Over the Top - Le Bras de fer

Over the Top - Le Bras de fer
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A la demande de son ex-femme mourante, Lincoln Hawk, routier et champion de bras de fer, prend sous son aile son fils Michael, qu'il n'a pas vu depuis dix ans. Cuttler, le grand-père de l'enfant, qu'il a élevé, ne voit pas le retour du père d'un très bon oeil, et utilisera tout son pouvoir et sa fortune pour les séparer.

CHAIR A CANNON

"Quand je retourne ma casquette, je fais le vide, je deviens... comme ce camion. Une machine." Cette réplique, sans doute l'une des plus crétines jamais écrites et récitées par un Sylvester Stallone pourtant peu avare dans le genre, résume à elle seule la débilité profonde du projet. Over the Top, Le Bras de fer. Le titre, déjà un gag en soi, sonne le glas dans la carrière d'un étalon italien qui surfe sur le succès depuis quelques années, établissant pas moins de deux nouveaux records au box-office en 1986 avec Rocky IV et Rambo II. Pourtant, fin 86, la sortie et le demi-succès de Cobra avaient déjà légèrement inversé la tendance. Stallone, Ray-Ban et allumette entre les incisives, n'est plus à la mode, il va trop loin, il ne le sait pas encore. Le public, décérébré en cette période du milieu des années 80 (qui voient le triomphe d'oeuvres débilitantes telles que les productions Golan-Globus), est prêt à le suivre dans ses délires anti-soviétiques, mais avec Over the Top, Stallone lui en demande trop. "Je peux d’ores et déjà vous dire que le film est numéro un aux Philippines", affirmera le producteur dans un entretien accordé à Impact. Certes, mais avec 16 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, l'acteur enregistre le plus gros échec de sa carrière (si l'on met de côté les récents D-Tox, et Mafia Love, sortis dans quelques salles), le plus meurtrier aussi, celui dont il mettra des années à se relever, car refusant d'en tirer la moindre leçon. Pourtant tout ne commence pas si mal et Over the Top se présente à la base comme le film du changement: moins de muscles, moins de sueur, Sly veut jouer dans le registre de l'émotion. A la même époque, Arnold Schwarzenegger garde sa chemise dans Le Contrat tandis que Chuck Norris joue un policier banal dans Héros. La mode change, le succès ne se mesure plus au tour de biceps du personnage principal, certains ont senti le vent tourner. Auteur du scénario, Stallone, alors en odeur de sainteté, présente le projet à Menahem Golan, patron de la Cannon, cette boîte de production à l'origine des projets les plus fous des années 80 (King Lear de Jean-Luc Godard, Love Streams de John cassavetes, Runaway Train, L'Invasion vient de Mars, Lifeforce, Les Maîtres de l'univers, ainsi qu'un tas de Shu Kosugi, Michael Dudikoff, Chuck Norris, Van Damme...). Golan, qui décide par ailleurs de mettre en scène le film. Affichant des ambitions démesurées, déboursant des fortunes pour ses stars (Stallone, avec 12 millions de dollars pour Over the Top, devient l'acteur le mieux payé au monde), souhaitant faire de sa boîte une major, Menahem Golan va jusqu'à louer le dernier étage entier du Carlton au Festival de Cannes en 1987. Accumulant une série d'échecs impressionnante, la Cannon coule un an plus tard.

ÇA PUE L'OVER

Ce nouveau scénario, l'acteur le veut différent. Lincoln Hawk (qui devient inexplicablement dans certaines scènes Lincoln Hawkes) ne se bat pas pour la gloire, mais pour gagner un camion et l'amour de son fils Michael (David Mendenhall, sapé comme Glenn Medeiros et proprement insupportable). Pourquoi pas? Le pitch de départ en vaut bien un autre, et certaines scènes sonnent à peu près juste. Mais Over the Top souffre des même syndromes que les précédents films de l'acteur: très ancré dans une période charnière de l'histoire américaine, Stallone tombe dans la caricature au milieu d'un film aux allures trop nettes de série B. Comme dans Rocky III, il roule des mécaniques et gonfle les pectoraux dans le moindre plan. Comme dans Rocky IV, l'émotion se fait pâteuse et trop appuyée, ici renforcée par une musique country (l’insurpassable et indémodable Meet Me Half Way) apposée sur des plans de soleil couchant. Comme dans Rambo II, le personnage de solitaire qui se bat pour reconquérir un idéal finit par lasser. Over the Top devient ainsi une somme de faux pas, une oeuvre paradoxalement presque attachante qui au douzième degré se révèle une mine d'or. Chaque phrase percute, chaque plan fait rire, avec une mention spéciale aux interviews des finalistes du tournoi à voir impérativement en VF ("Quand j'arrive à la table, je me fous de savoir qui est le type en face de moi, il devient juste mon ennemi mortel", "Je veux être le numéro un. Le second, c'est un con..."). Et la pitié que l'on ressent pour un Sly lifté de partout ne peut compenser l'humour persistant et involontaire du produit final. Au demeurant, la fameuse morale du film ("Il faut te battre car le monde ne te fera pas de cadeau. Et si tu perds, alors tu perds, mais avec un moral de vainqueur"), assénée avant un bras de fer entre Michael et un jeune rockeur boutonneux, est elle-même d'une naïveté rarement atteinte. Authentique nanar pas désagréable pour autant (car relativement sincère), réalisé avec un savoir-faire désuet, caviardé de plans à l'esthétique typiquement eighties et très "Mulcahy", Over the Top finit par susciter l'intérêt et remporter l'adhésion tant il génère une certaine nostalgie. Comme les Rocky, le film est relativement rythmé, par moment plutôt bien joué, mais s'est malgré tout pris une veste incroyable auprès d'un public que l'on pensait acquis d'avance. Public que Sly mettra quelques années à reconquérir puisque Rambo III, Rocky V, Haute sécurité, Oscar, Arrête ou ma mère va tirer sont des déceptions au box-office. Seul Tango et Cash parvient à peu près à tirer son épingle du jeu et à rapporter quelques dollars.

SLY, IL A LES BULL

Arrive le fameux tournoi, celui pour lequel des hordes de gamins coiffés d'une casquette bleu marine ont envahi les salles et se sont par la suite pétés le bras dans les cours de récréation. C'est durant ce jeu aux règles bien floues que se joue le noeud de l'intrigue, que Lincoln retrouve l'amour et l'admiration de son fils, et que grand-père Cuttler au bronzage artificiel comprend qu'il a perdu la partie malgré l’aide de son garde du corps à la voix rauque, et que son gendre n'est pas un ringard. Mais tout ça on s'en fout, car les amabilités commencent. On aurait certes aimé que Stallone, les muscles luisants, les avant-bras à fleur de peau, le débardeur hostile, prenne cinq minutes pour coller un pain dans la tête de son con de môme. Mais ce rêve de cinéphile ne verra malheureusement jamais le jour, s'ajoutant à la longue liste des scènes non tournées de l'histoire du cinéma aux côtés de celle fameuse où King Kong se bat contre une araignée géante dans le classique de 1933. Dans le Hilton de Las Vegas, "les plus grands champions sont réunis". Une petite mise en bouche a été donnée en début du film, mais le bras de fer commence véritablement maintenant. Hilare, le spectateur assiste alors à un défilé de sales gueules toutes plus patibulaires les unes que les autres. Enchaînant les matchs (qui durent rarement plus de dix secondes) avec un certain panache, le film fait la part belle à cet authentique champion du monde de bras de fer, le terrifiant Bull Hurley et ses 165kg de masse "musculaire". Bull, c'est LE méchant de l'histoire, le bigger than life censé briser le bras du héros, la crapule devant laquelle même les autres crapules font profil bas, y compris l'impressionnant Grizzli, qui bouffe pourtant des cigares et boit de l'huile de vidange. Bull qui dans un accès de violence pète le nez de Lincoln Hawk sans que l'arbitre ne se manifeste: scène bouleversante d’intensité dramatique, de rage contenue. On sent que Stallone est prêt à tout casser, à sortir la kalachnikov et à la faire crépiter sur la foule de badauds, à dégainer le couteau de G.I. et à le planter dans la carotide de son adversaire aux yeux bleus. Mais Lincoln, il est pas comme ça. Puis son fils le regarde. Alors Lincoln, il retourne sa casquette pour devenir un camion et, au ralenti façon Rocky II, au terme d'un match qui dure 1 minute 15, il se contente de vaincre Bull et de remporter la victoire. Comme disait Balavoine: "Dieu que c'est beau".

par Anthony Sitruk

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