Bon, la brute et le truand (Le)
Il Buono, il brutto, il cattivo
Italie, 1967
De Sergio Leone
Scénario : Sergio Leone, Age Scarpelli, Luciano Vincenzoni
Avec : Mario Brega, Clint Eastwood, Aldo Giuffe, Rada Rassimov, Lee Van Cleef, Eli Wallach
Photo : Tonino Delli Colli
Musique : Ennio Morricone
Durée : 2h40
Aux Etats-Unis, pendant la guerre de Sécession, trois hommes recherchent un butin de deux cent mille dollars, caché par des soldats sudistes. Il y a Sentenza (la brute), tueur sous contrat qui, lors d'une affaire, apprend l'existence du trésor. Tuco Benedictio Pacifico Juan Maria Ramirez, dit "le porc" (le truand), dont la tête est mise à prix, qui s'est associé à Blondin (le bon).
Le Bon, la brute et le truand constitue le dernier western italien tourné par Clint Eastwood avec le réalisateur Segio Leone (1929-1989). Dans le livre de Noël Simsolo, Conversation avec Sergio Leone (Stock, 1987), le cinéaste parlait de ses trois premiers westerns comme d'une trilogie. Le triomphe des deux épisodes précédents a permis à Leone de faire du troisième une superproduction épique sur fond de guerre de Sécession (1861-1865), période de bouleversements considérables pour l'Amérique.
Sergio Leone considérait que John Ford était le metteur en scène qui avait traité le western de la façon la plus vraie. On ne retrouve pas chez lui cet optimisme et cette foi en l'homme si présents dans les westerns de Ford, éléments qui, d'ailleurs, ne sont pourtant pas si réalistes que cela. Chez Leone, la limite entre le bien et le mal est plus diffuse, et c'est justement cela qui donne un aspect très authentique à ses personnages, malgré la distance ironique de sa mise en scène, lors des longues scènes de duel, où les gros-plans sur les visages se succèdent, soutenus par la mythique musique d'Ennio Morricone.
S'agissant des personnages, d'aucuns soutiennent qu'Eastwood incarne la même personne dans les trois films, mais rien ne vient accréditer cette théorie. Il y a une évolution dans ces derniers. Dans le premier, Eastwood avait la vedette, dans le deuxième, il était face à un autre chasseur de prime, Lee "profil d'aigle" Van Cleef, enfin, dans le troisième, Eli Wallach rejoint le premier plan, et a tendance à éclipser ses deux partenaires, par sa prestation exceptionnelle. En effet, ce qui est marquant dans Le Bon, la brute et le truand, c'est le cabotinage génial de Wallach dans le rôle de Tuco. Contrairement à Van Cleef et Eastwood, qui vont devenir célèbres à partir de ce film, Wallach était déjà un acteur reconnu, issu de l'Actors Studio, et le film de Leone lui offrira uns de ses rôles les plus impressionnants. Autant son rôle de bandit mexicain, Calvera, était classique dans Les Sept mercenaires (1960), de John Sturges, autant celui de Tuco est hors normes. Même s'il s'agit d'une crapule amorale, ignoble, dont la liste des méfaits peut se décliner en chapelet, on ne peut s'empêcher de trouver Tuco sympathique, truculent et incroyablement drôle.
Sergio Leone, dans l'ouvrage précité, parlait ainsi du Bon, la brute et le truand: "Ces appellations étaient arbitraires. Très vite, on peut s'apercevoir que le bon (Eastwood) est tout autant un fils de pute que les deux autres. Ils se valent tous!" On peut ne pas être tout à fait d'accord avec Leone s'agissant du bon qui se démarque quand même de Sentenza (Van Cleef) et de Tuco. Blondin est effectivement une ordure lorsqu'il abandonne Tuco dans le désert... et il sera puni par où il a pêché, lorsque Tuco lui rendra la monnaie de sa pièce. En revanche, Blondin est le seul personnage qui semble éprouver une certaine compassion pour les mourants. Il donne à boire au capitaine nordiste mortellement blessé et le réconforte en lui disant qu'il va faire sauter le pont qui l'obsédait, plus tard il fera fumer un soldat sudiste et le recouvrira de son manteau avant qu'il ne meure. De plus, Blondin est davantage détaché de l'argent que les deux autres protagonistes, puisqu'il en abandonnera curieusement une partie à Tuco... au lieu de le descendre!
Si l'on pouvait trouver un point commun aux trois personnages principaux, c'est leur indifférence vis-à-vis du conflit Nord-Sud qui ravage leur pays. Sentenza travaille comme tueur à gage pour un sudiste lié au magot de deux cent mille dollars, puis plus tard, on le retrouve dans le costume d'un sergent nordiste. Tuco et Blondin empruntent des uniformes sudistes, ce qui donne lieu à une scène d'anthologie lorsque les deux hommes partent à la recherche du trésor et aperçoivent, au loin sur la route, une colonne de militaires.
"-Tuco: Réveille-toi, réveille-toi Blondin, voilà les soldats, allez vite!
-Blondin: Bleus ou gris?
-Tuco: Hein? Ils sont gris, comme nous, confédérés, on va les saluer et après on se tire. Hourrah! Hourrah! Vive la Confédération, vivent les Sudistes et mort aux Nordistes! Ces salauds, et vive le général... comment il s'appelle?
-Blondin: Lee
-Tuco: Le général Lee! Haaaah! Dieu est avec nous, parce que lui non plus il aime pas les Yankees, hourrah!
-Blondin: Dieu n'est pas avec nous et il déteste les corniauds de ton genre!."
La colonne de militaires s'arrête devant Blondin et Tuco et l'on constate qu'il s'agit de Nordistes, dont les uniformes, couverts de poussière, avaient viré au gris, comme celui des Sudistes! Après cela, les deux hommes se retrouvent dans un camp de prisonniers sudistes, dans lequel travaille Sentenza, sergent nordiste.