Harley Davidson and the Marlboro Man
Harley Davidson and the Marlboro Man
États-Unis, 1991
De Simon Wincer
Scénario : Don Michael Paul
Avec : Daniel Baldwin, Tia Carrere, Chelsea Field, Don Johnson, Mickey Rourke, Tom Sizemore
Photo : David Eggby
Musique : Basil Poledouris
Durée : 1h38
Dans un futur proche, deux héros marginaux, cow-boys sur le retour, organisent un hold-up pour sauver de la faillite le bar dans lequel ils ont été élevés. Malheureusement, les sacs volés se révèlent contenir une nouvelle drogue.
UNE EQUIPE HORS DU COMMUN
Pour imaginer, avant même de l’avoir vu, ce que peut donner un film tel que Harley Davidson and the Marlboro Man (hypocritement sorti en France sous le titre Harley Davidson et l’homme aux santiags), il suffit bien souvent de jeter un coup d’œil à sa fiche technique. Celle-ci est éloquente, et la simple lecture des noms qui la composent titillent déjà les zygomatiques, titillation rapidement suivie par les rires hilares provoqués par la vision même du film. Après un film fantastique sympathique interprété par Robert Powell et David Hemmings (Harlequin) et un gentil nanar inoffensif (D.A.R.Y.L.), Simon Wincer se spécialise dans la réalisation de navets. M. Quigley l’Australien tente maladroitement de surfer sur le succès de Danse avec les loups en mettant en scène Tom Selleck et son vieux fusil. Sauvez Willy booste les entrées des parcs aquatiques où les enfants manquent de se faire bouffer en tentant d’imiter le petit Jesse, tout en se montrant déçus de constater qu’un orque, ça ne fait pas des bonds de huit mètres de haut comme dans le film. Lightning Jack est un obscur nanar inédit en France, dans lequel le cinéaste sert la soupe à sa "vedette" Paul Hogan, qu’il filmera de nouveau quelques années plus tard dans un Crocodile Dundee 3 de sinistre mémoire. Simon Wincer, un réalisateur à suivre, dont la simple évocation du nom constitue une promesse en soi. Heureusement, dans l’opération Harley/Marlboro, il est aidé par une équipe compétente constituée du talentueux scénariste de Mission Alcatraz (avec Steven Seagal), de la productrice avisée de la série Walker Texas Ranger, du chanteur Jon Bon Jovi pour la chanson originale, du chef opérateur David Eggby (Fortress, Scooby-Doo, Virus…), du monteur Corky Ehlers (une flopée de téléfilms, mais aussi Jaws 3)… Autant dire qu’une telle adéquation ne pouvait que réussir et accoucher de la comédie de l’année. Problème, le tout est filmé avec un tel premier degré désuet, une telle sincérité débordante d’émotion, qu’on ne peut qu’être légèrement triste du résultat final. Légèrement. Oui, très légèrement.
SOLEX DAVIDSON AND GITANE MAÏS MAN
Le film fait rire, certes. Il fait également peine à voir. Principalement à cause de ses deux acteurs principaux, ex-gloires des eighties, ex-sex-symbols, ex-acteurs doués, ex-tout ce qu’on veut en fait. Mickey Rourke et Don Johnson. L’Année du dragon et Hot Spot. L’homme qui prend sa femme pour un punching ball, pue sous les bras (selon Spike Lee) et roule sans casque face au beau gosse qui fonce à soixante à l’heure dans les rues de Miami en compagnie de son pote black. Payez-les une fortune, Faites-leur porter des noms à coucher dehors, et observez le résultat: "J’m’appelle Harley… Harley Davidson". Dans la bouche d’un acteur de la trempe de Rourke, capable dans sa période glorieuse de dépasser en intensité et en talent tout ce que l’on avait pu voir auparavant, d’envoyer aux oubliettes les plus grands acteurs américains de l’époque, cette phrase fait mal, mais surtout… cette phrase fait rire. Déstabilisé par l’échec historique de son très personnel et très raté Homeboy, l’acteur n’est plus au moment du tournage le petit génie que le tout Hollywood s’arrache. Lassé, fragilisé par ses propres lubies (son ambition de se lancer dans la boxe), Mickey Rourke n’est plus qu’un clown inapte à faire passer la moindre émotion, sapé comme une pub ambulante. A la rigueur, Don Johnson semble un peu plus conscient du caractère comique de son personnage, vieux cow-boy anachronique aux santiags rafistolés par du scotch. Débitant des lignes de dialogue ahurissantes de crétinerie, commençant systématiquement ses phrases par un laconique "mon vieux disait toujours avant de quitter ce monde pourri…, il parvient néanmoins à de multiples occasions à trouver le ton juste entre le premier et le dix-huitième degré. Il est tout de même triste de voir l'un des plus talentueux héritiers de l’Actor’s Studio se faire "piquer la vedette" (même si tout est relatif dans ce genre de film) par l’interprète de Sonny Crockett! Reste qu’au final, aucun des deux ne peut prétendre à l’Oscar, et que les voir philosopher sur "ce monde pourri" (si, même que c’est le "vieux" de Don qui l’a dit "avant de crever") tout en fumant des cigarettes de marque inconnue (la production n’ayant pas eu la licence de Marlboro) sur des motos elles aussi de marque inconnue (la production n’ayant pas eu non plus la licence de Harley!), est une expérience unique dans la vie d’un cinéphile.
ADIEU MONDE POURRI
Nous sommes dans un futur proche, un futur où la drogue a l'aspect d'une eau de javel bleue, où deux cow-boys sur le retour tentent de philosopher sur la vie, la vieillesse, Dieu, le mal, le bien, où une bagarre de saloon se termine par une accolade des deux adversaires en larmes, où les méchants portent de longs manteaux noirs imperméables aux balles, où les personnages principaux calculent le prix de chaque cartouche utilisée... Nous sommes dans un film hors norme où plus rien n’a de sens mais où tout est pris au premier degré, ce qui élève le tout au statut de nanar intégral aussitôt vu aussitôt culte. Harley Davidson and the Marlboro man, c'est l'assurance d'une poilade absolue dans laquelle rien n'est réussie mais où tout le monde y croit malgré tout, et principalement ses deux acteurs principaux, qui rivalisent du sourcil. Une "œuvre" hallucinante et unique, désuète, presque témoignage de la fin d'une époque, celle des années 80, durant lesquelles de telles choses sortaient sur nos écrans! Les plans sont laids, le scénario est crétin, les couleurs sont criardes, les acteurs sont has been, le montage est mou, les dialogues sont irréels, mais le tout réussit l’exploit d’aboutir à une œuvre certes ratée, mais néanmoins cohérente, que l’on prend un plaisir malsain à découvrir et à revoir. Sorti à la va-vite, crédité de recettes catastrophiques (à peine sept millions de dollars), le film est disponible dans une édition dénuée de tout supplément pour un prix dérisoire. Il serait dommage de s’en priver, les ovnis filmiques étant de nos jours tellement rares.