste-t-on dans l’Histoire pour son plus mauvais film, à savoir un pathétique et clipesque métrage pseudo érotique mettant en scène le striptease le plus soft du siècle? A toutes ces questions, il existe une seule réponse: faites comme Mickey Rourke!

JEU DANGEROURKE

A l’image d’un Eric Roberts (frère de Julia), Mickey fait partie de cette génération montante des années 80 supposée faire suite à celle glorieuse des années 70 (avec, à sa tête, Al Pacino et Robert de Niro). Des talents bruts, élevés dans le roc, susceptibles de vampiriser littéralement un script, d’aller chercher les cinéastes les plus à même de faire rebondir leur carrière. Que s’est-il passé? Pourquoi Hollywood leur a-t-elle tourné le dos? Trop peu consensuel, sans doute, trop dangereux, Mickey Rourke ne fera jamais Rain Man. Mickey Rourke n’a jamais joué le jeu des journalistes et de la cité des rêves. Ses choix sont difficiles, son comportement aussi. Ancien boxeur (connu sous le pseudonyme de El Marielito), acteur à la voix angélique, au physique fatigué, au regard hargneux, Rourke est sans aucun doute le plus grand acteur du début des années 80. Un diamant brut, un espoir capable de se renouveler de film en film et de voler la vedette à un Matt Dillon, pourtant premier rôle du somptueux Rumble Fish de Coppola. Après diverses apparitions (dont la première dans le 1941 de Spielberg), il débute réellement dans la somptueuse et dispendieuse Porte du Paradis. "Michael [Cimino] est un putain de cinglé. C’est là tout son problème, il est réellement fou", dira-t-il plus tard d’un cinéaste qu’il retrouvera pourtant à deux reprises. En cinq ans, Rourke tourne avec les plus grands, mais enchaîne les demi-succès, voire les bides: Eureka de Nicholas Roeg, La Fièvre au corps de Lawrence Kasdan, Rumble Fish de Francis Coppola, L’Année du dragon, de nouveau pour Michael Cimino. Ces deux derniers films qui, pourtant, le présentent dans deux personnages radicalement opposés, l’imposent comme un acteur à suivre, l’égal des plus grands.

MICKEY PUE DES PIEDS

Son succès public, Rourke le trouve enfin en 1986. Adaptant un roman minable avec toute la grâce dont on le sait capable, le lamentable Adrian Lyne (Liaison fatale, Flashdance) engage Mickey Rourke dans le rôle d’un séducteur mystérieux emmenant la somptueuse Kim Basinger (autre ex-gloire des eighties) dans un torrent de sensations érotico-cucul la praline. 9 Semaines ½ cartonne dans le monde entier, et impose l’acteur dans un rôle qui ne lui sied guère: celui de sex-symbol. Au demeurant, le couple, qui fonctionne à l’écran, se déteste cordialement, l’actrice n’hésitant pas à l’époque à révéler aux journalistes que Rourke est l’acteur qui embrasse définitivement le plus mal. Jusqu’à la sortie récente de Sin City, 9 Semaines ½ est resté le seul succès du comédien, qui enchaîne alors une collection impressionnante de bides: Angel Heart, pourtant meilleur film d’Alan Parker; Barfly, magnifique composition dans cette semi-autobiographie de Charles Bukowski; L’Irlandais, Johnny belle gueule, etc. Rourke creuse sa tombe… et ferme le couvercle avec ce qu’il croit être sa grande œuvre: Homeboy. Ce film, tiré de sa propre expérience de boxeur, il y met tout son cœur, toute sa hargne, il y croit dur comme fer. Malheureusement, incroyablement bancal, porté cependant par la musique magnifique de Clapton, Homeboy est un ratage, certes attachant, mais qui sombre dans les profondeurs du box-office, et se retrouve aujourd’hui en DVD à 1€ dans les solderies. Hollywood se fout de sa gueule et lui tourne le dos. Lui n’a d’autre choix que de se tourner vers Zalman King, scénariste de 9 Semaines ½ justement. A partir de là, la carrière de Rourke prend un nouveau tournant: il a besoin urgemment d’un succès, il le sait, accepte des sommes folles pour L’Orchidée sauvage (et ses scènes de sexe non simulées), Harley Davidson and the Marlboro Man, ou Sables mortels et multiplie à peu près en même temps les propos racistes sur John Singleton ou Spike Lee (qui, en retour, lui reprochera de "puer des pieds, de rouler sans casque, et de dire des conneries"), dont il juge les films responsables des émeutes de Los Angeles. Entré dans le cinéma par la grande porte, il en est vite refoulé par le vide-ordures.

MICKEY 2D

La décennie qui suit voit l’acteur progressivement oublié et mis au banc d’Hollywood. Ses rares films ne sortent plus, si ce n’est en vidéo (F.T.W. ou Bullet), et Mickey Rourke retourne d’où il vient: la boxe. Il pratique d’abord avec sa femme Carré Otis (L’Orchidée sauvage), qu’il envoie plusieurs fois à l’hôpital, puis sur des boxeurs professionnels. Une douzaine de matchs, autant de défaites selon la légende… Sauf que la légende, pour une fois, est fausse, puisqu’il s’avère que Rourke est un excellent boxeur et n’a subi aucune défaite durant cette période. Malgré son talent, il est sérieusement amoché plusieurs fois, au point que son visage en devient méconnaissable: les yeux tombant, les lèvres pendantes, les pommettes cassées, la tête de Rourke est un exemple unique dans les anales hollywoodiennes: un acteur passe du statut de sex-symbol à celui de duplicata raté de Quasimodo. Au même moment, il en profite également pour se faire soutirer plusieurs millions de dollars par un Français spécialiste de l’arnaque, et pour sortir quelques commentaires savoureux qui font la une des journaux: "Ce que je ne veux pas chez une femme? La même chose que lorsque j’achète un cheval, un cou trop long et des jambes trop courtes". Pas de doute, Mickey fait peur, les réalisateurs n’en veulent plus, ils le savent capable de débarquer sur un tournage avec toute sa bande de Hell’s Angels (il l’a déjà fait)! Il finit par s’en rendre compte, fait profil bas, consulte un psy, se remet peu à peu dans le bain. "J’ai perdu ma femme, ma maison, ma crédibilité, mes amis… J’ai perdu mon âme. J’accepte tout ça aujourd’hui, mais quand ça m’est arrivé… La seule chose que je pouvais me payer, c’était un psy. Alors j’y ai mis tout mon argent: trois fois par semaine les deux premières années… Je n’ai loupé que deux rendez-vous en six ans". Il ajoute: "Je pensais que mon talent compenserait mon manque de communication. Je veux me donner à 100% cette fois. Je demande juste une seconde chance".

RESALUT LES MICKEYS

Cette seconde chance, c’est tout d’abord Tsui Hark qui la lui donne, dans le semi-parodique Double Team. Un rôle de méchant, un vrai, dans lequel Rourke insuffle une part d’humanité. Stamos est un terroriste, certes, mais un terroriste qui pleure la mort de son fils. A partir de là, et malgré l’échec sans appel du film, l’acteur enchaîne les petits rôles, modestement, mais sûrement. Son retour est proche, mais il patiente, agrémentant sa filmographie de noms prestigieux: Coppola (L’Idéaliste), Vincent Gallo (Buffalo '66), Terence Malick (La Ligne rouge), Sean Penn (The Pledge)… Il retente l’aventure érotique avec Love in Paris, suite incroyable de médiocrité à 9 Semaines ½, joue de nouveau un méchant dans Get Carter, cette fois face à Stallone. Manque de chance, le film est pitoyable, et l’affrontement entre les deux stars donne un magma incompréhensible de plans foireux. Rourke enchaîne deux films par an, il existe de nouveau aux yeux des producteurs, mais le public ne le reconnaît pas encore… Jusqu’en 2003, année de son vrai retour. Il tourne dans Il était une fois au Mexique (demi-succès), Man on Fire (succès) et, surtout, dans Sin City, pour lequel il est en haut de l’affiche. Robert Rodriguez, Tony Scott, deux membres de la bande Tarantino, cinéaste qui justement avait pour souhait de relancer la carrière de l’acteur. L’avenir aujourd’hui? Serein. Adulé par toute une nouvelle génération d’acteurs (parmi lesquels Johnny Depp), il revient dans un rôle important de Domino de Tony Scott, tourne sous peu la suite de Sin City, donne sa voix à quelques jeux vidéo, se balade dans les rues de Sancerre dans des fringues de cuir… Il est libre, Mickey! Y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler.

par Anthony Sitruk

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