Il était une fois au Mexique

Il était une fois au Mexique
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Il était une fois au Mexique
Once upon a Time in Mexico
États-Unis, 2003
De Robert Rodriguez
Scénario : Robert Rodriguez
Avec : Antonio Banderas, Rubén Blades, Willem Dafoe, Johnny Depp, Salma Hayek, Mickey Rourke
Durée : 1h40
Sortie : 22/10/2003
Note FilmDeCulte : ***---

Le Mariachi - ce mystérieux justicier mexicain, aussi habile à la guitare qu’aux pistoleros - s’est retiré après une nouvelle tragédie. Face aux menaces du cartel de renverser l’actuel gouvernement, il est contraint de reprendre les armes, et de suivre les instructions de l’énigmatique Sands.

ARE YOU A MEXICAN, OR A MEXICAN’T?

Si vous êtes de nature attentive, peut-être aurez-vous remarqué que Robert Rodriguez signe ici, et comme à son habitude, la quasi-totalité du générique de son nom. Cumulant non sans effort les postes de réalisateur, auteur, producteur, monteur, chef-opérateur, compositeur, mixeur etc. (!), Rodriguez prouve une fois de plus son abnégation, et l’étendue de son talent. Au risque bien évidemment de s’attirer les foudres des syndicats professionnels, qui ne supportent rien de moins qu’un marginal de son type puisse ainsi se complaire à chambouler l’ordre établi (voir à ce sujet le très intéressant Full Tilt Boogie, making of officiel d’Une Nuit en enfer). Au risque également de relever ici ou là dans la presse, des remarques acerbes du genre: "Un film écrit, réalisé, monté, mixé et vu par Robert Rodriguez"… Car à force de vouloir se démultiplier, il pourrait s’essouffler, et le public se lasser. Jugé prétentieux et mégalomane par beaucoup, Rodriguez est tout simplement un self-made man talentueux et économe, soucieux de divertir un public qui partage les mêmes références que lui. Cet homme-orchestre, féru de technique et de bande-dessinée, et auteur d’un premier long-métrage en 16mm à seulement vingt-trois ans (El Mariachi, et ce pour une somme dérisoire, environ 7000 dollars), clôt ici sa trilogie mexicaine amorcée il y a maintenant plus de dix ans.

SHOW ME THE MONEY

Dix ans pendant lesquels il a fait montre d’une faculté exemplaire à réaliser des films d’action pour le tiers de ce qu’ils auraient probablement coûté aux Etats-Unis. Une caractéristique qui a favorisé - plus que son talent de mise en scène pure - sa rapide ascension au sein du système hollywoodien. Pour les studios, Rodriguez est non seulement rentable à coup sûr, mais aussi largement profitable. Une qualité à double tranchant, puisqu’à force d’économiser à outrance, le metteur en scène a fini par appauvrir l’esthétique de ses films (notamment son autre trilogie, pour les enfants, Spy Kids, dont le troisième et dernier opus sortira bientôt) et à s’enfermer dans le côté cheap et fauché – même si parfaitement assumé - de ses précédents films (Desperado, Une Nuit en enfer et The Faculty restent des petits budgets, malgré leur réussite). Il était une fois au Mexique respire une autre ambition: celle de montrer l’argent à l’image, non plus seulement dans les scènes d’action, mais aussi davantage dans les décors (moins carton-pâte, plus vastes, plus couleur mexicaine), et la profusion des figurants, bien plus crédible que les deux cascadeurs qui se battaient en duel dans les précédents Mariachi. Rodriguez se montre donc plus généreux qu’à l’accoutumée, pour le meilleur comme pour le pire.

SHOOT THE COOK

Au cinéma "pop-corn" américain, Rodriguez propose une alternative mexicaine: le cinéma "tequila". Scènes d’action surmultipliées, explosions excessives, flot ininterrompu d’hommes de main sortis de nulle part, tombant comme des mouches dans l’indifférence générale. Relégués à de vulgaires zombies sans âme, ces derniers semblent tout droit sortis de San Ku Kaï. Mais le héros, bien sûr, reste intouchable. Là où Banderas accumulait blessures rougissantes et cicatrices dans Desperado, renforçant l’identification – ou tout du moins maintenant une tension fonctionnelle - il s’en sort ici sans l’ombre d’une mise en danger ou de la moindre égratignure. Difficile à avaler vu le nombre de ses assaillants, la taille de leurs armes automatiques et la fréquence de leurs attaques. Une violence gratuite et puérile qui réduit bêtement le film à un imbroglio regrettable, sans l’humour décalé de son prédécesseur, et qui peut rapidement devenir indigeste pour les spectateurs réfractaires. Mais le film possède une indéniable richesse picturale. Auteur émérite de bandes dessinées (récompensé aux Etats-Unis comme au Mexique), l’habile créateur du Mariachi trouve des angles de caméra inédits et astucieux, sculpturalement compassés à la manière de ses vignettes crayonnées. Le support HD Cam apporte également une texture inédite et confère à la photo du film de superbes teintes orangées.

IL ETAIT UNE FOIS LA REVOLUTION

Graphiquement riche et généreux, le film souffre néanmoins d’une lourdeur déplaisante – autre que l’emphase des fusillades – profondément liée aux multiples intrigues et personnages. Singeant les ambitions du Bon, la brute et le truand de Leone – une course au trésor en pleine guerre de Sécession - Rodriguez place sa légende du Mariachi à l’intérieur de l’écrin mythique d’une guerre civile mexicaine. Bonne initiative à priori, malheureusement désamorcée par le sérieux du traitement, qui confine le plus souvent au saugrenu. Perdu entre deux volontés – fresque ambitieuse ou série B d’action – Rodriguez se mord la queue en faisant le remake, en moins bien, d’un grand nombre de séquences ravies aux deux premiers volets. Reste un casting aussi riche et foldingue que celui d’Une Nuit en enfer. Banderas déporté au second plan, sont donc accueillis avec une certaine perplexité Eva Mendes en flic de choc, Enrique Iglesias en mariachi de soutien, Willem Dafoe en chef du cartel, Mickey Rourke en homme de main porteur de chien nain, Rubén Blades en ex-agent du FBI, et enfin le très attendu Johnny Depp en agent corrompu de la CIA. Si les deux premiers sont parfaitement dispensables, les deux suivants sont plutôt bons (même si relativement anecdotiques). Seuls le solide Blades et l’excentrique Depp (dans la veine de son Jack Sparrow) réussissent à tirer leur épingle du jeu et pimenter le film. El Mariachi avait les idées, Desperado les tripes; celui-ci a plus d'argent, mais également moins de fraîcheur.

par Yannick Vély

En savoir plus

Sur les fiches promotionnelles, Il était une fois au Mexique devient Desperado 2 pour le grand public. On pourrait tout aussi bien l’intituler El Mariachi 3, puisque qu'il est un remake officieux de Desperado, lui-même un remake avoué d’El Mariachi… Le titre fait évidemment référence à Sergio Leone (Il était une fois dans l’Ouestla révolutionen Amérique). L’idée est venue sur le tournage de Desperado. Quentin Tarantino, invité pour y faire un caméo, plaisanta sur le fait que Rodriguez était en train de réaliser sa propre trilogie sur le Mexique, à la manière de Leone (Pour une poignée de dollars, Pour quelques dollars de plus et Le Bon, la brute et le truand).

Ce nouveau film de Rodriguez est une belle occasion de retrouver toute une galerie d’habitués: Banderas bien sûr, repéré par Spielberg dans Desperado pour interpréter plus tard le rôle de Zorro; Cheech Marin, inoubliable rabatteur du Titty Twister d’Une Nuit en enfer et barman de Desperado; le toujours impressionnant Danny Trejo; et l’ensorcelante Salma Hayek, rendue célèbre par son rôle de Santanico Pandemonium, mais cantonnée ici à un flash-back à rallonge.

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