Véritable ovni cinématographique, une bande de super-héros nazes débarque sur les écrans en 1999 avec un second degré apparent et une histoire tout aussi
 
débile que lesméchants qu'ils vont devoir combattre. Au départ du projet, une presque obscure série de comic book intitulé Flaming Carrot, créée par Bob Burden, paraît chez l'éditeur indépendant Dark Horse et se fait un petit bonhomme de chemin chez les aficionados de BD décalée. Flaming Carrot, c'est l'histoire d'un adolescent "geek" qui lit un peu trop de comics et décide de créer sa propre version des "vengeurs" avec d'autres passionnés, qu'il va recruter à droite et à gauche. Et de devenir des super-héros bis, sorte de prolétaires de la justice, avec des talents qui peuvent paraître
 
inutiles et qu'eux seuls connaissent. Le nouveau venu dans le cinéma, Kinka Usher, fils prodige de la publicité, et son scénariste Neil Cuthbert décident d'abandonner le personnage principal de Flaming Carrot pour l'adaptation de la BD, et se concentrent sur les autres bras cassés de la justice. Avec un style peu fin et tape-à-l'œil proche d'un McG (Charlie et ses drôles de dames), Usher s'évertue à magnifier les actes héroïques et les exploits bien relatifs de ces héros de pacotille, le tout sur du son pop-rock bien tendance et très festif.
 
Mais le second degré étant le mot d'ordre du film, cette mise en scène ne fait en aucun cas tache et sert même les pouvoirs de nos compagnons. Certes, les héros sont ringards, mais tellement sympathiques et absolus dans leur démarche qu'ils en deviennent attachants, notamment grâce aux excellentes interprétations de Ben Stiller, Paul Reubens, William H. Macy, Geoffrey Rush ou encore Greg Kinnear. L'une des bonnes idées de ce film est de montrer nos héros dans leur quotidien d'homme civil, où leur vie privée empiète sur leur vie de justicier de la nuit et où leur famille regarde d'un œil amusé ou
 
consterné leurs actions en costume argenté, car chaque situation mêlant les deux styles de vie est prompte aux meilleurs gags du film comme, par exemple, le recrutement de l'équipe dans le jardin de "La Pelle", autour d'un barbecue avec des faux héros tous plus débiles les uns que les autres. À ces personnages hauts en couleurs et en gueule, il a aussi fallu trouver des adversaires tout aussi démesurés. C'est ainsi que naquirent les "Discoboys", méchants sous-fifres de Casanova Frankenstein, qui ont fait des Bee Gees un hymne presque révolutionnaire et de leur pas de danse une arme. A Champion City, capitale du
 

super-héroïsme, on s'amuse plus que l'on ne redresse les torts de vilains foireux, le tout dans une bonne humeur ambiante et avec une bonhomie bien décalée.



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Avec trois adaptations pour le grand écran, l'été 95 avait de quoi être prometteur au niveau de la transposition de héros de papier sur celluloïd. Coincés entre un Batman Forever et un Judge Dredd, une fille et son char, sortis de nulle part, vont tout exploser sur
 
leur chemin de sable, juste pour le fun, tout en rotant dela bière et en forniquant avec des hybrides d'hommes kangourous. Bienvenue dans l'univers de Tank Girl. Née en Angleterre, dans le recueil de bandes dessinées alternatives Dealine, le personnage de Rebecca Buck, alias Tank Girl, connaît un succès immédiat, tellement cette nouvelle héroïne semble être sortie tout droit des envies des lecteurs, en mal de nouveaux personnages intéressants. Devenant très vite une icône de la culture alternative (Tank Girl se retrouve rapidement hors de ses planches dessinées, pour apparaître sur des publicités ou des pochettes de CD), la nihiliste et je-m'en-foutiste demoiselle, sortie des esprits de Alan Martin et Jamie Hew-
 
-lett, ne tarde pas à intéresser le monde du cinéma. Mais aux vues des particularités du personnage, les producteurs semblent assez frileux face à l'adaptation. Quant à l'éditeur Dark Horse, soucieux de ne pas voir son personnage fétiche tomber entre de mauvaises mains, il ne se décide à céder les droits de l'adaptation qu'à la réalisatrice Rachel Talalay (Freddy 6: La Fin de Freddy), qui a su se montrer la plus enthousiaste des candidats. Les décisionnaires financiers lui imposeront tout de même certains impératifs, en plus d'un petit budget, comme des coupes dans le côté trash du projet. Exit donc, les insultes et les scènes de sexe.
 
Mais Talalay parvient malgré tout à garder un esprit proche du comic, avec le futur post-apocalyptique, le désert australien et le fameux tank, même si ce dernier est sous-exploité. De ce fait, cette fille plus "mad" que "max" perd un peu de son charisme, mais c'est sans compter sur l'énorme prestation de son interprète Lori Petty, qui se donne à son maximum pour magnifier le côté déluré de son personnage. De plus, Talalay se charge de rendre la structure de l'ensemble tout aussi déjanté que la BD. Ainsi, le métrage se retrouve agrémenté d'images du comic, parsemées par-ci par-là, de
 
séquences en dessins animés ou même, dans le film lui même, d'une scène de comédie musicale très "hollywoodienne", qui pourrait jurer avec l'ensemble du film si le projet n'était pas ce qu'il est. Et pour agrémenter cette sauce, finalement pas si éloignée d'un clip MTV, la réalisatrice fait appel à Courtney Love pour superviser l'apport musical au film. Cette dernière y balance alors les compositions de groupes tout aussi underground à l'époque, puisque l'on y trouve Iggy Pop, Hole, L7 ou encore Björk ou Ice T. Finalement, le film aura bien évidemment déçu les fans purs et durs de la BD, mais aura surtout laissé dubitatifs
 
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les critiques et le public, qui n'a pas osé le déplacement, lui préférant la chauve-souris gay et même le juge casqué, ses principaux concurrents au box office des "super héros".



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En 1995, l'été et ses blockbusters sont attendus avec impatience. John McClane s'en va sauver New York, Kevin Costner joue à Mad Max sur l'eau, Mel Gibson s'apprête à libérer l'Ecosse, mais le film le plus
 
attendu est sans nul doute celui où Stallone incarne un flic, juge et bourreau du futur: Judge Dredd. Réalisé par un inconnu, porté par un Sly avec une carrière en dents-de-scie, basé sur un matériau d'origine sulfureux, le pari est risqué et les enjeux considérables. Créé en 1977 dans le recueil anglais 2000 A.D., par John Wagner et Carlos Ezquerra, le personnage du juge Dredd, sorte de Dirty Harry du futur, est ultra violent, limite fasciste, et évolue dans une mégapole nommée Mega City One. Dans ce futur, la société est dirigée par un nouveau corps d'élite, qui a le pouvoir de dispenser la justice autant
 
que le châtiment, et Dredd y incarne cet antihéros, ce juge aux méthodes impartiales qui ne jure que par la loi, qui la fait respecter sans jamais fléchir, avec hargne et salive au coin des lèvres. Si le comic book est souvent pointé du doigt, c'est parce qu'il représente ce qu'une société trop stricte, aux lois sans équivoque et aux procès parfois improbables, pourrait devenir dans un futur proche. Il confronte ainsi le lecteur aux limites de ses opinions libérales et remplit ses histoires de commentaires sociaux et de clins d'œil liés à la société contemporaine.
 
Mais voilà, la production ne veut pas un film dérangeant mais un nouveau blockbuster de science-fiction pour tous. Alors, le réalisateur Danny Cannon est obligé de restructurer le personnage pour le rendre plus humain, ainsi que le scénario, pour pouvoir lui adjoindre un sidekick comique beaucoup plus présent et ainsi répondre à une très (trop?) bonne interprétation de Stallone, impassible, monolithique et froid. Le premier effet du cahier des charges imposé par la production est donc de montrer le visage du juge, parce que si le film se paye le luxe d'avoir Stallone dans le rôle-titre, on doit donc voir son visage. Alors qu'au contraire, le héros du comic ne l'enlève jamais, ce qui contribue au fait que le personnage renie en lui toute parcelle d'humanité et fait corps avec son
 
uniforme. Puis au montage, Cannon est obligé de censurer son film. Exit, par exemple, le carnage final des clones qui voit des corps en pleine composition se faire éclater comme des citrouilles un soir d'Halloween. Enfin, des plans sont retournés pour l'épilogue afin que le navrant personnage de Fergie survive, le public des projections-tests s'étant soi-disant accroché au personnage. Une rumeur circule autour du fait que la production n'aurait pas aimé que Dredd ne fasse rien pour l'aider à s'en sortir et le laisse pour mort comme le vulgaire boulet qu'il est. Ainsi, si le film a souffert à cause des producteurs, il faut remercier le réalisateur et sa grande connaissance de l'univers de Mega City One pour avoir quand même su rendre vivant ce monde de désolation. Il convient aussi de remercier les scénaristes William Wisher et Steven E. de Souza qui, grâce à leur histoire proche
 
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d'une tragédie grecque - entre frères ennemis et parents de substitution qui créent des humains avec le projet "Janus" qui, comme le dieu romain, donne un double visage à Dredd - ont su empêcher le désastre que cela aurait pu devenir.