Lost in Translation

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Lost in Translation
États-Unis, 2003
De Sofia Coppola
Scénario : Sofia Coppola
Avec : Anna Faris, Scarlett Johansson, Bill Murray, Akimitsu Naruyama, Giovanni Ribisi
Photo : Lance Acord
Musique : Brian Reitzell, Kevin Shields
Durée : 1h42
Sortie : 07/01/2004
Note FilmDeCulte : *****-
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Comédien en perte de vitesse, Bob Harris se rend au Japon pour honorer quelques contrats publicitaires. Dans l’hôtel où il séjourne, il croise Charlotte, la jeune épouse d’un photographe de mode. Verre après verre, les deux insomniaques sympathisent, se confient et se perdent la nuit dans les bars de la métropole.

Lost in Translation: Bande Annonce VOSTenvoyé par pitchbrioche

LUXE, CALME ET VOLUPTE

La griffe Sofia Coppola se reconnaît à ses chuchotis suaves et à ses fragiles fondations – une caresse, un frisson, un soupçon de lumière éveillent un sentiment de tristesse et d’agrément. Film-édredon voilé d’un mystère amoureux, Lost in Translation se glisse aisément dans la couche indolente et éthérée de Virgin Suicides. Soucieuse de s’effacer derrière un patronyme trop célèbre, la promeneuse discrète s’exile dans l’Eden de l’étrange et de l’imprévu. Les carrefours phosphorescents, les pachinko assourdissants auréolés de temples séculaires et d’une sérénité un rien théâtrale. Le Japon: sphère détachée à la fois proche et lointaine, racontée du point de vue tâtonnant de deux Américains. Confiné dans un hôtel quatre étoiles, Bob s’incline devant l’opacité d’un pays déconcertant. Charlotte, petite culotte rose et moue rayonnante, s’évanouit avec grâce dans un dédale de signes nébuleux. Vingt-sept jours de tournage, deux acteurs funambules, une poignée de techniciens; Lost in Translation marque une trêve singulière – décousue mais attachante – dans la filmographie succincte de Sofia Coppola. Les sublimes vapeurs de Virgin Suicides masquaient une douleur âpre. Le couple de vacanciers oisifs révèle peu de ses désillusions. Une correspondance par fax, un dialogue insipide suffisent à mentionner l’entourage monocorde des deux insomniaques.

LIGNES DE FUITE

Intérieur jour / chambre d’hôtel. Extérieur nuit / bars interlopes. Recroquevillée contre une fenêtre insonorisée, Charlotte devine le brouhaha de la cité, contemple les gratte-ciels saisissants et les flux ininterrompus de piétons. Perdu entre deux fuseaux horaires, Bob pianote sur sa télécommande, patauge dans la piscine et finit enseveli sous trois épaisseurs de couette. Plongé dans une torpeur ouatée, Lost in Translation se fait l’écho de babillages inoffensifs et de mots doux à peine susurrés. Sofia Coppola accompagne si tendrement les jeunes filles alanguies et irrésolues que plus rien, au dehors, n’a d’importance. Les poses étudiées et la voix rocailleuse de la scintillante Scarlett Johansson se fondent idéalement à la désinvolture du moment. Les bifurcations frivoles et improvisées revendiquent une seule envie: la spontanéité, le plaisir de la fuite et de la course éphémère. Bob et Charlotte s’épient à distance respectueuse. Leur connivence, jamais grivoise, confine à l’amour platonique. Le happening ne va pas au-delà du circuit attendu: allers et venues de bars en bars, de buffets en karaoké. Tokyo n’est pas une carte-rébus à la manière d’un Jean-Pierre Limosin, mais un papier-peint luxueux, un duvet accueillant, où l’on se moque gentiment de la jet-set hollywoodienne et des quiproquos culturels.

CHAMBRE A PART

La sérénade de Sofia Coppola s’élève doucement, des premières notes dissonantes à l’accord juste et émouvant. Les interlocuteurs japonais, chaperons vagues et unidimensionnels, trébuchent sur la prononciation de "Roger Moore". Les malentendus s’éternisent, jusqu’aux apparitions angéliques de Charlotte. Droopy en pantoufles, décontenancé par ses traducteurs, Bob cabotine sans conviction devant les objectifs et traîne sa silhouette anémiée dans les couloirs du Park Hyatt. Lost in Translation se contente d’une bulle rêveuse, éclaire quelques visages familiers dans une retraite fastueuse. La rupture imminente hante les duettistes, mais les poussent toujours un peu plus l’un vers l’autre. L’âge, les différends soudain s’estompent. Les époux laissés à eux-mêmes esquissent un sourire dans l’ascenseur, Kelly la starlette écervelée (Anna Faris force le trait avec une énergie cocasse) accapare le micro de la chanteuse du piano-bar. La contrainte du temps, le dispositif allégé de Sofia Coppola sculptent un semblant d’histoire, mais les véritables étincelles ont lieu pendant ces intervalles. L’amour naissant de Bob et Charlotte se niche dans ces creux poétiques, où une larme grise autant qu’un baiser. Les conversations hasardeuses ne font que prolonger le délicieux supplice d’une relation en suspens. Allongés côte à côte, Bob et Charlotte s’endorment comme deux grands enfants.

par Danielle Chou

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