Cannes 2014: Sofia Coppola

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Réalisatrice, Scénario
États-Unis
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Sofia C. a toussé trois fois. Lever de rideau à Manhattan, sous le regard inquiet de Francis Ford et d’Eleanor Coppola, et de leur éminente garde rapprochée. Second baptême sous les feux blafards des projecteurs, dans l’assemblée sournoise du Parrain. Sofia se prénomme alors Michael Francis (Rizzi), n’agite son hochet que depuis quelques semaines et n’est même pas créditée au générique. Eclosion en douceur avec l’étourdissant Virgin Suicides. Fille de…, sœur de…, Sofia Coppola a longtemps zigzagué, avant de (re)trouver sa place. Pas celle que tout le monde lui soufflait; celle qu’elle s’est mûrement choisie, seule, à la dérobée. Inutile de tousser davantage: toutes les oreilles du monde ne guettent plus que le son de sa voix.

MÉMOIRES D’UNE JEUNE FILLE RANGÉE

Avant l’âge de raison, avant d’ânonner ses voyelles et d’apprendre à tortiller ses lacets, Sofia Coppola arpente les studios, au milieu des câbles et des rails de travellings. Figurante-poupon des deux premiers chapitres du Parrain, Sofia boîte encore quand les médias la dévisagent et se gaussent de chacune de ses maladresses. Francis Ford ayant l’habitude de mettre toute la petite famille à contribution (un grand-père pianiste, un père flûtiste, un fils touche-à-tout, une lignée d’acteurs), Sofia remplace Winona Ryder, déclarée forfait, dans la conclusion de la trilogie. De timides clins d’œil dans les productions de son père la poussent sur le devant de la scène; elle saute à pieds joints dans un rôle étroitement surveillé, et prête ses traits d’adolescente chétive à Mary Corleone. Ses loyaux et douloureux services d’actrice seront sanctionnés par deux Razzie Awards. L’admiration qu’elle voue à son père et la créativité volcanique de ses proches la préservent des attaques acides. Sofia a essuyé des tourmentes autrement plus spectaculaires: l’épopée dévastatrice d’Apocalypse Now aux Philippines, la mégalomanie rampante, les adultères, les crises cardiaques, les typhons, l’enlisement. La fillette ne gardera en mémoire que le raffut des hélicoptères. Le cinéma lui tend les bras, Sofia tient tête à Francis (tous deux co-écriront le conte Life Without Zoe du triptyque New York Stories), bénéficie de master class à domicile et à la carte. Mais se réfugie derrière d’autres tranchées, la photographie, la musique et la mode.

ARABESQUES

Ses fragments amoureux ont beau révéler des anges blonds alanguis, Sofia a mieux à faire que de lézarder. Déterminée, malgré une carrière en ricochets et en entrechats, elle dérive d’une constellation à l’autre, sans se poser plus de questions. Celle qui aurait pu n’être qu’une héritière ignorante, trop bien cajolée pour louvoyer, bâillonnée par son père et ses pairs, développe un goût pour l’inconstance, le doux tintement entre le hasard et ses heureux ajustements. Echappée de la très courue CalArts (Californian Institute of the Arts), Sofia se tient à l’écart du broyeur hollywoodien, mais ses contributions éclectiques la ramènent au cœur de l’arène. Sofia roucoule avec la mode (un stage auprès de Karl Lagarfeld, une marque de vêtements, Milk Fed), traficote une émission éphémère avec Zoe Cassavetes (Hi-Octane). Sofia s’abreuve de musique (une passion partagée avec son frère Roman et son ex-mari Spike Jonze), s’acoquine avec la photo (Hiromix, princesse tokyoïte du cliché volé apparaît furtivement dans Lost in Translation). La rumeur s’affole. Le canard boiteux devient la convive respectée, l’enfant chérie du gotha new-yorkais, la muse d’Anna Sui, de Marc Jacobs pour une fragrance de gardénia, musc et gingembre. Coppola le gastronome lui présente sa cuvée la plus distinguée, "Sofia Blanc de Blancs", "a complex sparkling wine that represents the character of a revolutionary woman coming of age". La dédicace se passe de commentaires. Partout où elle expose son talent, Sofia fait saliver.

CHAMBRES AVEC VUE

Ces parfums capiteux imprègnent les rives silencieuses de Virgin Suicides et de Lost in Translation. Sofia couve des collégiennes friponnes dans son court en noir et blanc, Lick the Stars. Les collisions de l’adolescence la poursuivent jusqu’à son premier long métrage. Heaven 27, l’un de ses concept stores ouvert à Shibuya, reconstitue une chambre de jeune fille esthète, un girlie show qui lui assure un salaire fixe et lui permet de fureter ailleurs. Le paradis flottant de Virgin Suicides donne naissance à une chimère à cinq têtes, les inséparables sœurs Lisbon. Un fait divers du Michigan survit à travers les souvenirs appliqués de pubères enflammés. Les nymphes sont insaisissables; le film secoue la poussière sans polir le mystère. Les bâtons de rouge à lèvres en disent aussi long que les filets de sang. Les crinières blondes s’emmêlent au rythme des tourne-disques. Les mariages insolites de Virgin Suicides et de Lost in Translation égrènent des amours contrariés, capturent une nostalgie passagère. La fracture, le deuil: Sofia Coppola étreint les beautés mortifères, les visages fuyants ou absents. Le bagne des sœurs Lisbon semble anticiper la retraite forcée de Charlotte et Bob. L’aplomb romantique, le spleen larvé ne s’inspirent pas seulement des protecteurs (les Coppola, père et fils), des cicatrices (Gio, le frère décédé) ou des partitions sur mesure d’Air. Oscar du meilleur scénario pour Lost in Translation, Lion d'or à Venise pour Somewhere, en compétition à Cannes avec Marie-Antoinette, Sofia gravira cette fois les marches du 67ème Festival de Cannes en tant que membre du jury présidé par Jane Campion.

par Danielle Chou

En savoir plus

Réalisatrice:
The Bling Ring
Somewhere
Marie-Antoinette
Lost in Translation
Virgin Suicides
Lick the Stars (court métrage)

Actrice: 2001 CQ
1999 Star Wars, épisode 1 - La Menace fantôme
1990 Le Parrain 3
1986 Peggy Sue s’est mariée
1984 Frankenweenie
1984 Cotton Club
1984 Rusty James

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