En 1993, le réalisateur Alex Proyas met en scène The Crow, adaptation du comic book éponyme de James O'Barr. La réputation de la BD est sulfureuse, noire, violente, non moraliste et faisant l'apologie de la vengeance froide. Mais ce n'est là que le couvercle d'une boîte à double fond. Car si, effectivement, le comic peut, au premier abord, laisser passer un message violent, le fond recèle en fait l'histoire d'un homme à la vie déchirée, l'histoire d'un homme hanté, l'histoire d'un couple
 
annihilé, l'histoire de l'auteur James O'Barr, qui a décidé, par l'écriture de ce roman graphique, d'exorciser ses démons à la perte de sa femme, et de créer une vision fantasmée de sa vie à travers le personnage d'Eric Draven. De cette histoire, Alex Proyas en tire la moelle et quasiment tout le squelette, et donne corps et image mouvante à des dessins déjà bien ancrés dans l'univers proyassien: look néo gothique des personnages, décors proches à la fois de l'expressionnisme allemand et du côté rétro-futuriste d'un Gustave Eiffel (que l'on retrouvera plus tard dans son film Dark City)... À cela, Proyas rajoute la couleur (puisque le support original est en noir et blanc), mais une couleur très axée sur les noirs profonds, les jeux d'ombres, et supprime quasiment toute couleur chaude, à l'exception du rouge sang. D'ailleurs, le film ne se passe quasiment que de nuit. Pour finir d'englober ce projet dans l'esprit romantique torturé de la
 
bande dessinée, Proyas rajoute au score déjà bien sombre de Graeme Revell les musique gothico -électro-mélancoliques de The Cure, Nine Inch Nails ou encore My Life With The Thrill Kill Kult. Entre un poème d'Arthur Rimbaud et une nouvelle d'Edgar Allan Poe, Proyas magnifie les personnages glauques, le côté métal urbain de la ville et sa lumière d'une noirceur profonde (due au très bon chef opérateur Dariusz Wolski) pour alimenter sa vision de cette poésie noire.




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Un comic book presque inconnu, un acteur ayant encore tout à prouver, un réalisateur de seconde zone spécialisé dans les films de série B (Le Blob, Freddy 3: Les Griffes du cauchemar), autant dire que The Mask fait office d'outsider pour la
 
compétition des films de l'été 1994. Seulement voilà, la réputation des films aux effets spéciaux ahurissants lui fait une promotion énorme et les grosses machines True Lies, Speed ou Maverick commencent sérieusement à douter de leurs chances face à ce film indépendant de la franchise New Line. Après s'être cassé les dents sur l'adaptation du Neuromancien de William Gibson, le réalisateur Chuck Russell est contacté par New Line Productions pour adapter pour le grand écran une bande dessinée. Celle-ci, née de l'imagination de Mike Richardson en 1982, ne connaîtra une publication que trois ans plus tard, dans APA
 
5, un magazine à l'usage des dessinateurs. Elle raconte la vie de Stanley Ipkiss, modeste employé de banque, loser par bien des aspects, aux tendances psychotiques enfouies au plus profond de son âme, qui tombe un jour sous l'influence d'un masque viking, trouvé par hasard. Devenant son propre pantin, grâce aux pouvoirs de ce masque ancestral, Ipkiss se transforme alors en une énorme et incontrôlable tornade de pulsions inassouvies, où l'explosion de ses sentiments extrêmes va laisser plus d'une de ses rencontres sur le carreau et ce, de manière plutôt sanglante.
 
Voyant là l'occasion de rentrer dans la cour des grands réalisateurs hollywoodiens et de pouvoir ratisser un large public, Russell accepte toutes les coupes de la société de production concernant la violence et les effets gores, mais réussit à les persuader de l'orientation cartoonesque qu'il veut faire prendre à cette adaptation. Ainsi, le personnage de Stanley, s'il reste toujours un modeste employé de banque, ne dézingue plus ses ennemis à grands coups de tromblon mais devient en fait un célibataire à la timidité maladive et grand fan des
 
dessins animés de Tex Avery. Et le port dudit masque de toujours annihiler ses inhibitions mais sous forme de presque dessin animé et de le faire devenir conquérant et séducteur. Six années après Qui veut la peau de Roger Rabbit? et 25 millions de dollars de budget plus tard (énorme tarif pour une firme indépendante), The Mask devient le premier film à bénéficier des retombées numériques de Jurassic Park et à marier à merveille prises de vue réelles et effets cartoon. Le succès est bien évidemment au rendez-vous, mais ne profitera finalement qu'à Jim Carrey, qui porte
 
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autant le film que les effets spéciaux.



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Aventure, espionnage, époque dorée, séduction sont les éléments qui ont fait la réputation de l'histoire du Rocketeer, et
 
c'est essentiellement ce qui a intéressé le réalisateur Joe Johnston dans cette adaptation. Depuis sa première réalisation (Chérie, j'ai rétréci les gosses!) et jusqu'à son dernier film (Hidalgo), Johnston s'est toujours montré comme un fervent admirateur de l'aventure épique et dépaysante, menée par des personnages singuliers mais au potentiel toujours en devenir. Et le personnage de Cliff Secord n'y échappe pas. Aviateur un peu casse-cou qui a du mal à joindre les deux bouts, Secord n'est autre que
 
l'incarnation du jeune aventurier des années 30, un peu rebelle, des rêves plein la tête et amoureux d'une fille qu'il sent filer entre ses doigts. La découverte de cette roquette dorsale lui permettrait de devenir un héros, de voler comme personne et surtout de reconquérir sa dulcinée des mains d'un célèbre photographe de stars. Le décor est planté mais problème: le serial en bande dessinée du dessinateur Dave Stevens n'est pas terminé.
 
Peu importe, Johnston (et les scénaristes Danny Bilsonet et Paul De Meo) décide de prendre la base du comic book et de l'arranger à sa sauce, tout en restant fidèle au matériau d'origine. Ainsi, si l'action a toujours lieu à la fin des années 30, le contexte politique, avec la montée du nazisme en Europe, est un peu plus poussé, le photographe de mode devient un acteur très coté à Hollywood, mais qui est aussi un agent infiltré à la solde des nazis, et l'icône Betty Page, qui servait de modèle photographique et de référence au lecteur,
 
devient ici une actrice de second plan à qui l'on promet monts et merveilles et qui se retrouve au milieu d'une histoire de héros volant, d'espionnage et de grand banditisme. Finalement, avec une thématique poche d'un Spiderman (le héros adolescent qui se retrouve impliqué dans plus qu'il ne voulait et qui a du mal à communiquer avec sa petite amie), et classé entre un Indiana Jones et un comic strip de gare, The Rocketeer est une belle réussite au niveau de l'adaptation de bande dessinée sur support pellicule, puisque ce qui en a fait le succès et la réputation
 
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se retrouve imprimé sur grand écran sans en enlever la saveur.