John Singleton

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Réalisateur
États-Unis
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La carrière de John Singleton, ainsi que les critiques qu’elle a pu provoquer, sont fondées avant tout sur un malentendu. Celui d’un jeune cinéaste propulsé malgré lui à la tête d’un cinéma militant pour la cause noire, d’un prodige de la caméra catalogué contre son gré fer de lance d’un genre, celui de Spike Lee ou des Hughes brothers, dans lequel il ne se reconnaît pas vraiment. Car John Singleton est sans doute le cinéaste le plus cool de la planète. Il l’a prouvé par le passé avec Shaft, à un degré moindre avec Baby Boy (film intimiste raté mais attachant), et il le prouve aujourd’hui en transformant en un divertissant et incroyable film singletonnien la suite de l’un des blockbusters les plus minables de ces dernières années, 2 Fast 2 Furious. L’attitude black, cool, rap, John Singleton aime ça. La frime, le funky, les jolies filles, le sexe, sont pour lui des constantes qui alimentent une œuvre entièrement tournée vers le fun. Dans cette optique, l’on comprend mieux pourquoi il n’a jamais tenté de reproduire le succès critique de Boyz N the Hood, son chef d’œuvre, le film le plus brutalement émouvant des années 90… et paradoxalement, source de l’incompréhension qui a suivi la sortie de chacune de ses réalisations, le film le plus éloigné de la personnalité de son auteur.

John Singleton est mort, ce lundi à l'âge de 51 ans. FilmDeCulte l'avait rencontré pour la sortie de 2Fast2Furious et avait écrit ce long portrait.

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%% Comme il l’expliquait dans l’entretien qu’il nous avait accordé, il n’avait pas de plan de carrière, pas de genre de prédilection. Son but, son trip: se diversifier, à la manière des plus grands cinéastes de l’âge d’or hollywoodien. Howard Hawks, John Ford, sont les noms qu’il cite. Deux cinéastes qui ont œuvré dans des genres codifiés mais variés, et qui ont su s’éloigner de temps à autre du western - surtout Hawks, à vrai dire. Prenant manifestement plus de plaisir à parler de ses films "cools" que de son chef d’œuvre initial, il reconnaîssait n’avoir pas grand chose à voir avec les réalisateurs de Do the Right Thing ou Menace II Society (qu’il considère par ailleurs comme une vague copie violente de son propre film), même s’il revenait le temps d’un film (Rosewood, son seul véritable échec commercial) vers un cinéma militant pour la cause black.

Boyz N the Hood, ce film magnifique sur les rapports humains subsistant dans un quartier black défavorisé, cette œuvre bouleversante nommée plusieurs fois aux Oscars, notamment pour ceux du meilleur scénario et du meilleur réalisateur, serait presque un accident. Un portrait intime du cinéaste à un temps donné, un brûlot humaniste sans concession explorant la jeunesse de son auteur, ses souvenirs, ses peurs, ses regrets, mais qui aujourd’hui ne lui ressemble plus vraiment. Même son récent Baby Boy, à l'apparence pourtant proche, se penche finalement plus sur le thème du passage à l’âge adulte d’un homme enfant que sur la condition des Noirs dans les ghettos américains. Il ne renie rien, John. Il a simplement changé, et déteste plus que tout être catalogué. Cause de ce changement? Peut être le retour, à travers un clip magnifique pour Michael Jackson et un film avec la sœur Janet (Poetic Justice), vers un cinéma moins brutal, plus rythmé, plus funky, finalement plus proche du real Singleton que ce cinéma vérité fondé avant tout sur l’errance de personnages sans avenir. Peut-être aussi cette longue période de trois années sans faire de film, sans réussir à monter le moindre projet, période durant laquelle le cinéaste a mûri, ses envies se faisant plus précises, plus évidentes. C’est ça, Singleton. Un mec capable de réaliser l’un des plus beaux films du début des années 90, de tourner par la suite le dos à un genre dans lequel il semble exceller, pour ensuite finir par créer, à travers la relecture d’un mythe, le héros le plus classieux de ce début de millénaire. Un mec bien, en somme. Un mec cool, surtout.

Retrouvez notre longue interview du réalisateur

par Anthony Sitruk

En savoir plus

2003 2 Fast 2 Furious 2001 Baby Boy 2000 Shaft 1997 Rosewood 1995 Fièvre à Columbus University 1993 Poetic Justice 1991 Boyz N the Hood

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