The Bling Ring
États-Unis, 2012
De Sofia Coppola
Scénario : Sofia Coppola
Avec : Emma Watson
Photo : Harris Savides
Durée : 1h30
Sortie : 12/06/2013
À Los Angeles, un groupe d’adolescents fascinés par le people et l’univers des marques traque via Internet l’agenda des célébrités pour cambrioler leurs résidences. Ils subtiliseront pour plus de 3 millions de dollars d’objets de luxe : bijoux, vêtements, chaussures, etc. Parmi leurs victimes, on trouve Paris Hilton, Orlando Bloom et Rachel Bilson. Les médias ont surnommé ce gang, le "Bling Ring".
BANQUEROUTE
Deux ados pénètrent par effraction dans une villa : on croit qu’une alarme retentit, mais c’est un riff de rock qui envahit la maison de luxe. Le début de The Bling Ring donne le ton. Les délits sont des actes pop, ce petit jeu est sans conséquence. Sofia Coppola décrit des adolescents qui ont perdu contact avec la réalité mais, plus vertigineux que dans un Spring Breakers où les gamines vaguement white trash du Harmony Korine pouvaient avoir envie de fuir leurs vies, celles de Coppola n’ont pas vraiment de raison de le faire. Si elles en ont, elles sont à chercher chez les précédents héros de la réalisatrice : un ennui dans une cage dorée, une quantité de choses qui ne cachent que difficilement un vide existentiel. C’était le cas évidemment pour la reine bientôt morte de Marie-Antoinette ou la star de navets dépressive dans Somewhere. The Bling Ring joue une partition bien plus légère et la tension est celle d’une comédie, avec ses attachantes pintades shootées à l’Adderall, poussant des gloussements devant les premières paires de Louboutins venues. Futile ? Oui, et alors ?
Parmi les reproches récurrents faits à Coppola par ses haters (elle en a beaucoup, autant qu’elle a de talent), il y a celui, pardonnez-nous, totalement bêta, de cinéma de « pauvre petite fille riche ». Comme si le cinéma de « pauvre petite fille pauvre » était meilleur, comme s’il y avait de mauvais sujets. Quelle grande connaissance de la psychologie humaine, quelle grande considération pour le cinéma (vous noterez, par ailleurs, qu’on ne se plaint jamais de « pauvres petits garçons riches »). L’autre reproche à la masse est une association pour le moins paresseuse : Coppola traite de la vanité (montagnes de macarons, récompenses de cinéma ridicules), de la superficialité (des ados obsédées par Lindsay Lohan, Paris Hilton et autres spectres de clubs fashion), du vide (celui d’avant le suicide des vierges suicidées ou d’un séjour dans un hôtel tokyoïte), donc son cinéma est vaniteux, superficiel et vide. Merci pour la brillante démonstration. Peu comme elles démontrent un sens du romantisme adolescent, d’une mélancolie magnifiée notamment par le gigantesque Harris Savides qui signe la photo de ses deux derniers films. Dans The Bling Ring, il n’est pas tant question de mélancolie que d’idée romantique de l’adolescence où se mêlent naïveté, goût du risque et mal-être. Les ados de The Bling Ring ont évidemment tout pour être heureux, ça ne les empêche pas de rêver à être quelqu’un d’autre. Comme tout adolescent.
« Vivre vite et mourir jeune ». Si le ton du nouveau Coppola demeure léger (et d’ailleurs assez inhabituel chez la réalisatrice), il reste une ombre derrière, comme dans ses citations plus ou moins volontaires d’Elephant. De simples touches certes, mais ce ralenti sublime sur l’une des héroïnes douchée par une lumière estivale rappelle certains instants suspendus du film de Gus Van Sant. Les héros de Sofia Coppola ont bien le temps de mourir jeune puisqu’ils ne sont que des gosses. Lors d’une séquence magnifique, un cambriolage est filmé de loin dans une maison coupée en deux, telle une maison de poupées. A l’intérieur, les gamins s’affairent : ils ne jouent pas avec la maison de poupées, ils jouent dedans. Et c’est là toute la différence. D’où ce déséquilibre surréaliste lorsque, et on ne révèle rien du film en disant cela, surgit la police et son armure, comme elle arrêterait un môme ayant volé des Caranougats. Sauf qu’on parle ici de millions dérobés, par des gamins qui n’avaient d’abord pour but que d’assortir leurs bagues en plastique.
Le rythme de The Bling Ring est plus vif que dans Somewhere, la forme moins minimaliste, les couleurs explosent comme des bulles de savon. Le cast de Coppola participe à cette grâce (moins une, Emma Watson, qui pense vraisemblablement qu’elle doit sur-minauder pour qu’on comprenne que son personnage minaude), déguisé comme à un couronnement de pharaon. Mais on sait que chez Coppola, les plus belles couronnes et les plus belles parures finiront toujours par choir au sol et laisser les têtes nues.