Broken Flowers

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Broken Flowers
États-Unis, 2005
De Jim Jarmusch
Scénario : Jim Jarmusch
Avec : Julie Delpy, Jessica Lange, Bill Murray, Chloë Sevigny, Sharon Stone, Tilda Swinton, Mark Webber, Jeffrey Wright
Photo : Frederick Elmes
Musique : Mulatu Astatke
Durée : 1h45
Sortie : 07/09/2005
Note FilmDeCulte : ******
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FESTIVAL DE CANNES 2005 - Coureur de jupons égoïste et indifférent, Don Johnston apprend par lettre anonyme qu'il est père et que son fils fugueur de 19 ans est sans doute parti le retrouver. Féru de mystères, son meilleur ami Winston lui suggère un voyage sur les traces de ses anciennes conquêtes. L'une d'elles a la clé de l'énigme.

BANDE ANNONCE 1 BROKEN FLOWERS STEFGAMERSenvoyé par STEFGAMERS

ROSE OU MOROSE

D'un flegme et d'une douceur tragi-comiques, Broken Flowers remonte le cours d'une existence maussade, à la recherche de bluettes égarées et d'une paternité nébuleuse. Au chevet d'un Don Juan grisonnant, Belle au bois dormant caustique et heureuse de sa léthargie, Jim Jarmusch fait ressurgir, le temps d'un pincement de cœur, d’un baise-main furtif, des silhouettes rose bonbon et des intonations familières. Sharon Stone, Jessica Lange, Frances Conroy, Tilda Swinton et Julie Delpy redessinent à leur manière les lignes de vie indisciplinées de Don Johnston (Bill Murray). Les retrouvailles tardives portent à la fois l'aura étincelante des actrices et l'empreinte bien connue du cinéaste. Road-movie à contresens, Broken Flowers porte en lui cette connivence enjouée. Les splendides fondus au noir, les saynètes dérisoires, les chassés-croisés galants et les traits d'humour salvateurs; l’entêtante mélodie jarmuschienne repart de plus belle, fidèle à sa signature flottante et sa discrétion de nature. Don part à la cueillette des bribes de sa vie sentimentale, à l'affût de la mauvaise herbe et des ronces qui ont poussé en son absence. Contrairement aux précédentes fugues de Jarmusch, seulement déclinées au présent, Broken Flowers gèle les souvenirs, retourne la terre et présente les bouts effilochés d'une histoire révolue. Plus le mystère s’épaissit, plus la cuirasse du séducteur, imperméable à toute compassion, tremble d'inquiétude.

BREVES RENCONTRES

Peu enclin aux bavardages, Broken Flowers obéit à une logique rectiligne (un trajet en avion ou en voiture, une visite minutée) et vole de portraits succincts en traversées solitaires. Les foyers ne se ressemblent pas, tous frisent la caricature: la veuve oisive, l'épouse soporifique, la gourou new age, la baroudeuse... Des intérieurs compassés aux planques misérables, chaque maîtresse délaissée, aussi excentrique soit-elle, tend le miroir à une Amérique cafardeuse. C'est à travers ces héroïnes à la dérive, indépendantes, réticentes que Don saisit l'inanité et la désolation de sa propre existence. Ce sont elles qui lui greffent une identité versatile, lui remémorent un vieux rituel amoureux. A la limite de la misanthropie, materné par des voisins plus lucides, Don fait soudain face au manque de ces séductrices oubliées, sans mari (Laura / Sharon Stone), sans enfant (Dora / Frances Conroy), sans conversation (Carmen / Jessica Lange) ou sans argent (Penny / Tilda Swinton). Don l’a décrété, le voyage est promis à l’échec. L’enquête ne dissipe aucun doute et la rupture initiale (le départ de Cherry / Julie Delpy) ne fait qu’accélérer le déclin du héros quinquagénaire. Les bouquets se flétrissent et l’horizon ne montre plus qu’un cimetière. Broken Flowers fait pourtant de cette dépression la matière d’un dernier rebond. Don ne vit que dans l’attente d’une fin, mais cette fin trop confortable est sans cesse ajournée.

L'AGE DES POSSIBLES

A pas feutrés et d'une simplicité presque aride, Broken Flowers ne se découvre que dans son magnifique et tourbillonant épilogue. Les directives volent en éclats, les maîtresses charment et hantent le sommeil. Les indices ne mènent nulle part, les escales chronométrées reprennent leur allure vagabonde, le carrosse de Don Juan redevient citrouille à travers champ et la nonchalance hautaine du personnage s'estompe au gré des abandons. Jim Jarmusch ne livre aucune clé, refuse toute effusion, balade un fantôme interloqué au milieu d'autres fantômes médusés. L'homme sans histoire, sans rêve, sans avenir, hier encore terrassé par son absence de désir, s'accorde une trêve au pied de la tombe. La jolie frimousse d'une Lolita effrontée, l'inquiétude des jeunes filles en fleur, le regard embarrassé d'un flâneur suffisent à réévaluer le voyage, balayer la complainte. Broken Flowers se révèle moins un road-movie distancié que le portrait subtil d'un âge où une simple rencontre peut encore faire pleurer, un violent refus ne peut que faire espérer. La paternité de Don n'est pas offerte, elle reste à apprivoiser. Chez Jarmusch, les vies ne sont jamais pétrifiées. Confiées à Bill Murray (extraordinaire), elles prennent un accent poétique et désabusé. Don n'a plus rien à dire, mais tout reste encore à écrire dans un présent poreux et ouvert à tous les possibles.

par Danielle Chou

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