Méprise multiple

Méprise multiple
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Méprise multiple
Chasing Amy
États-Unis, 1997
De Kevin Smith
Scénario : Kevin Smith
Avec : Ben Affleck, Dwight Ewell, Joey Lauren Adams, Jason Mewes, Jason Scott Lee, Kevin Smith
Photo : David Klein
Musique : David Pirner
Durée : 1h51
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Holden McNeil et Banky Edwards, deux amis d’enfance, et créateurs d’une bande dessinée à succès, rencontrent Alyssa Jones, elle aussi dessinatrice, lors d’une convention. Holden tombe amoureux d'Alyssa, mais découvre qu'elle est homosexuelle. Même s’ils deviennent amis, ils finissent par devenir amants. Cette liaison va affecter l’amitié entre Holden et Banky, et la situation s’envenime lorsque Holden apprend le passé d’Alyssa.

LOVE PROFUSION

Quand il ne passe pas son temps à faire le "con" avec son pote Jason Mewes, Kevin Smith écrit sur les autres côtés de la vie et plus précisément sur l’amour ou les relations amoureuses. Le sujet avait été abordé de manière plutôt lisse dans ses deux premiers films, mais pour celui-ci, c’est tous les protagonistes qui se retrouvent à jongler autour d’une histoire de cœur au postulat improbable: la rencontre suivie d'une affolante passion entre un hétéro et une homo, au milieu d’une amitié profonde. La passion, le travail, l’amour, l’amitié, bref, la vie. Après l’échec de Mallrats, Smith vit une relation avec son actrice Joey Lauren Adams. À leur séparation, il décide d’écrire l’histoire de Méprise multiple, inspiré de cette relation, et propose le scénario à la firme Miramax, déjà distributrice de Clerks. Les frères Weinstein acceptent le script mais veulent un casting plus populaire avec David Schwimmer (en pleine gloire grâce à la série Friends) et Drew Barrymore. Smith et Scott Mosier refusent, prétextant que le scénario a été écrit pour d’autres acteurs, et proposent de produire le film de leur côté mais laissent Miramax le distribuer. Après signature du deal, Miramax signe quand même un chèque de 250 000$ pour l’aide au financement du film. Quelques coups de fil plus tard, Smith reprend la caméra et réembauche une partie du cast de Mallrats. Ben Affleck et Jason Lee interprèteront Holden Mc Neil et Banky Edwards, les deux amis co-créateurs de la bande dessiné Bluntman et Chronic, et Joey Lauren Adams, en inspiratrice du projet, sera tout logiquement Alyssa Jones, celle qui fera tourner la tête de Holden.

TAINTED LOVE

De tous les problèmes que l’homme peut rencontrer dans une vie, s’il n’en existe qu’un seul où aucune réponse n’est définitive, où aucune solution n’est viable, où rien n’est jamais sûr, c’est bien l’amour avec un grand A. Et Smith l’a bien compris car ici, le terme prend toute son ampleur. Si le script peut servir de catharsis et de résolution thérapeutique à une folle passion, et si l’histoire montre bien que ce n’est pas "qui" l’on aime mais "comment" qui est important, elle montre aussi tous les mauvais côtés, ainsi que les moins bons sentiments que cela peut produire. Comme il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il nous parle de la vraie vie, Smith nous assène le scénario de cette femme face à un homme en proie à ses doutes et à ses préjugés, que tout sépare mais que tout va rapprocher pour d’abord le meilleur et pour enfin le pire. Et comme l'un de ses grands adages est que l’amitié peut résister à toutes les épreuves, ou qu’elle est la solution à de multiples difficultés, il démonte ici ses préceptes pour mieux affirmer que lui non plus n’a pas de réponses. Il place toujours ses théories sur l’existence et l’être - théories toujours personnelles, fondées ou non - mais celles-ci se font plus rares dans cet opus et seule l'une d'elle retient vraiment l’attention: "Do, or do not - there is no try". Si cette réplique, empruntée au maître Yoda, place à elle seule l’entière problématique du film, elle n’apparaît seulement qu’à la quasi fin du métrage. Et si elle tarde à arriver, se plaçant comme la seule solution valable, sans dilemme possible, c’est parce que Smith a passé le reste du film à étudier, analyser et compiler toutes les possibilités qu’une histoire comme celle-ci pouvait engendrer. Et comme seule réponse, il ne propose qu’une solution: foncer sans trop réfléchir, sans peser le pour et le contre, en laissant juste s’exprimer les sentiments prédominants. Mais comme les histoires d’amour finissent mal en général, les protagonistes ne se relèveront pas indemnes de cette histoire et, si après la projection, on peut se demander si Holden et Alyssa se remettront ensemble, seuls les spectateurs les plus optimistes répondront par l’affirmative, les réalistes sachant bien que non.

LOVE WILL TEAR US APART

Le résultat laisse Miramax sous le charme et la firme distribue donc logiquement le film, cette romance passionnée mais pourtant impossible comme point de conflit d’une amitié les laissant pantois. Comme toujours, les acteurs sont étonnants de sincérité et de simplicité. C’est pour cela que les films de Kevin Smith parlent tant à son public. Affleck, qui peut parfois laisser à désirer, n’a jamais été aussi bon que dans ce film (même s'il vient de nouveau de se surpasser dans Père et fille), Lee est à la fois touchant et horrible, mais tellement humain qu’il se positionne parfaitement en observateur de cette histoire et juge arbitre du public. Adams, elle, en plus d’être magnifique, remue le cœur grâce à son interprétation émouvante. Le film est sorti dans un parc de salles restreint, mais a malgré tout empoché 12 millions de dollars de recettes et est devenu lui aussi instantanément culte, les spectateurs criant au génie devant l’efficacité de cette histoire humaine, si proche de la réalité. Smith a gagné en confiance et a donné pleine mesure à l’étendue de son talent, raflant même quelques prix et nominations au passage (Prix du meilleur scénario pour Smith et du meilleur second rôle pour Lee aux Independent Spirit Awards, nomination comme meilleure actrice pour Adams aux Goldens Globes, etc.). Devant tant de succès et de plébiscite, Miramax lui accorda logiquement les crédits pour son prochain film: Dogma.

par Christophe Chenallet

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